Olivier Brisson, Pour une psychiatrie indisciplinée
Olivier Brisson est psychomotricien, formateur au sein des CEMEA et musicien expérimental.
Dans son ouvrage, paru aux éditions La Fabrique et intitulé Pour une psychiatrie indisciplinée, il part du postulat selon lequel toute tentative de soin en psychiatrie se retrouve, à un moment ou à un autre, entravée par de multiples injonctions néolibérales, ayant leurs effets problématiques : rendement, réclusion / isolement, dépersonnalisation, etc.
Mais ces impasses poussent dès lors à l’expérimentation, à bifurquer et à explorer d’autres formes de soin et de thérapie souvent marginalisée.
Au-delà de son expérience professionnelle, l’enjeu sera de comprendre comment Olivier Brisson compose avec l’héritage de la « psychothérapie institutionnelle » (Deligny, Tosquelles, Oury) que l’on peut rapidement définir comme la primauté du soin de l’institution plutôt que que la tentative institutionnelle de normer l’individu. Nous souhaitons également saisir le sens de son bricolage au quotidien, bricolage marqué par la conscience et l’influence d’une pratique révolutionnaire du soin, et qui compose avec les réalités du terrain.
À travers ce livre, nous voulons réactualiser les hypothèses et les expérimentations propres à la « psychothérapie institutionnelle ». Mais que faire, aujourd’hui, avec le mythe libertaire des cliniques telles que St-Alban ou de La Borde, fondées sur et par la praxis d’un égalitarisme radical, où soignants et soignés s’accompagnent mutuellement dans la vivance et où les gestes artistiques occupent une place centrale ?
Résolument, Olivier Brisson ne sépare jamais le geste esthétique d’une pratique de soin. Car il y a une fonction poétique de la psychothérapie. Quasiment toutes les avant-gardes artistiques et européennes ont d’ailleurs fondé leur politique sur cette ouverture à la création.
« Praxis bold as love », nous dit Olivier Brisson. Soigner réside et procède ici du domaine des musiques improvisées, bruitistes, dans les pratiques brutes de la musique, au sens où c’est le processus de création qui l’emporte sur l’œuvre aboutie.
Et c’est à partir de cette considération du sensible qu’une perspective de soin s’ouvre.
Le corps « autiste », « handicapé » est, coûte que coûte, aussi, du langage capable d’action, exprimant une réalité du monde. Et la musique sans cesse considérée comme moyen vitaliste ‒ spontanéisme ne s’inscrivant pas dans le champ du divertissement ‒ permet la recherche d’une identité active, d’un poème et de son devenir en faveur d’une singularité existentielle trop souvent mise à mal.
Toutes ces frictions atonales n’en demeurent pas moins de l’ordre du partage. Cela fonctionne en réseau, avec ses sources, ses puits, ses passages, ses traces etc., dessinant une carte un peu mystérieuse, souvent ignorée, où des battements sensoriels résonnent avec larsens et cris des plus authentiques en matière d’amplification hic et nunc.
Jamais complètement idéologique ni pleinement artistique, perçues comme l’expression radicale d’un vécu corporel, les pratiques brutes de la musique en psychiatrie troublent toutes les définitions sclérosées en matière d’attente esthétique et de conduites humaines. L’improvisation en tant que telle invite à se laisser habiter par les sens, hors du sens, ce qui modifie le regard sur le handicap et rend caduque toute prétention à définir les normes.
À partir de là, que permettent les armes et les pistes laissées par la « psychothérapie institutionnelle » ? Plus pratiquement, quelles sont-elles ? Peut-on encore s’en servir, dans la mesure où la psychiatrie s’ouvre à mesure qu’elle isole ses usagers ? Grâce à la musique, soigner ne veut-il pas dire remettre du corps à l’heure où nous vivons une certaine crise de la présence ? De quel potentiel thérapeutique parlons-nous ? Que révèle notre condition d’auditeur passif face à des musiciens explorant la matière sonore au-delà ce qui est considéré comme écoutable ou admissible ?
Cette soirée se veut une invitation à la discussion et à la rencontre, car si nous avons l’intuition de la marche à suivre, il est parfois complexe de comprendre d’où partir.
Compte- rendu
Pour une psychiatrie indisciplinée
Hervé : Bienvenue à cette soirée-débat. Je rappelle que le cercle Gramsci est une association qui organise des débats sur des questions de société, souvent avec un aspect critique, et aussi avec des propositions alternatives. Le cercle Gramsci ne vit que des contributions individuelles volontaires à l’association : les abonnements à La Lettre. Nous avons accepté une proposition de débat qui nous a été faite à partir du livre d’Olivier Brisson, Pour une psychiatrie indisciplinée, et nous sommes contents de l’accueillir ce soir. Le livre nous a intéressés pour plusieurs raisons :
– parce qu’on connaît l’état actuel de la psychiatrie (et des services publics et de la santé en général) et qu’on peut parler de naufrage ;
– parce qu’on peut aussi parler du développement de l’aspect sécuritaire.
Je ne sais pas si ce sont des questions qu’Olivier Brisson va aborder à partir de son expérience de psychomotricien, de la praxis qu’il développe et aussi des formes créatives qu’il propose, des lieux, des liens qu’il envisage.
Olivier Brisson (OB) : Je suis psychomotricien diplômé. Je voulais travailler en psychiatrie publique parce que j’avais comme idée que la psychiatrie était, en tout cas dans le public, un espace où on accueillait la folie. Et aussi parce que chez moi, en famille, on entendait parler notamment de l’expérience de La Borde. Je me disais que c’était un milieu où j’allais rencontrer des gens actifs, motivés et cherchant à rencontrer la différence, la folie.
Ce n’est pas ce qui s’est passé. J’ai d’abord rencontré des portes fermées et un premier outil qui était le trousseau de clés. Voilà. En fait, pour être très honnête, ça fait vingt ans que je travaille en psychiatrie, vingt ans que je suis très critique d’un certain nombre de choses qui s’y passent, et pourtant, je m’y plais encore beaucoup. Parce que j’arrive à y trouver une place un petit peu particulière : c’est sûrement lié au fait que je sois psychomotricien. La psychomotricité, je ne sais pas si tout le monde est au courant de ce que c’est ? Mais si parmi vous, il y en a qui ne savent pas, c’est normal. Parce qu’en fait, on ne sait pas vraiment ce que c’est !
C’est ce qui est une force pour nous, les psychomotriciens : personne ne sait ce que c’est. Quand on travaille dans un service en psychiatrie en tant que psychomotricien, même nos médecins ne savent pas ce qu’on y fait. C’est plutôt pratique. C’est une espèce de pratique paramédicale qui s’appuie sur un certain nombre de choses, à la fois la question du développement, et la question du jeu, la question du corps, de ses représentations et de la façon de l’investir, la façon de le vivre dans le temps, dans l’espace. Mais très concrètement, je crois qu’il y a autant de pratiques en psychomotricité qu’il y a de psychomotriciens et qu’on a encore cette chance-là de pouvoir construire notre propre pratique.
J’ai commencé d’abord en psychiatrie adulte pendant trois ans dans un service dit de « chroniques ». J’ai pris en pleine gueule vraiment ce qu’était la psychiatrie la plus sordide. C’est le début de mon bouquin parce que ça fait quinze ans que je me dis qu’il va falloir un jour écrire sur ce sur cet épisode-là de mon expérience, sur ces personnes que j’ai rencontrées à ce moment-là. Un enfermé 24h sur 24, à poil, avec juste un drap et une couverture ; une enfermée à qui on avait arraché les dents parce qu’elle se mordait la langue ; et ainsi de suite… Et pourtant, même là, on essayait à quelques-uns de créer des moments où on partageait des choses un peu joyeuses, où on sortait une piscine dehors : celui qui était enfermé pouvait avoir pendant une heure et demie l’occasion de se jeter dans la piscine, de s’accrocher à nous, de monter sur notre dos. Des petits espaces comme ça, où il se passait des choses joyeuses dans un univers qui était quand même assez sordide.
J’ai travaillé à partir de 2006 en hôpital de jour en région parisienne en pédopsychiatrie avec des enfants en très grande majorité autistes. Et depuis 2013, je suis dans le Nord, attaché à l’EPSM (Établissement Public de Santé Mentale) d’Armentières. Je fais de la consultation avec des petits entre deux et douze ans. J’ai également un mi-temps sur l’hôpital de jour, toujours en pédopsychiatrie.
Pour finir ma présentation, et parce que cela marque ma pratique : j’ai monté en parallèle en 1997 une association qui s’appelle maintenant « La Belle Brute »1, une association qui défend les musiques expérimentales et les pratiques brutes. Je suis musicien, piètre musicien, mauvais batteur2. Donc, quand on est mauvais batteur, on rajoute des objets, on met des micros, on tire des câbles et on essaie de faire d’autres types de sons que ceux qu’un bon batteur sait faire… J’ai depuis longtemps une pratique musicale en parallèle de mon métier. Un jour, je me suis dit qu’il y avait des résonances entre ce que je partageais avec des copains en musique expérimentale, et ce qui pouvait se passer au niveau des manifestations avec les jeunes que je recevais. Je suis aussi formateur au CEMEA (Centre d’Éducation aux Méthodes d’Éducation Active) depuis quelques années à Lille. Ça, c’est plus récent, mais c’est très intéressant aussi.
Hadrien : Tu es venu avec un objet que tu as fait. Est-ce que tu aimerais nous en parler ? D’où ça vient, cette chose-là ? Peut-être que c’est ça qui te permet aussi de pouvoir travailler en hôpital psychiatrique depuis plusieurs années, pour pouvoir trouver des portes de sortie… ou des portes d’entrée, je ne sais pas ? Peux-tu nous parler de ton rapport avec la psychothérapie institutionnelle ? Rapidement, pour rappel historique, sans tous les concepts : comment tu la pratiques et comment tu l’envisages dans une pratique professionnelle ?
