Les conférences du cercle Gramsci sont annoncées dans les petites revues de la mairie, soit l’agenda culturel, soit vivre à Limoges.
Dans l’agenda culturel, on nous a répliqué qu’on avait fait trop tard, alors que c’était à temps, et ça devait passer dans vivre à Limoges, le dernier, cette conférence, et là…
Elle était maquettée, oui, c’était tout près, et la directrice de la communication de Limoges, qui s’appelle Javelot Sandrine, Sandrine Javelot a jugé.
Alors je l’ai eue au téléphone et elle m’a dit que ce n’était pas de la censure, c’était de la modération.
C’est nouveau, mais bon. C’est quand même une censure plus insidieuse, on va dire.
« Il faut aujourd’hui de l’or, beaucoup d’or, pour jouir du droit de parler.
Nous ne sommes pas assez riches.
Silence aux pauvres.
» Ça c’est une citation de Félicien de Lamenay, c’était en 1848.
« Que signifie une presse libre si elle demeure aux mains des dominants ?
» Léon Blum disait « La presse ne sera honnête, elle ne deviendra un instrument d’intelligence et de rapprochement entre les peuples que le jour où elle sera soustraite à la domination du capitalisme ».
D’ailleurs, quand l’ARCOM n’a pas renouvelé une fréquence de la TNT pour C8, suite au multiple dérapage d’Anouna, Le magistrat a également pointé le, j’ouvre les guillemets, déficit financier chronique de la chaîne.
Mais les puissants, afin d’éviter toute information dérangeante, règlent le problème en achetant le média correspondant.
Ici, vous avez la carte de possession des médias par rapport au…
Voilà, montre-là.
qui possède les médias en France, en gros.
Et c’est la dernière, la plus récente.
Un facteur supplémentaire qui joue un rôle dans le milieu des médias et auprès des élus, c’est la propagande systématique organisée et financée grassement par Israël, qui fait partie de la stratégie de conquête de la Palestine.
La Hasbara, Il existe par exemple un programme de bourse offerte aux jeunes citoyens juifs vivant à l’extérieur d’Israël qui leur fournit des outils pour influencer leur réseau respectif dans leur pays d’origine.
Aux USA, une initiative qui s’appelle EPAC, enfin peu importe, a pour fonction de s’assurer que les élus américains vont voter dans le sens souhaité par Israël, que les journaux vont publier des textes acceptables.
Pour finir et pour résumer, ma mère qui ne connaissait les Rolling Stones que par la façon dont les journaux les évoquaient à l’époque a eu très peur que je me mette à me droguer quand j’ai acheté leur premier disque.
Il ne fait aucun doute que de nos jours, au vu de mon engagement pour la défense du peuple palestinien et au vu de l’information dominante véhiculée, elle m’aurait suspecté sérieusement d’antisémitisme et de bienveillance, si ce n’est plus envers le terrorisme.
Je passe la parole à,
Isabelle Joberto :
C’est bien, c’est très bien ce que t’as dit Jean-Louis, parce que ça va être très complémentaire.
Alors le 8 octobre 2024, Karim Khatam, écrivain palestinien, interpellait les milieux littéraires et intellectuels sur leur silence concernant la situation à Gaza.
Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolées ?
Paradoxalement, Gaza est partout et nulle part.
Il est aussi courant de lire chaque jour le nombre de morts que de commenter les averses en automne.
La pluie est normale et mourir amputé, torturé, affamé par les Israéliens à Gaza aussi.
Le collectif Palestine qui s’est agrégé autour de l’Himouzin Palestine pour dénoncer la politique de colonisation et d’apartheid des Palestiniens et réclame un cessez-le-feu définitif, cet employé a clamé « Nous ne sommes pas que des nombres ».
Seuls les otages israéliens sont nommés dans les médias dominants, ce qui participe à l’invisibilisation des Palestiniennes, des Palestiniens et de la Palestine.
Lors des manifestations à Limoges et ailleurs en France, les journalistes s’emploient à être sur la ligne du « Tout a commencé le 7 octobre 2023 », éclipsant de fait la réalité que vivent les Palestiniens et palestiniennes.
Et si vous avez le malheur de ne pas impliquer les tueries et les prises d’otages israéliens au terrorisme, mais à la tyrannie de l’occupation israélienne et tous ces crimes, massacres, blocus de Gaza, vous pouvez être poursuivis pour apologie du terrorisme.