OB : Je ne vais pas forcément en parler comme tu l’attends. L’envie d’aller bosser en psychiatrie, c’était justement (avec le peu d’éléments que j’avais de la psychothérapie institutionnelle) l’idée que ça pouvait être un espace horizontal, aussi bien entre professionnels qu’entre professionnels et concernés. Pendant le premier entretien que j’ai passé, j’ai parlé de Lucien Bonnafé, parce que j’étais en train de le découvrir sur la question de la psychiatrie de secteur. Je parle de cela avec le médecin du service. Il me dit : « Pour moi la psychothérapie institutionnelle c’est tout mon univers, c’est toute ma culture ». C’est dans son service que le jeune dont je parlais est enfermé 24h sur 24 avec un drap et une couverture.
J’ai déchanté sur ce que ça voulait dire que d’être dans la psychothérapie institutionnelle. C’est une histoire que j’ai essayé de creuser, sans m’inscrire complètement dans tous les réseaux de la psychothérapie institutionnelle. C’est un héritage qu’il me semblait nécessaire de garder, une filiation qu’on pouvait essayer de défendre : tous les colloques auxquels j’assistais, toutes les rencontres, tous les moments de travail d’équipe avec des collègues qui justement se revendiquent de cette orientation-là, qui disent qu’il faut la faire vivre. Je me disais : On se retrouve tous ensemble, ça va nous faire du bien… Mais on en ressortait encore plus triste qu’en arrivant. C’est aussi parce qu’on est arrivé dans une période où on déverse nos plaintes : à quel point ça ne va pas, à quel point on est empêché. C’est légitime de se plaindre de la façon dont tout cela évolue ; et en même temps, derrière cette plainte, moi, je sentais un « c’était mieux avant » qui n’arrivait pas à me convaincre.
Je pense qu’il y a eu des expériences absolument majeures, mais ce sont des expériences très localisées. Ce qui s’est passé à Saint-Alban3 n’a pas été diffusé sur l’entièreté du territoire ; ce qui s’est passé à la Borde encore moins, parce que là, pour le coup, on n’est même plus dans la psychiatrie publique, on est dans l’associatif, ce qui permet d’avoir une autogestion beaucoup plus large par rapport à la psychiatrie publique, qui est quand même toujours sous tutelle des stratégies étatiques de santé publique. Pour moi, ce n’était pas un mythe, c’étaient des réalités, mais c’étaient des réalités localisées.
J’avais ce sentiment (peut-être que ça va faire grincer des dents) qu’il est peut-être préférable d’être usager aujourd’hui qu’il y a trente ans. Il est peut-être préférable d’être autiste aujourd’hui qu’il y a trente ans, il est peut-être préférable d’être aujourd’hui diagnostiqué schizophrène ou bipolaire, par rapport au type d’accompagnement qu’il y a. Aujourd’hui les choses sont en train de bouger du côté des collectifs et surtout des collectifs d’usagers. Je voyais que tout le milieu dans lequel je me sentais bien peinait à dépasser la question de la plainte. J’avais envie de dire : Mais en fait il y a aussi des endroits, il y a aussi des pratiques, il y a aussi des collectifs qui permettent que cet accueil et cet accompagnement soient vivifiants ! Et peut-être que c’est ça qu’il faut qu’on vise, plutôt que de restreindre notre discours à la critique de ce qui nous fait peur.
Hadrien : Ce que tu dis, c’est que la psychiatrie a changé de visage ? Qu’elle est sortie de son aspect asilaire où on enfermait à tout va, et où on mettait des chaînes aux pieds aux malades ? Et ce visage qui change, il cache aussi d’autres réalités qui sont d’autres enfermements, qui ne sont pas l’enfermement physique, mais des enfermements plus subtils. Et toi, dans ta pratique, est-ce que tu as trouvé des moyens théoriques et pratiques pour te prémunir contre le néolibéralisme qui impose de nouveaux protocoles en psychiatrie ? Tu peux peut-être nous faire un petit point sur les protocoles, les formations, ce dont tu parles dans le bouquin, et comment tu arrives à travailler là-dessus.
OB : En fait, il faut lire le livre. Pourquoi je dis ça ? Parce que j’ai peur d’être très flou dans mes moments de prise de parole. En fait, si on écrit un bouquin, c’est aussi parce qu’on n’est pas très fort pour faire du stand-up. Je vous donne juste un exemple : le passeport bipolaire, pour parler de comment aujourd’hui la psychiatrie se lance à corps perdu dans les pratiques néolibérales, sous couvert de neurosciences. Le passeport bipolaire, c’est un programme qui est actuellement en essai de façon tout à fait concrète au Vinatier, sur un ou deux hôpitaux de l’APHP, à Grenoble ou à Lyon, dans des hôpitaux publics. C’est un projet qui est lancé par la Fondation Fondamental dirigée par Marion Leboyer, Pierre-Michel Llorca ; c’est la tête de proue des pratiques s’appuyant sur les neurosciences pour transformer complètement la psychiatrie en ce qu’ils appellent aujourd’hui « la psychiatrie de précision ».
L’idée de la psychiatrie de précision (c’est assez nouveau mais il y a de plus en plus de textes proposés par eux, ou écrits un peu partout) c’est de ramener complètement la psychiatrie dans les pratiques médicales classiques avec, en appui de leur méthode, l’utilisation des datas4. Notre nouvel outil, ce n’est plus la parole : c’est les datas. L’idée, c’est que tous les patients bipolaires qui s’engagent dans ce protocole-là acceptent de porter un bracelet, une montre connectée. Et la montre connectée va récupérer tout un ensemble de données sur ton état de santé, sur ta température, sur tes cycles veille-sommeil… Sur le site de l’APHP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris)5 le passeport bipolaire est présenté comme absolument magnifique parce que grâce à toutes ces données et grâce au partenariat avec trois startups privées qui ont monté les programmes spéciaux pour étudier tout cela, on arrive à pouvoir évaluer complètement l’évolution de la santé du patient. Avec comme visée de grands progrès pour la pratique psychiatrique : c’est d’abord sortir les patients chroniques du champ de la pratique sanitaire pour les amener justement sur l’ambulatoire. En tout cas, on les sort de l’hospitalisation, parce que tout est maintenant piloté à distance et tout est fait grâce à l’informatique et par l’informatique. C’est-à-dire que c’est en fonction de ce que ton bracelet connecté va envoyer comme info, que l’infirmier va savoir s’il faut prendre rendez-vous ou pas, s’il faut aller voir le médecin.
Et le deuxième point qui est vraiment explicité tel quel et présenté comme quelque chose de formidable, c’est la prédictibilité. Le fait de pouvoir prévoir les crises. Les crises sont maintenant prévisibles : c’est-à-dire que toi, tu as ta vie quotidienne et puis à un moment, tu reçois le message « Hop, hop, hop, venez tout de suite dans le service » parce qu’on sait que la crise va arriver. C’est présenté comme un progrès énorme… Sauf que c’est complètement Minority Report 6! Il ne s’est rien passé, mais on sait que ça va arriver. Nous sommes face à ce mouvement-là, relayé par Marion Leboyer, qui parle à l’oreille du Ministre de la santé et du Président. Il ne s’agit pas de quelques petits lobbyistes. C’est une politique de santé et de santé mentale qui gagne du terrain. On est pris entre essayer de ne pas le voir, et s’en rendre compte et dire : Attention !
Cela a commencé avec les pratiques d’évaluation, les pratiques standardisées. Aujourd’hui, toutes nos pratiques sont standardisées, jusqu’aux pratiques de jeu avec l’enfant. Le modèle de Denver qui est un protocole de jeu avec les enfants autistes (je sais que des psychomotriciens sont dans la salle, je vais me faire engueuler) est présenté comme un truc formidable parce que justement, on n’est plus en train de les contraindre. Ce n’est plus la vieille méthode ABA7 où on les force à faire un truc. Non, au contraire, on fait du jeu. On joue avec l’enfant et le jeu va pouvoir permettre à l’enfant autiste à travers ses séances de progresser.
De quel type de jeu s’agit-il ? On n’est pas dans le jeu libre, on n’est pas dans le jeu gratuit, on n’est pas dans l’improvisation, on n’est pas dans l’espèce de surprise de ce qui peut arriver dans la relation. On est sur un jeu où, avant même que l’enfant soit là, on a prévu de travailler telle compétence, on a telle grille d’évaluation pour savoir comment cocher tel progrès dans ce champ de compétences. Même la pratique du jeu aujourd’hui est rabattue à l’échelle d’une pratique pré-évaluée et qui met dans une situation où soi-même, on n’est plus joueur, on est évaluateur de la situation. Est-ce que je réponds à ta question, ou pas ?
Hadrien : [aux personnes présentes, qui ne sont pas moins légitimes que lui pour intervenir à tout moment] : Si vous avez envie de poser des questions, de réagir à ce qui est dit, que vous ne comprenez pas, n’hésitez pas à lever la main, quelqu’un apportera le micro. Ce n’est pas une présentation classique de livre ; il s’agit de se rencontrer sur la question de la psychiatrie. Tout le monde est traversé par cette question et à quelque chose à en dire. Si des personnes ont envie de parler ou d’intervenir sur le thème de l’autisme, de l’accompagnement des gens qui sont concernés, la parole est ouverte.
Olivier est un praticien, il est psychomotricien, ce n’est pas un théoricien. A partir de sa clinique, il indique comment il déploie, il récupère autour de lui tout ce qu’il y a pu saisir sur l’histoire de la psychiatrie, de l’antipsychiatrie, de la psychothérapie institutionnelle. Tout le monde n’a pas forcément ce bagage, ce qui suscite peut-être des questions que vous avez envie d’aborder.
Une intervention : Oui, juste sur le passeport bipolaire. C’est la première fois que j’entends parler de cela (c’est très intéressant) et de la psychiatrie de précision. Est-ce que c’est une psychiatrie qui vient se substituer à la psychiatrie traditionnelle ? Une psychiatrie de précision avec la pose du bracelet pour sortir les patients chroniques, ceux qui sont dans la répétition et que les psychiatres ne veulent plus voir ? C’est un échec, ou quelque chose qui y ressemble. Est-ce que cette pratique remplace celle qui existe déjà, fondée sur les relations humaines ? Ou bien les deux vont-elles cohabiter ?
OB : Je me doutais qu’il fallait que je sois plus clair et votre question m’amène là ou je voulais aller. Le bouquin est construit en trois parties : la psychiatrie, l’autisme, et les pratiques du sensible. Toute la première partie questionne ce pseudo-combat entre psychiatrie humaniste et psychiatrie neuro-scientifique. C’est ainsi que les termes du débat sont posés. Sauf que dans la réalité ce n’est pas cela qui se passe : d’une part la psychiatrie humaniste n’a d’humaniste que dans son désir d’histoire, une dichotomie entre la psychiatrie publique habituelle avec une pratique de la parole, et d’autre part une psychiatrie qui s’appuie sur l’Evidence-Based Medicine (EBM) basée sur la preuve, où tout doit être protocolarisé.
Depuis vingt ans la question de l’évaluation a été attaquée par certains professionnels par rapport à la mise en danger du patient : ne plus prendre de notes papier et devoir tout rentrer dans le logiciel. Il fallait coter nos actes, ce qui préparait la tarification à l’acte, qui existait déjà dans la médecine obstétrique et qui vient d’entrer dans la psychiatrie, non pas en tarification à l’activité, mais en tarification par compartiment. Mathieu Bellahsen8 le décrit très bien et nous montre comment cela chemine doucement. Il n’y a plus vraiment de bras de fer, la psychiatrie publique est déjà complètement contaminée par l’arrivée d’une psychiatrie qui se dit scientifique. La psychanalyse disparaît complètement des endroits de formation. Si tu emploies dans les services des mots qui sont un tout petit peu lacaniens, tout le monde te regarde comme un cinglé.
Toutes ces pratiques standardisées s’installent de plus en plus. Aujourd’hui, même avec un chef de service un peu vieille école (ce n’est pas négatif), tu ne peux plus monter une activité sans avoir à présenter un projet d’activité et indiquer les moyens et les modes d’évaluation. Si tu proposes un projet jardinage, faire pousser des tomates avec les enfants, tu dois faire un projet d’activité avec critères d’évaluation. Et à la fin, tu ne pourras pas manger les tomates car il n’y a pas de traçabilité possible. Tu peux en acheter en supermarché mais tu ne peux pas manger celles que tu as fait pousser.
Tout cela a pris doucement, ce n’est plus un combat et quand je parle de passeport bipolaire, il se passe où ? Ce type d’expérimentation se fait dans l’hôpital public comme test. Quand on aura prouvé que cela marche, cela se fera dans le privé. Sur la question « Est-ce qu’on va vers cela ? » Oui, j’en suis persuadé. Est-ce que cela m’attriste ? C’est un autre problème. Je suis persuadé que la médecine psychiatrique va entrer dans le champ de la médecine classique. C’est le cas sur plusieurs points : l’internat psychiatrique n’existe plus, la formation spécifique initiale des infirmiers psychiatriques n’existe plus depuis 1992. Les services psychiatriques sont rattachés aux services généraux.
Le regard médical sur les problématiques psychiatriques va se centrer sur le cerveau. Bellahsen parle de « cérébrologie »9 et ce n’est pas faux, on y va ! La médecine se cantonnera à cela et la question est : Qui va s’occuper des affects, de l’accueil, des temps partagés ? Ce n’est plus la psychiatrie, parce qu’on réduit tout à des consultations de cinq minutes et des dosages de médicaments. Cela laisse un espace à la question : Qu’est-ce que l’on fait de la vie des personnes qui ont besoin de rapports de contact, d’accueil et d’accompagnement ? Cela laisse un champ très ouvert pour des décennies à venir sur la question : « Est-ce qu’on ne rate pas le coche si on n’investit pas ce champ, en pensant à tout un ensemble de possibilités d’inventions du côté du médico-social, du social, du culturel, du socioculturel ?.. » Comment va-t-on pouvoir investir ce qui a été longtemps majeur en psychiatrie : il y a les médicaments, mais il y a également le temps des rencontres ? Si on sort cela de la psychiatrie, qui va s’en charger ?
Soit on essaie d’inventer, soit on sait que le néolibéralisme saura s’en emparer en faisant des structures réservées aux jeunes, des structures d’accueil pour les bipolaires, etc. Une structure de ce type vient d’ouvrir à Paris grâce à d’importants moyens financiers. Pour moi il existe un champ d’imagination intéressant.
Une intervention : Je voulais dire qu’il existe des SAMSAH (Services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés) qui sont en place pour des personnes en situation de handicap, où on peut retrouver des autistes. Dans ces structures un travail est fait pour l’inclusion sociale et professionnelle. Des personnes qui travaillent dans des usines, en milieu ordinaire mais qui sont accompagnées. C’est important de dire que petit à petit des choses se font et s’ouvrent sur l’extérieur.
OB : Je ne dis pas du tout qu’il ne se passe rien. Au contraire : je vais être critique quelques instants, et je reste optimiste sur ce qui est en train de bouger, sur les inventions. Cela dit, sur la question que vous soulevez (l’accompagnement vers l’insertion, l’intégration) pour moi le point le plus important quelles que soient les initiatives, les expériences d’aujourd’hui, celles de l’époque de la psychothérapie institutionnelle, de la psychiatrie de secteur dans sa première écriture, ses premiers projets, etc., le plus important c’est la question de l’accueil inconditionnel.
L’accueil inconditionnel n’existe plus aujourd’hui en psychiatrie. En pédopsychiatrie, lorsqu’il faut neuf mois d’attente pour un premier rendez-vous, l’enfant a le temps d’avoir changé, entre trois ans et trois ans et neuf mois ! Quand pour rencontrer un psychiatre pendant dix-sept minutes il faut attendre un an parce qu’il n’a pas le temps, ce n’est pas la faute des psychiatres, le système est fait comme cela. Tu ne peux plus aller au CMP (Centre Médico-Psychologique) en disant « Je ne vais pas bien » – « Ah d’accord, revenez mardi à 13h40 ».
Une anecdote : il y a quelques semaines, dans mon service une maman amène son enfant et elle est accueillie par les collègues. L’enfant entre dans une salle d l’hôpital de jour, va poser son cartable, son manteau. La maman dit à une des professionnelle « Ça va pas du tout, j’ai fait une fausse couche ce week-end, il y avait du sang partout… » C’est le moment de l’accueil des enfants, d’autres mamans arrivent, la réponse est : « Écoutez, on ne peut pas en parler là et maintenant, prenez un rendez-vous, on en reparle plus tard ». Cela nous est rapporté le soir au moment des transmissions et cette réponse est acceptée par tout le monde. Il n’est pas suggéré que l’on aurait pu dire : « Je vois avec mes autres collègues, venez, on va s’installer dans un bureau et racontez-moi cela. » Cela ne choque personne, de ne plus être dans l’accueil. Il y a de moins en moins de lieux en psy (enfants ou adultes) qui ont la capacité de dire « Tu peux venir ». Il y a des lieux à réinventer qui ne sont pas des lieux de travail, d’insertion, mais des lieux ou on puisse se poser, rencontrer quelqu’un qui soit à l’écoute sans injonction. Ce qui n’empêcherait pas dans ces lieux d’avoir des stratégies avec des assistants sociaux, des éducateurs, d’aller vers des accompagnements un peu plus concrets, avoir des lieux où on accueille.
Julien : Tu consacres une grande partie de ton livre à la question du sensible et j’aimerais bien que tu y reviennes. Tu as une pratique musicale que tu branches en quelque sorte sur ta pratique professionnelle afin de créer des espaces d’expression pour les usagers et tu emploies un terme qui peut être intriguant, ou étrange pour plein de gens : les pratiques brutes de la musique. Ce n’est pas de l’art brut, apparemment. Est-ce que tu pourrais nous donner des précisions, en tout cas tenter une définition qui éclairerait ceux qui sont novices avec cela ?
O.B : Qu’est-ce qui a amené à ce qu’on ait envie de se poser ces questions-là et qu’on ait envie de montrer nos pratiques ? On était quelques-uns à travailler en psychiatrie ou dans le médico-social, à être musiciens en parallèle, et à nous retrouver tout le temps dans les milieux de musique expérimentale. En l’occurrence, notre point névralgique à nous, c’était les « Instants Chavirés » à Paris, qui est un haut lieu des pratiques expérimentales internationales. Je vous donne des exemples, juste pour que ça vous parle : est-ce que vous connaissez un chanteur qui s’appelle Phil Minton ? Il a 85 ans maintenant, et ça fait 45 ans que son instrument, c’est la voix ; mais la voix dans tout ce qu’elle a de plus large et divers. [Olivier produit des sons, onomatopées pour qu’on se rende compte]
On allait le voir en concert en payant très cher, juste pour entendre des… [Mêmes onomatopées produites par Olivier] et on trouvait cela formidable. On allait voir aussi une chanteuse qui s’appelle Junko. C’est une Japonaise. Quand elle se produit avec Michel Henritzi guitariste, à côté de lui on a une Junko hurleuse. Je ne saurais pas le faire parce qu’elle a quand même une technique à elle. Elle hurle des suraigus absolument incroyables, et des espèces de tapis de suraigus qui font que si tu bouges la tête, tu sais plus ce qu’il se passe, ça t’appuie sur le tympan, tu le sens de partout. Des groupes comme SensorBand qui jouent sur des musiques électroniques mais avec des infrabasses hyper-fortes, tu les sens dans le ventre, c’est quelque chose de très physique. On allait chercher quelque chose de la physicalité du son dans ces concerts. Puis on retournait chacun dans nos services.