À cela s’ajoutent les meurtres délibérés des témoins du génocide par l’armée israélienne journaliste soignant.
Karim Khatam continue en parlant des automatismes journalistiques, voix passive, verbes approximatifs, déshistorisation, euphémisme.
Ils viennent créer des ambiguïtés, rendre impersonnels les atrocités, amoindrir les réalités de l’apartheid, de l’occupation, de la colonisation.
C’est à se demander vraiment qui tue les Palestiniens, dans quel but et depuis quand.
à l’instar de Pauline Perrenault, journaliste à la revue Acrimed, Action Critique Média, qui mettra en lumière tous les mécanismes qui aboutissent à l’invisibilisation de la Palestine dans les médias dominants et que nous avons la joie d’accueillir à Limoges.
Merci d’être venue.
Nous allons rendre leur visibilité aux Palestiniens et palestiniennes lors d’une semaine culturelle, alors elle sera beaucoup plus commentée par Sylvie, qui s’en est beaucoup occupée.
Lors d’une semaine culturelle qui se déroulera entre le 12 et le 19 avril et qui comprendra entre autres une exposition de photos de Hussein Jaber qui habite à Gaza.
La projection d’un film, les annonces sont sur la table et Sylvie, voilà, si tu veux nous en dire quelques mots.
Et la seule chose que je rajouterais, que je pourrais vous dire pour s’y permettre, c’est que le 11 avril, à Saint-Pierre-et-la-Perche, à la librairie des Trois-Solides, il y aura Myrgen Laribi qui sera invitée.
De 18h à 20h pour son nouveau.
Livre qui s’intitule « Siégie, l’humanité, Gaza, le génocide et les médias ».
Voilà.
Donc la parole est à l’héroïne de la soirée,
Pauline Perrenot:
Donc merci beaucoup pour l’invitation.
Merci d’être venus, nombreuses et nombreux.
Donc je suis Pauline Perrenault.
Je suis journaliste, salariée de l’association Acrimed, qui documente le traitement médiatique de la question palestinienne depuis très longtemps.
Voilà.
Donc là, c’est vrai qu’on a…
On a beaucoup travaillé, là, cette dernière année et demie.
Donc c’est un peu, voilà, à gros traits, là, ce que je vais vous présenter ce soir.
Donc faut pas hésiter à m’interrompre et tout, parce que je suis un peu nulle en temps et tout.
Donc faut pas que je déborde, mais j’ai l’heure et quart, je crois.
On se tient au courant.
Bon, là, je vous ai préparé aussi des petites images, parce qu’on travaille sur les médias, donc il n’y a pas de raison que ce soit que nous qui souffrions.
Vous voyez un peu ce à quoi on a à faire.
Alors, comment je fais ?
C’est parti.
Je vais juste dire 2, 3 petites choses en préambule.
La 1re chose, c’est que…
Alors évidemment, depuis 1 an et demi, là, qu’on travaille sur les événements, en fait, à Acrimed, on est confrontés à un double travail.
Le 1er, c’est vraiment la critique de l’information internationale.
en tant que telle, c’est-à-dire la couverture des événements en Israël et dans les territoires occupés, que ce soit à Gaza en Cisjordanie ou à Jérusalem Est.
Le deuxième axe d’observation, c’est la manière dont dont les médias dominants rendent compte – et en réalité, c’est déjà leur faire beaucoup trop d’honneur d’employer ce terme – des différentes mobilisations qui ont eu lieu en France, qui ont lieu en France, que ce soit en soutien du peuple palestinien, mais aussi sont couvertes des rassemblements, des manifestations pour les otages du 7 octobre, etc.
On parlera de traitements différenciés.
Ça serait intéressant de voir ce point-là.
Mais aussi la manière dont les médias ont commenté les positionnements des différents partis politiques français et singulièrement du gouvernement d’Emmanuel Macron.
Alors évidemment, ces deux aspects sont extrêmement liés.
Mais par commodité, on va dire que je vais les traiter l’une après l’autre.
La deuxième chose que je voulais vous dire en préambule, c’est que Depuis le 7 octobre, la production médiatique, évidemment, elle est massive, et elle est telle que, du coup, là, je ne prétends pas du tout à l’exhaustibilité, et ce que je vais vraiment essayer de faire, c’est de vous dresser un peu un portrait de ce qu’on appelle le bruit médiatique dominant, donc entendu comme, si vous voulez, la somme des effets de cadrage, des effets de légitimation ou, au contraire, de délégitimation, d’imposition de problématiques qui sont à l’œuvre dans les grands médias.