Depuis, j’ai rencontré (je n’en parle pas dans le bouquin) une petite fille que j’accompagne depuis dix ans maintenant. On s’est rencontré autour de ces cris suraigus et pour moi c’est ma petite Junko. Je lui ai fait écouter Junko, ça ne l’a pas du tout intéressée. Mais il y avait cette espèce de parallèle entre une scène qui expérimente, du corps et puis du son comme matière. Quand on parle de physicalité du son, pour moi c’est vraiment comment le son et le corps viennent en percussion. Donc, on allait chercher cela, et puis on croisait nos patients qui avaient peut-être un usage aussi du son et du corps.
On prend ce [onomatopées d’Olivier] comme un battement, comme on peut aller voir un mec faire la même chose sur les musiques répétitives, si on l’accompagne d’un petit battement, enfin si on joue un petit peu sur les [onomatopées d’Olivier] en même temps qu’il fait son battement, peut-être qu’il peut se passer des trucs. En fait, moi je faisais un petit peu comme cela, j’essayais d’accompagner ce qu’on appelle des stéréotypies. Mais plus j’essayais d’accompagner cela comme une proposition, plus j’y répondais en écho par une proposition, plus j’avais quand même l’impression que je commençais à exister pour la personne avec qui j’étais. [Bruitages d’Olivier Brisson]… Si un patient fait ça, on lui dit : « Arrête, s’il te plaît ! »
On en parlait avec les copains et puis au fur et à mesure, on s’est rendu compte qu’on commençait très directement à accompagner les jeunes ou les moins jeunes. J’étais chez les adultes à cette époque-là. Nous percevions une espèce de joie que nous procuraient ces pratiques, soit quand on faisait de la musique improvisée, soit quand on allait la voir. Ça a vraiment eu des effets, parce que tout simplement tu ne prends plus ça comme un problème, tu n’es plus dans le symptôme, tu es dans la production. Une proposition de production qui peut devenir un endroit de jeu. Et donc c’est parti comme ça.
Je travaillais beaucoup avec Julien Bancilhon, que peut-être certains d’entre vous ont vu parce que c’est l’animateur du Papotin10, émission qui passe à la télé cette année. Ça fait des années qu’il s’occupe du Papotin et ça fait dix ans qu’il a monté un groupe de musique expérimentale qui s’appelle Les Harry’s11. L’idée, c’est : ces jeunes ont des pratiques répétitives et sont à fond préoccupés par la question. Je reviens sur le battement parce que c’est vraiment un truc qui est très important d’un point de vue presque clinique, tu vois : la question des séries, la question des alignements, du corps dans l’espace, de la répétition et de la variation. Il a commencé à monter ce groupe-là en apportant les instruments à des jeunes qui n’étaient pas musiciens mais qui s’en sont emparés avec leur propre pratique de leur corps. Une basse avec juste deux cordes, mais accordées de manière à ce qu’ils puissent jouer les deux cordes en même temps avec une baguette. Une batterie précaire avec trois fûts, mais c’est suffisant pour taper. Un clavier numérique qui permet juste d’appuyer à pleine main et ça a un effet. Et puis surtout des micros avec du Delay, des effets, des pitchs et des machins, ce qui fait que des jeunes qui sont globalement non-verbaux vont pouvoir utiliser leur voix vraiment avec plaisir. C’est la voix comme objet sonore, ce n’est plus la voix comme support de l’oralité. Le micro, le Delay, tout cela permet à tous les gamins qui sont dans une espèce de rétention de la voix de prendre un plaisir de dingue à crier, à jouer avec cela.
A partir de là on s’est dit qu’il y avait peut-être moyen de faire se rencontrer les musiciens des musiques expérimentales et les jeunes ou les moins jeunes avec lesquels on travaille. On avait comme idée que ça allait quand même avoir un effet dans les deux sens. Que faire venir des musiciens dans les institutions, c’est bien, il se passe des trucs ; mais faire venir les jeunes avec lesquels on bosse dans les milieux considérés comme les milieux officiels de la noise, de l’expérimental, ça pouvait aussi avoir un effet sur le petit train-train des musiques improvisées où tout le monde dit « On improvise, on improvise » mais en fait, c’est hyper-réglé. Tout le monde improvise de la même manière. Quand un jeune qui arrive là-dedans, prend le micro, se le met dans la bouche et pitche, là on est quand même dans quelque chose d’un peu plus spontané que les trois quarts des trucs qui se font. Il y a une espèce de joie et une spontanéité qui n’est pas du tout bloquée par le fait d’être dans un spectacle avec des codes esthétiques, d’être dans une forme d’’improvisation appartenant à telle ou telle chapelle. Cela a opéré très vite. Nous ne sommes pas du tout les premiers, il y a plein d’expériences comme cela un peu partout et surtout dans plein de styles musicaux.
A l’Eurovision, je crois en 2017 ou 2016, la Finlande était représentée par un groupe de punk qui s’appelle PKN. C’est un groupe de punk avec des résidents de foyers de vie entre 25 et 40 ans et qui font du punk hyper-brutal mais hyper-bon. Les morceaux durent au maximum une minute trente, ça joue super bien et le chanteur a une énergie du corps, qui fait que ça vient complètement enlever le fait qu’on est spectateur d’une proposition d’handicapé. Mais on est vraiment sur un truc où la contagion des affects est tout de suite là. La première fois que j’ai vu un groupe de ce registre-là, c’était un groupe qui s’appelle Wild Classical Music Ensemble. Ils sont de Belgique. C’était au parc de la Villette, en plein après-midi, sur le festival Villette Sonic, il y avait peut-être 2000 ou 3000 personnes qui étaient là, c’était énorme. Cinq adultes qui vivent en foyer de vie arrivent sur scène avec des corps particulièrement abîmés, par leur pathologie d’une part, mais surtout par la vie institutionnelle. On sent une espèce de gêne dans le public, avec quelque chose qui fait dire « Est-ce qu’on ne tombe pas dans le freak show ? » Au bout de trois minutes, ça sautait dans tous les sens et la question du handicap était devenue indifférente. Il y a une espèce d’indifférence qui arrive quand, justement, il y a quelque chose qui est tellement investi, qui est tellement corporellement habité que ce n’est plus la question du handicap qu’on voit, mais juste l’énergie qui est là.
Et donc, c’est ça qu’on appelle les pratiques brutes de la musique. On ne veut pas appeler cela musique brute pour se décaler de la question de l’art brut parce que dans l’art brut, c’est l’œuvre qui compte. C’est-à-dire que lors des expositions d’art brut, on est beaucoup sur l’œuvre terminée. Pour nous, l’idée c’est de travailler sur la façon de faire plutôt que sur le résultat. Dans cette démarche on bosse beaucoup avec le musée le LaM12, on est collègues. C’est quelque chose auquel on tient parce qu’Il nous semble que depuis quelques années existe une espèce de nouvelle ère de l’art brut, pas que dans la musique. Il y a eu le premier temps post-Dubuffet13 correspondant à un acte fort de montrer la qualité des œuvres au public. Les producteurs des œuvres n’étaient pas forcement présents, ce qui indiquait une séparation entre l’artiste et l’œuvre présentée.
Aujourd’hui on est dans une période où ce sont les corps qui se présentent. On le voit sur la question du théâtre, sur la question de la danse, sur la question de la musique : un espace où ils sont là physiquement. C’est une nouvelle étape que nous avons appelé les pratiques brutes pour ne pas tomber juste sur la question de l’objet.
Une intervention : Vous plaidez pour une psychiatrie indisciplinée. De quel courant philosophique s’inspire-t-elle ? Qu’est-ce qu’elle propose comme projet ? Comme arrière-pensée ?
OB : La question que je redoutais ! Toute la première partie du livre essaie de montrer que justement les pratiques actuelles manquent de boussole. Et donc, moi, j’essaie de proposer la mienne qui n’est pas hyper-compliquée. Mais ça s’appuie sur l’égalité des intelligences, sur Rancière et sur tout le travail qu’il a fait autour du maître ignorant14. Dans son livre Le Maître ignorant, Rancière repart des archives qu’il a trouvées sur le boulot de Joseph Jacotot, qui s’est trouvé en 1818 en exil aux Pays-Bas. Là-bas, on lui propose d’apprendre le français à des Hollandais qui n’en ont aucune notion, lui-même n’ayant aucune notion de néerlandais. Donc il est bien en peine.
Au marché, il trouve une version bilingue du Télémaque de Fenelon. Il ramène ça à ses élèves, des adultes, et il se fait traduire pour leur dire : « La semaine prochaine, il faut que vous me fassiez une phrase en français. » Chacun repart avec sa version bilingue et va bricoler tout seul une stratégie pour arriver à faire une phrase. Et Jacotot est étonné, parce que ça marche ! La semaine d’après, ils ont tous plus ou moins produit quelque chose. Et à partir de là, tout un processus se met en place et il commence à construire toute une idée du rapport éducatif sur cette idée qu’un maître doit rester un maître ignorant, c’est-à-dire qu’un maître peut apprendre à un élève quelque chose qu’il ne connaît pas lui-même. La question de l’éducation, ce n’est pas : « J’ai un savoir, tu as un cerveau vide et je vais te le remplir avec mon savoir », c’est : « Je suis là, moi, pour vérifier le savoir que tu te construis, le savoir que tu bricoles ».