Donc ce bruit médiatique dominant, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas ici ou là des sons de cloche différents qui peuvent se faire entendre.
Ça veut juste dire que ce bruit médiatique est suffisamment puissant pour rendre ces potentiels autres sons de cloche relativement inaudibles.
Et de la même manière, je mets un peu de nuance dès le début, parce qu’après, ça sera moins…
possible de le faire au cours de l’exposé.
Il s’agit pas de mettre évidemment un signe égal entre tous les médias.
Si je voulais le faire grossièrement, le pôle international du Monde ne travaille pas comme la rédaction des médias bollorés.
Et ce qu’on a vu dans les médias bollorés, on peut pas mettre un signe égal avec ce qu’on a vu dans les pages internationales du Monde.
Ça veut pas dire que le monde est exempt de critiques du point de vue du traitement journalistique.
C’est juste que c’est pas le même journalisme, c’est pas la même façon de faire du journalisme, etc.
Donc voilà, il y a des différences entre les médias.
Ceci étant dit, il y a quand même des grandes tendances qui se dégagent.
et qui constitue des dynamiques de fond qui contribuent évidemment à lourdement mutiler l’information dans la séquence qui s’est ouverte le 7 octobre.
Et que ce soit du point de vue de l’information internationale ou de l’information – on va l’appeler – « franco-française », Je crois qu’il faut qu’on garde en tête un peu une sorte de fil rouge qui consisterait à appréhender vraiment cette séquence médiatique qui est loin d’être terminée par ailleurs, à la fois comme un symptôme et comme un accélérateur, c’est-à-dire comprendre comment cette question palestinienne, elle donne à voir autant qu’elle subit, mais de plein fouet, les mécanismes par lesquels les médias dominants en arrivent à jouer structurellement contre la pensée, contre la pensée tout court et a fortiori contre la pensée critique, et ce qu’elle aura révélé en fait de l’état de déliquescence totale du débat public et singulièrement, on va dire, des conditions matérielles dans lesquelles se produit l’information internationale aujourd’hui.
Et la deuxième chose, c’est combien cette question palestinienne, elle cristallise aussi un processus alors à l’œuvre depuis plusieurs décennies dans les champs politiques et journalistiques.
Plusieurs choses de ce point de vue-là, mais une première qui consiste à, on va dire, à normaliser, à promouvoir les visions du monde des droites au sens large, tout en diabolisant ce qui s’en écarte.
En l’occurrence, on y viendra s’agissant du champ politique Là, dans la séquence, la gauche de rupture, entre guillemets.
Le tout, évidemment, alors, sur fonde d’un paradigme occidentalo-centré, très ancré, pour ne pas dire hégémonique, y compris au sein d’une large partie de la gauche, qui consiste à littéralement refuser de réellement penser la question coloniale et donc d’affronter ces réalités.
Donc j’en viens donc au cadrage qui s’est imposé globalement dans les médias à partir du 7 octobre et qui a reposé vraiment sur trois lignes directrices.
Alors vous en avez un peu parlé en introduction de la première.
Alors ça, c’était mon plan.
Voilà, c’est très vaste.
Je passe.
Donc le cadrage, tu en as parlé au début.
La première ligne directrice, évidemment, c’est « Tout a commencé le 7 octobre ».
Alors c’est un biais, on va dire, qui relève d’un travers ordinaire dans la couverture journalistique de l’information internationale, mais particulièrement s’agissant de la Palestine.
Et ce biais, on pourrait le résumer en parlant, comme le faisait Karim Khatan, de déshistoricisation.
Nous, on a dit présentisme, mais c’est la même chose, et de dépolitisation, c’est-à-dire une propension systématique des médias à déshistoriciser justement chaque nouvelle séquence de ce conflit colonial, en la traitant comme si elle ne s’inscrivait pas à la fois dans une histoire longue et dans un contexte spécifique.
Donc au lendemain du 7 octobre, la plupart des journalistes et des commentateurs ont véhiculé et imposé la perception d’un événement qui sortait de nulle part, effectivement, sans cause et sans explication.
« Tout a commencé le 7 octobre », ce n’est pas une formule qui sort de nulle part.