Rancière va jusqu’à parler de « l’égalité des intelligences », qui est un présupposé, qui n’est pas un point de visée. On ne doit pas viser l’égalité des intelligences, on doit partir de l’égalité des intelligences. Ce qui n’empêche pas que tout un ensemble de choses dans l’existence font qu’on va avoir des difficultés, des freins, tout ce qu’on veut, mais quoi qu’il en soit on postule l’idée d’une égalité des intelligences.
Quand j’ai lu ce bouquin-là, il y a quatre, cinq, six ans, ça a éclairé, mais de façon très franche, ce que j’essayais de comprendre du travail que j’avais, moi, avec des enfants autistes non-verbaux, parfois très isolés, parfois très dans leur monde. Parce que fondamentalement, ces enfants-là, je ne leur suppose pas, je leur fais une intelligence et une intelligence forte. Simplement, effectivement, elle n’est pas forcément branchée de la même manière que celle qu’on a l’habitude de croiser dans le développement des enfants un peu plus classiques. Mais elle est là et déjà de l’affirmer et d’en être persuadé est le point de départ qui permettra justement de pouvoir en avoir une petite idée, des petits points, et puis permettra de trouver des points de rencontre et puis permettra peut-être que justement il m’en montre un peu plus et qu’il y ait quelque chose qui se partage au fur et à mesure. Parce que depuis toujours (enfin depuis très longtemps en tout cas) la figure de l’autiste comme pas mal des figures psychiatriques, est une figure qui est décrite par le déficit, le manque. C’est le développement classique et normal, en moins bien.
Donc, premier point : la question de l’égalité des intelligences et une posture de soignant ignorant. L’égalité des intelligences ne veut pas dire bêtement l’égalité des places : « On est tous pareils, on est copains ! » Ce n’est pas le problème. Jacotot, le premier, et Rancière aussi, expliquent bien que la position du maître est celle de vérificateur. C’est-à-dire qu’il y a une exigence vis-à-vis de celui que tu accompagnes, une exigence de travail, de te mettre au boulot ; mais ce n’est pas sur un registre d’abrutissement et de hiérarchie.
Il y a un bouquin d’Antonia Birnbaum qui s’appelle Égalité radicale 15et le sous-titre c’est Diviser Rancière qui reprend justement Le Maître ignorant et qui décrit toute cette relation du maître à l’élève telle que Rancière et Jacotot la développent comme une relation de transfert, comme une relation de partenaire justement, d’accompagnant à accompagné. C’est-à-dire qu’on a une exigence, on ne va pas juste être là et rien foutre. J’ai quand même une petite attente vis-à-vis de toi. Mais toi seul, c’est comment tu vas réussir à me montrer comment t’accompagner. C’est aussi une posture de comment est-ce qu’on s’enseigne un petit peu de ce que la personne nous montre, et pas l’inverse. Ça, c’est le premier point.
Et le deuxième point, sur ma boussole, qui n’est pas forcément un point philosophique, c’est l’appui sur les passions. C’est-à-dire que pour moi, on ne peut pas accompagner quelqu’un sans chercher à soutenir, y compris de façon hyper-ténue, les petits points qui rendent vivantes les personnes qu’on accompagne. Dans l’autisme, c’est flagrant. C’est ce qu’on appelle les « intérêts répétitifs et restreints » dans la littérature classique. C’est ce que d’autres appellent des « intérêts spécifiques », ce qui n’est pas du tout pareil ; parler d’intérêt répétitif et restreint, c’est forcément voir de façon négative et ça signifie : il faut que ça s’arrête. Parler d’intérêt spécifique, ça signifie : ça a quand même une fonction.
Un gamin qui fait tourner des roues pendant des heures et des heures… Eh bien ça, l’intensité dans laquelle ça le met de faire tourner ses roues, ça a une fonction pour lui. Donc comment est-ce qu’on accompagne ça ? Qu’est-ce qui peut se passer autour de ce petit tournicotage de roues ? Et où ça va nous amener ? Et de cette roue, ça va peut-être amener au véhicule et du véhicule, ça va peut-être nous amener à la série des marques de voitures. Et des marques de voitures, ça va peut-être le pousser à dessiner les logos. Et de dessiner les logos, ça va le faire entrer dans la trace et ça va peut-être le faire écrire… et ainsi de suite. Et tous les gamins qu’on accompagne, si on essaye de repérer le petit point qui les rend plus vivants et qu’on essaye un petit peu d’accompagner ça, de nourrir ça, on a quand même beaucoup plus de chances de voir quelque chose s’animer et quelque chose se partager que quand on arrive d’emblée avec un programme de travail. Et ça, c’est valable avec les enfants. Là, c’est flagrant, mais c’est valable, je pense, avec n’importe quel moment d’accompagnement.
Julien : J’aimerais qu’on continue un petit peu sur les pratiques du sensible. Tu fais une articulation que j’aime bien, c’est à la toute fin de la page 193 : tu parles de pratiques de la musique expérimentale et de pratiques de l’accompagnement comme expérimentation. Je voudrais que tu nous précises ta pensée par rapport à ça. Et aussi sur ce que tu dis dans le fait de laisser de la place à l’aléatoire, antithèse en soi de la colonisation managériale dans la psy.
OB : C’est hyper-basique : c’est laisser la possibilité à la surprise d’arriver. Et c’est vrai que je fais le lien entre la musique expérimentale et surtout la musique improvisée et ces pratiques-là, c’est-à-dire qu’en fait, en musique improvisée, on va se retrouver à quatre ou cinq, chacun à son petit dispositif, son instrument ou autre. On ne sait pas ce qu’on va faire. Et puis, tu en as un qui fait un : « PFFFF » et moi, avec ma cymbale je vais faire un… On va répondre, on ne va pas répondre, et puis ça va nous amener vers un truc qui va accélérer le tempo et donc on va… Qu’est-ce qu’on fait ? Lui se barre dans un truc et accélère, est-ce qu’on accompagne ? Est-ce qu’on tire dans l’autre sens ? Comment on joue avec la matière et quel paysage sonore ça va créer ? Chaque acte qu’on va poser va avoir une influence sur ce qui se passe. Mais on est dans un contexte qui fait que chaque proposition est possible et que chaque proposition faite, on fait avec. Et donc ça module le truc, ça amène. Du coup, on peut se retrouver avec des concerts hyper-dynamiques, des concerts hyper-lents, des concerts parfois très lents avec un moment hyper-dynamique, des moments où certains jouent, d’autres ne jouent pas, des moments où tu te retrouves seul et puis tu te demandes : Qu’est-ce que vous foutez ? Mais cette fragilité-là, elle n’est pas grave parce que tu es quand même en sécurité, parce que tu fais confiance à ce qui est en train de se passer et que si les gens te laissent à ce moment-là c’est que peut-être il fallait que ça se passe comme ça et que tu sais que tu seras repêché, si à un moment c’est trop insécure pour toi.
Et moi, mes séances en psychomot’, je les travaille comme ça. Je connais les enfants que je suis, parce que je les suis parfois depuis très longtemps, donc j’ai quand même une petite idée des choses qui peuvent les intéresser. En tout cas, des pratiques autour desquelles on revient de façon répétitive, semaine après semaine, mais des fois pas. Sauf que si je me dis « Tiens, avec lui, on va encore faire dessiner les spirales, ou avec lui, on va encore aller recracher dans le micro » je vais y aller tout de suite et ça va empêcher toute possibilité pour lui peut-être ce jour-là d’avoir envie de faire autre chose. Donc l’idée c’est vraiment : on entre dans la salle, et puis on va voir ce qui va se passer. Et puis il propose un truc, et puis il sort quelque chose, et puis moi je vois comment je peux déjà juste être avec lui… Est-ce que je peux proposer quelque chose ? Est-ce que je peux proposer un truc qui n’a rien à voir ? Voir si ça l’intéresse ou pas, d’être justement : être ensemble, à côté, contre, loin, d’être sur… c’est jouer sur ces rapports-là, avec ce truc.
Quand je parle de sensible, c’est vraiment en termes de rapports de matière, de forme. Et donc, on peut être complètement dans cette pratique-là. Et puis, c’est pratique d’avoir une petite boussole. Comment dire ? On n’y va pas totalement sans filet, quoi. On a aussi une petite connaissance de ce qui travaille ces enfants-là. On sait aussi repérer des petits signes de malaise, des signes de gêne. Et comment est ce que justement, on prend ça en compte ? Et comment est ce qu’on essaye de temporiser des moments d’excitation qui risqueraient de les mettre en difficulté. Ce n’est pas juste du fun sans savoir. Mais c’est partir du principe que même quand on est sur un atelier cuisine, on va laisser la possibilité d’être surpris. « Tiens, étonnamment, la pomme, il l’a explosée ! » Du coup, on va en faire autre chose. Ainsi de suite, ainsi de suite.
Julien : Tu consacres un chapitre entier à une personne qui s’appelle Jean-Marie Massou. Est-ce que, en quelques mots, tu peux le présenter ? En quoi il cristallise tes préoccupations au niveau du soin et de la création.