Elle est loin d’être abusive puisque des commentateurs l’ont employé au mot près.
Et de toute façon, on en trouvait aussi partout des variantes dans les articles de presse et dans l’audiovisuel, au point que, y compris quelques mois plus tard, des articles qui entendaient donner aux lecteurs les principales dates-clés du conflit démarraient leur chronologie au 7 octobre.
Et c’est pas une petite affaire, puisque, évidemment, en consacrant ce récit, les médias ont profondément, on va dire, intégré et naturalisé le point de vue israélien, et que, comme vous le disiez en intro, les intervenants qui souhaitaient apporter des éléments de contextualisation des massacres perpétrés en Israël ont non seulement été totalement marginalisés, mais aussi complètement disqualifiés, aussitôt accusés, au mieux, de relativiser les massacres, et au pire, de légitimer pour ne pas dire de soutenir le terrorisme.
Donc voilà, il faut quand même se remettre dans le bain de ce que ça a été, en particulier les premières semaines, des commentateurs.
Nous, on avait beaucoup incité sur, parce qu’elle était très symptomatique, sur la phrase de Raphaël Enthoven sur Europe 1 le 10 octobre 2023, qui expliquait que, je cite, « rien n’est plus monstrueux que de vouloir expliquer la barbarie et de se donner l’air en plus de mieux la comprendre en le faisant ».
Donc voilà, il y a eu quand même cet appel permanent à verrouiller le débat démocratique, ce qui était évidemment extrêmement délétère, surtout dans un moment de crise aussi intense où des décisions politiques, et en l’occurrence militaires, aux conséquences qu’on connaît, ont été engagées.
Et la deuxième chose, en fait, c’est que ce cadrage, il a imposé une réception dépolitisée des événements, alors qu’il sous-tendait évidemment lui-même une lecture très, très politique de ce qui venait de se produire, puisque pour la quasi-totalité des chefferies médiatiques, on assistait à un choc de civilisation, un choc entre civilisation et barbarie, ou alors sa variante entre démocratie et terrorisme.
Je ne m’étends pas, j’aurai l’occasion d’y revenir.
Donc voilà.
Et je pense qu’il faut le dire d’emblée.
Vraiment, il faut souligner combien les formats et les dispositifs médiatiques ont participé vraiment à mutiler l’information audiovisuelle.
Donc si vous avez regardé un peu surtout la télévision au début, Vous vous rappelez sans doute qu’il y avait un zapping permanent dans les sujets, dans les angles de l’information, une multiplicité d’intervenants au statut très, très hétérogène, ce qui fait que sur un plateau, c’est littéralement impossible de tenir un discours vraiment structuré, etc., sur la question palestinienne.
Il y avait, on va dire.
Les.
Choix éditoriaux des rédactions ont contribué, en fait, à niveler toutes les voix qui étaient présentes pour s’exprimer.
Donc c’était des diplomates, des politiques, des artistes, des chercheurs.
J’ai rien contre les artistes.
Mais en fait, on fait pas débattre un artiste avec quelqu’un qui travaille depuis 40 ans sur la question palestinienne.
En fait, on va pas avoir le même angle.
Et donc ça peut pas marcher.
Et forcément, s’amènent à des coups d’éclat tels qu’on les a connus.
Voilà, c’était des témoins, des militaires, avocats, écrivains, éditorialistes, experts, consultants, enfin il y avait tout quoi.
Et parfois tout sur un même plateau.
Donc c’est vraiment un défilé, on va dire permanent, qui prétend en général incarner le pluralisme, mais qui remplace en réalité le pluralisme par une simple pluralité des expressions, au dépend, encore une fois, d’une information structurée et cohérente.
Et après le 7 octobre, alors le registre émotionnel…
légitime a triomphé partout.
Et dans le débat public, il était impossible de s’en écarter.
Des chaînes d’information en continu jusqu’à France 2, la télévision a littéralement refusé de réfléchir.
Et encore une fois, les voix hétérodoxes qui cherchaient à s’exprimer sur un autre registre étaient systématiquement entravées par les dispositifs.
Sommet, vous l’avez dit aussi en introduction, de respecter les prérequis obligatoires et inévitables.
c’est-à-dire condamner le Hamas, alors généralement le seul et unique développement autorisé au sujet de cet acteur, au risque de, encore une fois, se voir suspecté de complaisance ou de sympathie à l’égard du Hamas.
Et je vous ai remis, je ne sais pas si vous les avez vus, deux petits passages qu’on avait repris dans la vidéo de Blast.
Je vous laisse les regarder parce que c’est symptomatique.
Ah, mais il n’y a pas de son.
Si, il y a du son ?
Ah, il n’y a pas de son.
Bon, c’est pas grave.
C’était un extrait de Stéphanie Latabdala, qui travaille depuis très longtemps sur cette question.
Bon, là, il n’y aura pas, du coup.
Elle passait sur Public Sénat.
Et c’était un moment très intéressant parce que, justement, c’était une séquence qui a montré la façon dont journalistes et chercheurs littéralement ne se comprenaient pas.
Ils ne parlaient pas sur le même registre.
Et donc, elle était en train de dire tranquillement qu’elle était confrontée aux images, qu’il y a eu des massacres, etc.
Et elle disait très calmement qu’elle attendait, en tant que chercheuse, et qu’elle attendait calmement de pouvoir travailler sur ces images afin de avant de produire un discours.
Et là, il y a le présentateur qui lui saute à la gorge en lui disant « Est-ce que ça pourrait changer la perception que vous avez du Hamas ?
» Et donc elle répond « Mais vous pensez que j’ai quoi en fait comme perception du Hamas ?
» Et donc ça continue l’échange et en fait, littéralement, ils ne se comprennent pas.
Donc elle était a priori suspectée.
Donc c’est vraiment des séquences qui se sont reproduites à l’infini, y compris avec des chercheurs relativement consensuels, des grands pontes dans l’université, mais voilà, relativement consensuels.
Donc cet effacement, on va dire, de l’histoire de décennies de conflits entre Israël et les Palestiniens, et donc la négation de la nature coloniale de ce conflit, sont à l’origine de la 2e ligne directrice, du cadrage qu’ont adopté les médias dominants.
C’est-à-dire que puisque tout a commencé le 7 octobre, l’Etat d’Israël est logiquement la partie qui réagit et qui riposte.
Donc je mets des guillemets.
Donc au-delà du présentisme et du problème, on va dire, de temporalité, slash causalité que ça induit, c’est une lecture qui a gravé dans le marbre un biais de légitimité implicite.
C’est une légitimité accordée au seul État d’Israël, dont les droits à se défendre ont été mis au centre, alors que n’ont jamais été évoqués et que ne sont jamais évoqués les droits des Palestiniens, qu’il s’agisse de leurs droits à exister en tant que nation.
maintes fois proclamées par le droit international ou encore de leur droit de se défendre face à une occupation militaire, y compris par la lutte armée, lui aussi consacrée par des résolutions des Nations unies et le droit international.
Donc ça va sans dire qu’il, évidemment, ne confère aucune légalité à un certain nombre d’exactions qui ont été commises.
Le CET, pardon, massacre de civils pris en otage, etc.
qui sont caractérisés comme des crimes de guerre et ou crimes contre l’humanité.
C’est vraiment un cadrage en béton armé.
Parce que je sais pas si vous avez suivi cette séquence encore récemment.
Rima Hassan, qui était dans la matinale de Sud Radio, a été…
Bon, alors par rapport à des procédés vraiment…
on va dire malhonnête de Sud Radio, qui poste sur Twitter juste une petite phrase où elle disait…
Donc là, je vous ai mis un peu la suite, quoi.
Je crois que Sud Radio a juste posté une vidéo avec la petite phrase qui était « Rima Hassan 2 points », entre guillemets.
« Le Hamas a une action légitime du point de vue du droit international ».
Voilà.
Ils ont juste posté ça.
Et ça a donné lieu à tout un emballement.
Là, vous avez sur CNews, sur France 5.
Ça s’est emballé aussi évidemment politiquement, puisque article 40, procureur, il demande y compris de la lever de l’immunité parlementaire, etc., enfin bref.
Alors qu’évidemment, il y avait tout un développement.
quand on écoute son interview en entier, où elle rappelle justement les résolutions internationales.
Elle dit qu’évidemment, elle ne considère pas comme légitime ce qui s’est passé le 7…
Enfin voilà.
Mais tout s’est emballé comme ça s’était déjà emballé auparavant.
Donc c’est quand même très difficile de…
comment dire, justement, de parler des droits des Palestiniens encore aujourd’hui, quoi.