Olivier Brisson : Jean-Marie Massou, c’est un personnage que j’ai découvert d’abord dans un documentaire intitulé Le Plein Pays réalisé par Antoine Boutet, et qui était sorti en 2009 avec un passage sur Arte et une sortie en salle à l’époque. Moi je l’ai découvert bien plus tard, en 2015, ce film. Il montre un homme qui vit seul dans une ancienne maison au milieu d’une forêt du Lot, la forêt Bouriane, près de Cazals. Il vit seul et il a comme occupation et préoccupation le fait de creuser, creuser, creuser le sol, creuser des galeries souterraines, creuser des gouffres. Mais c’est pas des galeries souterraines, c’est des centaines de mètres de galeries souterraines ! Le gouffre, c’est un gouffre de plus de 25 mètres de profondeur et 30 mètres de diamètre. Pendant toutes les scènes du film, il se balade toujours avec un magnéto à cassettes, il enregistre des complaintes, il enregistre des messages à l’humanité où il explique qu’il faut cesser immédiatement de procréer, que la terre est surpeuplée, que de toute manière il faut que l’humanité crève et qu’il ne resterait qu’un petit groupe de gens qui seraient d’accord avec l’idée d’arrêter la procréation et que peut-être les extraterrestres viendraient et nous aideraient à partir sur Sodorome16, sa planète idéale. Tout ça avec un mélange entre une force herculéenne (parce qu’on le voit à des moments avec ces pierres se battre) et des trucs assez incroyables, des gravures magnifiques, des complaintes sublimes. Voilà, donc moi, je découvre ce film-là et puis les copains aussi. On se dit : « Putain, c’est quand même assez impressionnant ! » Et le travail sonore sur les magnétos nous intéresse beaucoup. Donc moi, je vais le rencontrer en 2015 et à partir de là, en fait, on se rend compte que des cassettes, il en a des tonnes, qu’il enregistre énormément et qu’il a une pratique de l’enregistrement qui est hyper-sérieuse. Entre autres, il utilise les petits magnétos cassettes plats, qui sont portables. On pensait qu’il en avait quelques-uns. En fait, il en avait 70 chez lui. Et donc, avec un magnéto, son premier geste, c’est d’aller près de la radio et d’enregistrer un petit passage d’un truc qu’il écoute, une petite séquence ; et après avec l’autre magnéto, il le met en lecture, il enregistre la petite séquence, il revient en arrière, il enregistre la petite séquence, il revient en arrière, et donc à la fin, il a une phase de cassette avec la même petite séquence mise bout à bout pendant 30 minutes. Très concrètement, pour ceux qui bidouillent un peu, c’est un travail de sample. Il fait des samples comme ça, il fait des boucles de samples, sauf qu’il le fait de façon analogique avec ces vieilles cassettes. Et donc il a cette petite bande-là et par là-dessus, il la lance en lecture et il raconte ses rêves. Il fait ses messages à l’humanité, il fait des conférences scientifiques, il fait des trucs par-dessus les bandes comme ça. Parfois, il change les fonds sonores selon l’évolution de son discours. C’est une espèce de pratique de musique concrète, mais hyper-cheap, faite à la maison tout seul.
Et voilà, nous, on l’avait rencontré pour ça. Puis on a édité un certain nombre de ces pièces comme ça, sonores en vinyle. Et c’est devenu une espèce de collaboration avec lui. C’est-à-dire qu’on a fait un premier double vinyle avec lui. Donc on passe plusieurs mois à aller le voir, sur des séquences de quatre jours à une semaine, régulièrement dans le Lot. Il y a un compagnonnage qui se fait : le disque sort, on lui ramène du matériel, plein de trucs quoi. Et puis ça aurait pu s’arrêter là. Mais il arrive et nous dit : « Écoutez, écoutez quelque chose ! » et il nous ramène une cassette qu’il ne nous avait jamais fait écouter ; et là c’est un enregistrement de la fin de l’année 1970, où il est, c’est juste : voix et citerne, c’est-à-dire qu’il est au milieu d’une citerne géante, avec des pierres, et il cogne les bords de la citerne pour faire les rythmiques, et il chante par-dessus, et il chante… Il y a de la musique pop de l’époque, il y a même la musique de Thierry La Fronde, il y a des chansons un peu connues, mais il y a aussi des espèces de chants dont tu ne sais pas si c’est de la musique trad’ d’on ne sait où, ça pourrait être de la musique du Moyen-Âge. Il y a une espèce de chant, en tout cas, qui est complètement intemporel. Et qui est juste sublime.
Et ce que nous, on a trouvé hyper-beau, c’est qu’entre les morceaux où il chante, il y a des morceaux où on entend sa voix parler. Et donc, c’est avant 1974. On ne sait pas quand, mais c’est avant 1974 qu’il revient à Marmignac. Quand t’entends ça, il parle comme ça. C’est les enregistrements d’Artaud, quoi ! C’est vraiment cet effet-là que ça donne, avec une tension incroyable, et d’un coup il chante avec ses… Putain ! Je ne suis pas capable de le faire, moi… mais tu sens l’espèce de corps que quand la voix est chantée il y a, une espèce d’apaisement général, enfin une espèce de présence et de force qui est hyper-belle et donc du coup on sort le deuxième puis on le lui ramène, et puis au moment de se dire au revoir ça pourrait s’arrêter là… il nous sort un énième enregistrement qu’on ne connaissait pas ! Là il nous dit : « Ouais, c’est le roman de Massou, et ça s’appelle Le Repenti des prostituées », et c’est une cassette où il raconte, là vraiment il fait une pièce radiophonique avec plein de fonds sonores différents, avec une histoire où il récupère une prostituée à Paris le jour de Noël, enfin le jour du 31 décembre, qui est seule dans la neige, et il l’emmène sur la planète Sodorome, et ça dure vingt minutes.
Bon, ça c’est le prochain qu’on va sortir. On devait le faire avec lui, l’été 2020, on avait prévu de faire tout le livret du disque avec ses dessins, ses collages et tout ça. Et il est décédé en mai 2020.
Pourquoi est-ce que ce personnage, je parle de ses cassettes ? Parce que pour moi, c’est hyper-important, mais ce qui me semble hyper-intéressant avec ce bonhomme, c’est qu’il est né dans des châteaux d’une maman qui était jardinière, mais qui était la bonne à tout faire dans les châteaux parisiens, éjecté de château en château, père inconnu, avec quand même une très grosse suspicion que le papa était un châtelain, parce qu’il est né en février, et ils sont partis au mois de septembre avec une petite lettre tout à fait « C’était formidable, elle travaillait très très bien, mais il faudrait qu’elle travaillait ailleurs, quoi ».
Et voilà une vie d’errance comme ça de château en château jusqu’à ses dix-sept ans. A partir de dix-sept ans, c’est psychiatrie, c’est enfermement sur enfermement. Là toutes les lettres qu’on a récupérées, toutes les lettres que la mère écrivait justement pour faire sortir son fils, enfin tous les brouillons, ça avait l’air d’être hyper-violent. En tous cas, elle écrit les phrases que lui dit, enfin ce que lui disait Massou à cette époque-là de comment les infirmiers le traitaient, il était battu… Donc à partir de vingt ans, elle sait que si elle reste en région parisienne, c’est une vie d’asile. Et donc elle décide de repartir dans le Lot, là où elle a grandi, qui est le territoire de sa grand-mère. Et à partir de là, de 1974 à 1997, quand elle est décédée. Elle a soutenu quelque chose qui lui permettait à lui de pouvoir faire sa vie avec sa folie sur un territoire qui l’accueillait. Et c’est là où il a creusé, il a creusé, il a creusé.
Alors oui, c’était le fou du village, mais en même temps, les spéléos du coin trouvaient que son boulot était incroyable. En 1984, donc bien avant le décès de sa mère, et puis dix ans après son arrivée, il y a Walter Lewino qui écrit un article d’une page entière sur lui dans le Nouvel Obs. Parce que Lewino, qui était journaliste au Nouvel Obs, a une maison à côté. Il entendait parler de ce bonhomme. Il est allé le rencontrer. Et puis effectivement, c’était tellement sidérant tout ce truc que du coup, il en fait un article, mais du coup, il devient aussi ami. Et il y a quelque chose qui se passe. Jean Carmet est allé boire du vin blanc dans les grottes avec Lewino et Jean-Marie Massou. Jean-Marie Massou disait que Jean Carmet était absolument adorable, mais qu’il buvait trop, parce que Jean-Marie n’avait jamais bu d’alcool.
Et donc voilà, il avait une espèce de présence un peu… il faisait un peu peur aux gens. Mais voilà, il avait sa place sur le territoire. La mère meurt en 1997, elle demande au maire du village de s’occuper de lui. Sur son lit de mort, elle lui demande de promettre de s’occuper de lui. Lui dit oui, et il le fait. C’est-à-dire qu’il s’en est occupé pendant vingt ans sans cesse. C’est-à-dire que c’étaient vingt-sept appels par jour. C’étaient des soirées jusqu’à une heure du mat’ dans les locaux de la mairie pour faire des agrandissements, des photos pour qu’il puisse faire ses collages. C’étaient des achats permanents de cassettes, de magnétos, de tout ça. Enfin, un compagnonnage comme ça. Et voilà. Bon, ensuite, ils se sont fâchés. Ils ont arrêté de se voir. Mais André, le maire, a toujours maintenu… Enfin, s’est toujours assuré que Massou soit accompagné. Nous, on a pris le relais à ce moment-là. Il savait qu’il n’était pas complètement lâché non plus. Pour moi, c’est un travail.
André, je le dis souvent, mais pour moi, c’est le meilleur infirmier psy que j’ai rencontré. Alors qu’il est juste maire du village. Accessoirement, son métier dans la vie, c’est d’être accordéoniste de bal. Le fait qu’il soit musicien, pour moi, n’est pas complètement pour rien dans sa sensibilité. Mais il lui a permis de tenir, de vivre et de continuer comme ça, être dans une nécessité hyper-frénétique de produire. On a retrouvé sept cents cassettes, on a les pierres gravées, de toutes façons le territoire entier, il y a des gravures sur toutes les pierres partout. Le territoire à l’époque, quand tu revois les photos des années 1980, c’est plat. Maintenant c’est une montagne comme ça, parce qu’en fait tout ce qu’il a sorti de sous terre a transformé complètement le territoire. Il y a des champs de galets, sauf qu’il n’y a pas de galets là-bas. Donc il avait cherché des galets à la carrière de galets à cinquante bornes. Il a complètement réécrit tout, il a tout transformé. Et jusqu’à ses dernières années, quand il ne descendait plus sous terre, à couper du bois pour faire quelque chose de l’énergie dans le corps qui le débordait.
Ça lui a quand même permis de ne jamais être violent envers les gens. La seule fois où il a été un peu violent, c’était contre la voiture du postier, qui ne lui apportait plus rien. Mais il n’a jamais eu d’agressivité envers personne, en tout cas physique. Et voilà, il a passé sa vie autrement qu’en psychiatrie. Et pour moi, c’est de l’accompagnement. C’est totalement une pratique d’accompagnement qui mérite d’être reconnue comme un accompagnement clinique.
Une intervention : Moi, je voulais vous remercier, puisque finalement, vous nous dites : il faut accueillir l’inouï, accueillir leur sens, accueillir, partir de la langue, de leur langue à eux, voilà. Et finalement, je trouve qu’il y a presque une portée poétique au sens de l’accompagnement tel que vous le décrivez et qui va vraiment à l’encontre de l’accompagnement qui est généré par le discours de la science aujourd’hui. Voilà, donc merci.
Une intervention : Je voulais juste préciser quelque chose. C’était très intéressant, le maître ignorant, c’est très équivoque, enfin c’est presque ironique, parce que généralement le maître sait. Mais je me disais qu’il y a une figure philosophique qui est un peu dans ce discours-là, c’est Socrate. Socrate est quelqu’un de ce côté-là. Donc, dans la philosophie, on a déjà un maître ignorant qui est au fondement, finalement, de la philosophie. Il me semble qu’aujourd’hui Socrate a moins le vent en poupe, on va dire. C’est un autre discours qui vient. Et je voulais aussi vous poser une question par rapport à ça. C’était l’idée que, au fond, plus on réduit les hommes et les patients à leur corps, ne serait-ce qu’à leur cerveau, plus ce qui vient, c’est l’angoisse. Donc, l’angoisse va être décuplée forcément. Qui est-ce qui prendra en charge l’angoisse ? Déjà que ces patients sont très angoissés… Réduire ces sujets à leur corps, c’est un problème, je pense.
OB : Je mettrais un bémol et je dirais « juste réduire ces personnes à leur organisme ». Ce n’est pas exactement pour moi la même chose. Justement, la question du corps n’est jamais prise en compte. Le corps en tant que corps habité, le corps en tant que l’endroit de l’angoisse, l’endroit de la manifestation de l’angoisse. Tu vois par là… juste c’est du tonus, enfin pour moi c’est là où je me suis rendu compte en écrivant le bouquin que j’étais quand même un peu psychomot’ mais il y a vraiment un truc pour moi d’avant même d’aller sur la question de la langue, la question du langage, la question des interactions langagières, pour moi déjà d’accueillir la question de ce qui se passe au niveau du tonus. C’est-à-dire que quand tu es dans un service adulte et que ça monte, d’abord tu accueilles ce qui se passe dans le corps. Et ça justement, c’est la nuance pour moi.
Une intervention : Vous avez prononcé tout à l’heure un mot, c’était « exigence », et tout de suite (j’ai été formatrice) j’ai pensé : positionnement, élan, etc. Donc, comment l’institution perçoit-elle votre travail, cette communication verbale, parfois sonore, ce corps qui parle, qui s’exprime, ses gestes, ses postures, comment arrivez-vous à retranscrire cela si vous devez faire des bilans ? Est-ce que vous êtes aussi soutenu par l’équipe ?
OB : Alors, honnêtement, j’ai quand même un peu de chance. Je ne vais pas faire semblant. J’ai quand même la possibilité de faire un peu ce que je veux. Je mettrais une nuance entre ma hiérarchie et mon équipe. En fait, j’ai des médecins qui sont chouettes, avec qui je m’entends bien, qui sont plutôt orientés et politiquement et cliniquement de façon tout à fait comme ça me va, par la psychanalyse, mais pas avec une accroche trop forte aux écoles. Et on s’entend vraiment bien. Je suis soutenu par la médecin-chef. Enfin, je suis soutenu… je veux dire qu’on s’entend bien. C’est-à-dire que quand moi, je parle de ma pratique, c’est tout à fait entendu et bien accueilli. C’est beaucoup plus difficile à l’échelle d’une équipe et de mes collègues. Il y a vraiment les collègues avec qui ça passe bien et on est quelques-uns à travailler bien ensemble ; et d’autres avec lesquels ça ne passe pas du tout parce qu’ils le vivent avec beaucoup d’agressivité et on ne doit pas y être pour rien. Le fait qu’on puisse s’autoriser la joie dans nos pratiques, c’est quelque chose qui est parfois hyper-violent pour ceux pour lesquels c’est quelque chose d’impossible. Mais vraiment, je le dis comme ça parce que l’agressivité, on la prend dans la tronche, nous. Mais je la prends aussi comme un symptôme.
Par exemple, on essaie de faire des moments d’échange. On a monté des rencontres inter-hôpitaux de jour. On a montré un film qui a été fait par des équipes belges, intitulé Quelque chose à dire« 17, sur l’inclusion des enfants autistes, l’inclusion raisonnée des enfants autistes à l’école. C’est un truc qu’une équipe du Courtil a essayé de faire, et qui est vraiment très chouette, en allant dans plein de pays et en essayant de montrer que l’inclusion ne fonctionnera qu’à partir des points d’intérêt de ces enfants-là. C’est-à-dire que tu pourras les brancher au savoir, tu pourras les brancher aux apprentissages ; prends d’abord en compte le fait qu’ils ont besoin de passer par leur intérêt spécifique au départ, et après ça se pluralisera. Le film est orienté par la psychanalyse, c’est vrai, mais ce n’est pas dit une seule fois, ce n’est pas le problème, ce ne sont que des présentations, que des dialogues avec des parents, des dialogues avec des instits, des dialogues avec des enfants… Il est hyper-clair, et il montre des gens qui sont contents de travailler. On montre le film aux équipes, c’était… putain ! on entendait des mouches voler. Le réalisateur était là. » Est-ce que vous avez des questions ? » Personne ne parlait, jusqu’au moment où quelqu’un prend le micro et dit : « Bon, votre truc, ça va. De toute manière, ça ne se passe pas comme ça chez nous. Ce n’est pas possible de faire ça. Les enfants qui progressent comme ça… Nous, les nôtres, ils sont beaucoup plus durs. » Alors que les jeunes qu’on voit [dans le film NDLR], effectivement, ils étaient plus vieux. Mais ayant fait des progrès en communication et tout ça, mais qui étaient des enfants exactement comme ceux qu’on reçoit aujourd’hui, nous. Et ça fait violence, quoi.
Hervé : D’autres questions ?
[Intervention d’une banturla : onomotopées à la Jean-Marie-Massou].
Une intervention : Du coup, le titre de votre livre ? « Indisciplinée », pourquoi ?
OB : Ce n’est pas moi qui l’ai choisi. Mais c’est le titre que j’ai accepté parmi les différentes propositions, parce que très bêtement, pour moi, il y a la question des disciplines professionnelles. Il y a de plus en plus un retour de la blouse, un attachement à la blouse. L’infirmier fait l’infirmier, l’aide soignante fait de l’aide soignante. Le psychomot’ doit rester dans ses clous. Il y a un truc comme ça. Et donc forcément que le patient fait de plus en plus le patient. Il y a un truc qui devient… On est quand même très attaché chacun à son rôle. On n’est surtout pas là pour être soi-même dans l’affaire, quoi. Ni pour y aller un petit peu avec notre mise personnelle. C’est que maintenant… De toutes façons, on est interchangeable, c’est quand même plus pratique. Donc il y a la question comme ça des disciplines professionnelles qui me semble être un petit peu… C’est toujours pratique de les rendre un peu floues.
Et il y a la question du retour disciplinaire sous couvert d’un discours poli, éducatif. Maintenant on fait de l’éducation à la santé, on fait de l’éducation à ci, de l’éducation à ça. C’est ce que tu disais : on n’est plus vraiment dans les chaînes et dans les machins asilaires, mais on a d’autres manières d’être tout aussi coercitif. Il y a la question des disciplines, des logiques disciplinaires. On reste dans l’institution, donc elle n’est pas complètement indisciplinée, mais c’était bon. C’était moins bien que les autres titres.
Hervé : D’autres questions ? Je vais t’en poser une, moi. Dans ce que tu as dit jusqu’à maintenant, j’ai l’impression de retrouver cette démarche des CEMEA, que je connais bien aussi puisque j’ai pratiqué avec eux pendant des années. Ce sont des méthodes d’éducation active, qui sont très anciennes, qui sont celles du libre choix, qui sont celles de ce que tu as dites. C’est-à-dire : ne pas coloniser les esprits avec un savoir qui serait attendu et une prescription du savoir. Comme tu as parlé des CEMEA, je me dis peut-être que ça a une raison. Est-ce que tu peux en dire quelque chose par rapport à ta pratique du cours ? Je sais que moi, par exemple, elle m’a servi énormément dans le socio-éducatif.