Et donc l’idée dans les médias, en fait, pendant des semaines et des mois après le 7 octobre, l’idée, on va dire, d’une riposte légitime et inéluctable, vraiment, a constitué l’alpha et l’oméga du débat autorisé.
La riposte a pu être qualifiée de disproportionnée, d’excessive, de démesurée, etc., surtout à mesure que s’accumulaient les morts à Gaza.
Mais elle n’en est pas moins demeurée une riposte militaire dont le principe et la légitimité n’étaient pas contestables.
Le seul objet de discussion pouvant être encore une fois ces modalités.
Et donc ce cadrage, évidemment, a totalement ostracisé les appels au cessez-le-feu et, encore une fois, voué à la disqualification les marques de solidarité envers le peuple palestinien.
Et dans le discours dominant, la légitimité et l’inéluctabilité de la riposte, Ça a notamment reposé sur le leitmotiv selon lequel Israël serait en guerre contre le seul Hamas.
Donc c’est un objectif de guerre qui était au cœur de la propagande israélienne, un martelé que les grands médias français ont repris massivement à leur compte, sans jamais en questionner les fondements, les conditions de possibilités, etc.
À tel point qu’encore aujourd’hui, on peut assister à des émissions dans lesquelles des journalistes se regardent dans le blanc des yeux en se demandant si c’est un objectif réalisable, etc.
Enfin, c’est lunaire.
Et donc ça, c’est vraiment le troisième biais du cadrage médiatique général qui a contribué amplement à la dépolitisation du récit médiatique et qui s’est donné à voir notamment dans la façon dont la séquence a été et continue d’être nommée.
Je pense ici, bien sûr, à la formule « guerre Israël Hamas ».
Donc le premier angle mort majeur que cette formule véhicule, c’est ce que j’ai évoqué à l’instant.
C’est le fait qu’elle enterrine quand même un pilier de la propagande israélienne.
Mais cette formule, elle est problématique, on va dire, pour deux raisons supplémentaires.
La première, c’est qu’elle fait abstraction du déséquilibre abyssal des forces, évidemment, et met en équivalence d’un côté un État qui est doté d’une puissante armée régulière, qui est approvisionné en artillerie lourde et afflux continu par les États-Unis, mais aussi par d’autres puissances occidentales.
Je vous renvoie d’ailleurs sur ce point à la très bonne enquête qui vient de paraître de disclose sur Thalès.
Et de l’autre, un groupe politique et sa branche armée.
Et la seconde, c’est qu’en réduisant, en fait, la seconde partie prenante du conflit au sol, Hamas, cette guerre…
Cette formule, pardon, guerre Israël-Hamas, elle contribue à un phénomène d’invisibilisation à la fois géographique et politique, comme si la guerre d’Israël n’était pas menée contre l’ensemble des Palestiniens et de leurs organisations.
où qu’il se situe, comme si l’État d’Israël avait attendu le Hamas pour lancer des opérations meurtrières contre les Palestiniens, comme si peu de temps après le 7 octobre, les campagnes d’arrestation n’avaient pas concerné la Cisjordanie, Jérusalem et en Israël, d’ailleurs, en visant l’ensemble des militants réels ou supposés des organisations politiques et sociales palestiniennes.
Donc ce biais majeur, il permet aussi de comprendre en grande partie vraiment le spectaculaire retard à l’allumage des grands médias à propos de la Cisjordanie et l’invisibilisation d’ailleurs totale dans les médias audiovisuels, notamment, de ce qui s’y passe depuis.
Parce qu’il a fallu quand même attendre plusieurs jours, pour ne pas dire plusieurs semaines, pour que la répression de l’armée israélienne et l’explosion des violences commises par les colons fassent l’objet de publications dans les grands médias.
Donc vraiment, le cadrage guerre Israël-Hamas ou guerre Israël-Gaza a vraiment…
contribuer à, on va dire, à marginaliser médiatiquement la Cisjordanie, mais aussi à la détacher symboliquement de la bande de Gaza.
Et donc, c’est un phénomène, dans les médias, très visible, qui participe vraiment d’une confusion manifeste entre réalité géographique et réalité, on va dire, nationale et politique.
La Cisjordanie est devenue, dans plein de médias, une autre guerre, la plupart du temps, un autre front, parfois mis sur le même plan quand même que le Liban ou que la Syrie.
Et donc en adoptant ce choix de mots et d’angles, les médias dominants accompagnent, évidemment, consciemment ou non, la rhétorique et la politique israélienne qui visent à séparer le sort de Gaza et celui de la Cisjordanie et des Palestiniens d’Israël.
à renforcer l’idée d’une dilution, voire d’une disparition pure et simple de la question nationale palestinienne.
Et là encore, il faut dire que quand même, c’est un cadrage en béton armé, puisqu’il perdure dans le temps et qu’il s’est produit exactement la même chose il y a deux mois.
On vient de sortir un article à Acrimed là-dessus, en janvier 2025, au moment où l’armée israélienne a vraiment intensifié les raids et les bombardements, notamment à Jenin.
mais aussi dans d’autres camps de réfugiés, Tulkarem, Penochap, etc.
Donc on a reût cette rhétorique d’un front ouvert après Gaza.
Alors après Gaza, c’est vraiment…
Ça revenait tout le temps dans les titres d’articles.
Après Gaza, la Cisjordanie dans le collimateur de l’armée israélienne.
Voilà, comme si ça n’était pas avant, comme si la guerre se déplaçait.
C’est l’expression qui a été beaucoup utilisée sur France Inter.
Pierre Haski qui parlait d’une guerre qui se déplace en Cisjordanie.
France 2, donc le 24 janvier 2025, qui dit c’est une sorte de second front ouvert par l’armée israélienne après celui de Gaza.
Alors que comme vous le voyez, France 2 informait quand même de l’ouverture du dit front des décembre 2023.
Et en août 2024, faisait un petit reportage en disant qu’Israël, il poursuivait son offensive militaire.
Donc de toute évidence, la guerre ne s’est pas ouverte…
Enfin il n’y a pas un front qui s’est ouvert subitement, là, en janvier, ni ne s’est d’ailleurs déplacé à cet endroit-là.
comme si le territoire avait été épargné auparavant.
Là, je vous renvoie vraiment à l’article qu’on a fait, puisque ce cadrage s’est aussi permis par le fait que, comme on le disait dans le papier, en fait, dans les grands médias, L’information sur les territoires occupés, c’est un peu encodé selon le système mathématique.
Le langage a deux valeurs, 0 ou 1.
C’est soit il ne se passe rien, soit il y a des violences.
Et donc, en l’occurrence, là, en 2024, janvier-décembre, sur un an, vous avez eu, par exemple, juste 18 occurrences du terme « Cisjordanie » dans les JT du soir de France 2.
Donc c’est extrêmement peu.
Et c’est d’autant plus maigre qu’en fait, ça correspond juste à 5 reportages.
Un en janvier, deux en juillet et deux en août.
Et sinon, il n’y a rien.
Il n’y a rien.
Voilà.
Et donc France 2, c’est 18.
TF1, c’est 6 occurrences en un an.
Donc il y a quand même 6 mois de trous noirs d’informations au JT de TF1.
On parle quand même de…
de format qui sont regardés par des millions de gens.
C’est encore extrêmement regardé.
Donc voilà.
TF1 a laissé la Cisjordanie dans son angle mort pendant 6 mois de manière ininterrompue.
Voilà.
Là, c’était d’autres graphiques.
Là, on peut pas lire les occurrences.
Mais la Cisjordanie, c’est en violet.
Celui à gauche, c’est l’occurrence Cisjordanie dans les matinales radio.
À côté, en bleu, c’est les occurrences Israël.
En orange, les occurrences Gaza.
Et en vert, les occurrences Palestine.
C’est juste pour donner un peu une idée, une représentation de la surface médiatique.
C’est extrêmement peu.
Et à droite, c’est la même chose, mais à l’antenne de BFMTV.
C’est une information vraiment résiduelle.
Je vais revenir un peu sur les conditions ensuite, mais avant vraiment d’en venir aux conséquences concrètes de ce cadrage un peu en trois axes, aux conséquences que ça a eues sur le traitement médiatique, et notamment évidemment au travers du deux poids deux mesures, entendu comme un phénomène absolument structurel, C’est important de dire quelques mots quand même des conditions qui ont permis qu’un tel cadrage puisse s’imposer au sein des chefferies médiatiques, et qui sont des conditions évidemment à la fois d’ordre, on va dire, idéologique, mais aussi matériel, c’est-à-dire qui ont trait notamment aux conditions concrètes de production de l’information.