Et je témoigne aussi : j’ai fait une formation d’infirmier psychiatrique exactement vingt ans avant toi. Et ce que tu as décrit au début, c’est exactement ce que j’ai connu. C’est-à-dire qu’à l’époque, nous, on attendait beaucoup de la psychothérapie institutionnelle, on attendait beaucoup de la psychanalyse, on attendait beaucoup de la sectorisation. Moi, j’ai quitté au bout d’un an pour aller vers l’éducation active. En me disant que je ne pourrais pas dans l’institution faire ce que tu fais. Alors je vois bien que les psychomotriciens ont une certaine indépendance et autonomie que n’ont pas les infirmiers psychiatriques. Je m’en aperçois quand tu en parle. Mais le fait par exemple d’attacher les malades (à l’époque où les électrochocs se pratiquaient), tout ça, bon, toutes ces questions-là et l’enfermement… Moi, j’étais venu en psychiatrie avec un espoir un peu… j’avais une… j’avais fait beaucoup de lectures sur l’antipsychiatrie, les murs de l’asile, Basaglia et tout ça, bien sûr. Et bien sûr aussi une expérience de Laborde, des frères Oury.
Mais concrètement, je vais te donner un exemple qui corrobore ce que tu as dit au début. C’est vingt ans avant, en 1980. C’est d’avoir sorti des malades chroniques d’un pavillon dont ils n’étaient pas sortis depuis trente ans. Avec un autre collègue qui était dans la même formation que moi, on était considérés (à trois ou quatre sur les douze qui étaient en formation) comme des chieurs. Je ne te dis pas qu’on était très malins dans la rue avec eux, parce qu’ils ramassaient tout ce qu’ils trouvaient, comme ça ils bouffaient pas du soir, Pour te dire que cette question de la psychiatrie : est-ce qu’on peut y faire quelque chose dans l’institution ? Tu poses la question. Tu as quelques arrangements possibles. Moi je n’ai pas pu continuer, je l’ai fait autrement. J’ai trouvé un… J’ai fait comme toi. Est-ce qu’on peut aussi contourner ? Je vais te dire, même dans mon travail socioculturel, je n’ai fait que contourner. Et qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai développé avec à l’époque le rock, ce qui s’appelait le « Collectif des associations rock et chansons », avec la Rocktech : infodiffusion rock. J’en ai fait même un mémoire pour le diplôme d’état d’animateur.
OB : C’est super, parce que ça me permet de parler de ce que justement je n’avais pas dit jusque là. Tu dis : c’était en 1980, c’était déjà ça. Eh bien en 2003, c’était encore ça. Suite à la sortie du bouquin, j’ai reçu un message il n’y a pas très longtemps de quelqu’un qui me dit : « Bon, j’ai lu ton bouquin, ça m’a hyper touché. Mais tu sais, ton Victor, C’est mon ‘’…’’ » et elle donne son vrai prénom. Elle me dit: « Je l’ai reconnu. J’ai travaillé avec lui. J’ai fait un an dans le service en 2016. Il est encore en chambre d’isolement. Il a droit à une heure de sortie par jour. » Donc, en 2016, il y a des choses qui bougent lentement quand même. Est ce qu’on peut encore faire des choses en psychiatrie ? Pas seul, et pas que en psychiatrie. Et sur la question de la psychothérapie institutionnelle, qu’est ce qui est beau dans cette affaire-là ? C’est le collectif. La question du fait que justement on ne soit pas seul dans nos pratiques. Mon idée aujourd’hui, c’est qu’une des pistes (peut-être pas la seule et peut-être pas forcément celle qui bouleversera la chose) qui me permet à moi de travailler, et elle permet à d’autres qui sont dans ce même genre de pratique de travailler, c’est d’aller chercher des alliances ailleurs. Tu parles de rock et compagnie, c’est vraiment par ça qu’on l’a fait, mais le but n’est pas pour moi de faire venir un musicien dans le service, le but c’est avec les jeunes qu’on a, d’aller sur la salle de concert du coin, d’aller répéter là-bas, de bosser avec le groupe au centre culturel libertaire du coin, et puis de faire un concert dans la salle, enfin voilà, de bosser avec la cantine d’à côté pour faire le catering. Pour le catering, on a besoin de légumes, donc on va avoir la copine qui est maraîchère, et de fil en aiguille… Pour le concert, en fait, les gens… de notre service vont savoir qu’il y a un concert. Au premier concert, il va falloir que l’infirmier qui va nous accompagner soit nommé par le cadre. Mais la fois d’après, ils sont trois à vouloir venir. Et puis la fois d’après, il y en a même qui viennent sur leurs congés. Parce que quand même, ça les intéresse, cette affaire : « Qu’est ce que c’est que ce truc ? Putain, il paraît que ça marche ! » et ainsi de suite. Et ça, c’est parce qu’à un moment, il y a de l’extérieur qui vient donner un regard sur l’intérieur. En tout cas, c’est comme ça que moi, les endroits qui me semblent être encore très vivants, c’est par ces pratiques-là qu’il y a quelque chose qui se passe. Ce n’est pas simplement aller chercher de l’ailleurs, c’est aller chercher une reconnaissance de nos pratiques dans des espaces extérieurs, qui sont des espaces en général esthétiques, mais aussi des espaces militants. Et là, il y a quelque chose qui, du coup, commence à nous permettre à nous aussi de faire réseau. Et sur la question des pratiques brutes de la musique, ça a permis à un infirmier qui bossait tout seul, qui organisait des concerts de noise, Vivian Grezzini18 , à Bourg-en-Bresse, qui était complètement seul et qui organisait des concerts, de créer un réseau. Mais il s’est fait défoncer par son institution, et ça lui a permis de tenir parce qu’on était plein à trouver que ce qu’il avait fait était absolument fabuleux, et ça a soutenu quelque chose qui fait qu’il a tenu bon. Il est devenu chef de service dans un autre endroit où il continue. Mais je sais que ce qu’on fait à l’extérieur et la visibilité que cet extérieur-là donne à nos pratiques, sécurise pour nous le fait que ce soit pérenne.
Quant aux CEMEA, ça ne fait pas très longtemps que j’y suis : moi, c’est depuis 2017. Je connaissais l’histoire, je lisais VST19. Les CEMEA, à l’origine, c’était la formation des animateurs de colos, à partir du Front populaire, au moment où les congés se mettent en place, donc comment créer des colos. Donc c’est la formation des animateurs. Très vite (je ne sais plus), à la Libération, ou avant, il y a eu la formation des infirmiers psy, enfin des éducateurs et des infirmiers psy. Donc, il y a une grosse activité animation de formation (aujourd’hui le BAFA) et professionnalisation des métiers de l’animation et une activité santé mentale, sociale et psychiatrie avec beaucoup, beaucoup de formation, beaucoup d’action, beaucoup de trucs. Moi, je m’y retrouve bien. Je me suis retrouvé avec une équipe très chouette à proposer des formations sur l’autisme, des formations avec une espèce d’accueil des pratiques. C’est un peu gnangnan mais ce sont des pratiques joyeuses, très fortes, avec ce truc : l’agir. C’est très collectif, les formations sont des formations pour adultes, professionnelles, avec pas mal de petites techniques d’éducation. L’éducation populaire, c’est chouette, moi j’apprends énormément de choses, et en général on repart de là hyper-armé. On se redonne des armes. Pour moi, c’est très intéressant.
Je fais une formation au CEMEA sur l’autisme. Pour dire à quel point c’est intéressant, ces histoires de formation : l’association Autisme France (je crois) a décidé de faire une liste noire des formations à défoncer parce c’est des trucs un peu liés à la psychanalyse ou à tout ça… Et ils ont aussi une liste des formations soutenues… Eh bien, ma formation, elle est dans les deux listes ! Et ça me va très bien, en fait.
? «’’La Belle Brute’’ est un label fondé en 2016, centré sur l’art brut et la musique « outsider », qui s’attache à faire entendre des enregistrements singuliers et partager des objets-disques atypiques à destination de toutes les oreilles curieuses. » https://labellebrute.bandcamp.com/
? Disques d’Olivier Brisson : https://olivierbrisson.bandcamp.com/
? En 1940, l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban (Lozère) fut un lieu d’expérimentation et de création de la psychothérapie institutionnelle, notamment avec François Tosquelles, psychiatre catalan réfugié qui avait participé à la création du P.O.U.M.
? Les données [NDLR].
? https://www.aphp.fr/contenu/passport-bp-un-parcours-de-soins-innovant-dedie-aux-personnes-avec-troubles-bipolaires
? Film de Steven Spielberg (2002), adaptation de la nouvelle « Rapport minoritaire » de Philip K. Dick (1956).
? Méthode Applied Behavior Analysis ou analyse du comportement appliquée, qui a été l’objet de nombreuses controverses.
? A lire, ce billet sur le blog Médiapart de M. Bellahsen : « Montaigne, la cérébrologie et le passeport bipolaire. Episode 2 » , https://blogs.mediapart.fr/mathieu-bellahsen/blog/010521/montaigne-la-cerebrologie-et-le-passeport-bipolaire-episode-2
? https://www.papotin.site/ : Le Papotin est un journal, né il y a 33 ans à l’hôpital de jour d’Antony, un centre qui accueille des adolescents autistes âgés de 15 à 25 ans.
? Album Ggot’s du groupe de musique Les Harry’s : https://sonicprotest.bandcamp.com/album/les-harrys-ggots
? Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut.
? Jean Dubuffet, peintre à qui l’on doit le concept d’« art brut ».
? Jacques Rancière, Le Maître ignorant, Fayard, 1987.
? Antonion Birnbaum, Égalité radicale, Diviser Rancière, Editions Amsterdam, 2018
? Film accessible ici : Alain Clément et Christophe Le Poëc, Quelque chose à dire, https://ireams.eu/fr/production/documentaire-quelque-chose-dire
? Entretien avec Vivian Grezzini, « Laissez la pitié sous le paillasson en entrant dans l’unité ! », Article11, 2014. https://www.article11.info/?Laissez-la-pitie-sous-le
? Vie Sociale et Traitement, revue des CEMEA.