Alors évidemment, ce récit journalistique, il doit beaucoup, comme dans toute période de crise intense, on va dire, à l’alignement des médias français sur l’agenda et sur le positionnement du pouvoir politique, lequel a, dès le départ, affirmé son soutien inconditionnel à l’État d’Israël.
Ça continue encore aujourd’hui.
Gabriel Attal se targue sur Twitter d’être en voyage en ce moment en Israël pour rencontrer des acteurs politiques, économiques, associatifs – je cite – pour évoquer les relations franco-israéliennes et les initiatives à défendre pour la stabilité dans la région.
C’était le 13 mars.
Donc après le 7 octobre, tout ça s’est traduit par une adhésion idéologique sans que ce soit forcément pensé ni présenté comme tel au récit selon lequel Israël mèderait donc une « guerre juste » contre la barbarie.
favorisant et légitimant la rhétorique de l’extrême-droite israélienne, d’une guerre de civilisation, alors du dernier rempart de l’Occident, entre guillemets, face aux ténèbres du monde arabo-musulman, le tout au nom de la défense non seulement de l’État d’Israël, mais plus encore, entre guillemets, des valeurs occidentales.
Alors en France, mais aussi dans d’autres pays européens, on va dire que c’est un réencodage occidentalo-centré des événements qui a fonctionné à plein, qui a pu trouver racine, notamment dans le paradigme, on va dire, anti-terroriste particulièrement prégnant depuis les années 2000, et a fortiori en France, depuis le traumatisme des attentats de 2015.
Et très vite, sans la moindre contradiction, les médias ont, par exemple, laissé libre cours aux intervenants qui ont dressé un parallèle entre les massacres en Israël et les attentats du Bataclan, par exemple.
Voilà.
C’était très difficile aussi de faire valoir une contradiction sur cette assimilation.
Enfin, je ne pense pas que vous ayez en tête un intervenant qui ait réussi à sérieusement argumenter sur ce point.
Enfin, moi, en tout cas, je n’en ai pas vu.
Et donc, si vous voulez, c’est un peu difficile de comprendre le succès d’une telle lecture dans les médias, parmi les directions éditoriales, sans rappeler combien la construction de la peur de l’islam travaille le débat public quand même depuis plusieurs décennies.
sans rappeler le lourd héritage des cabales multiples et massifs de la scène politico-médiatique contre l’islamo-gauchisme, notamment au cours des dix dernières années, sans rappeler la légitimation médiatique de discours racistes, anti-arabes, constantes, comme celles de mots d’ordre sécuritaires, autoritaires, nationalistes, identitaires.
Acrimed le développe longuement dans ses travaux sur la normalisation de l’extrême droite.
On pourrait en discuter, si vous voulez.
Je ne m’étends pas.
Et sur la manière dont, justement, cette extrême droite parvient à infuser les cadrages, on va dire, de l’information encore plus aujourd’hui.
Et donc, si vous voulez, c’est vrai que la conjoncture dans laquelle sont arrivés les événements, c’est bien évidemment celle d’une radicalisation à droite du champ politique institutionnel, comme de la plupart des chefferies médiatiques, et en particulier, on va dire, de l’alignement croissant du cercle de la raison, de l’extrême-centre, pareil, on pourra discuter des termes, sur le pôle le plus réactionnaire de la vie publique.
Et en France, évidemment, cette lecture de guerre de civilisation, elle a donc totalement supplanté l’approche coloniale et elle manifeste, on va dire plus singulièrement, les tabous et l’impensé qui sévissent sur cette question dans les sphères de pouvoir, comme en témoignent les faillites persistantes et même les reculs du débat public autour de la colonisation en Algérie.
Je rappelle quand même qu’il y a moins de deux semaines, Jean-Michel Apathy, alors qui quand même…
c’est-à-dire c’est notre chien de garde à accrimer.
Enfin, il y a à peu près 50 000 articles sur lui.
C’est un journaliste qui occupe une position quand même professionnelle et symbolique extrêmement importante au sein du champ journalistique, on dirait presque intouchable, etc.
Eh bien, il a été mis à pied une semaine par RTL.
Il n’y retournera pas, d’ailleurs, de sa propre décision.
Il a été mis à pied, là, il y a deux semaines, pour avoir dénoncé les crimes de l’armée française au moment de la colonisation de l’Algérie.
Et dans la foulée, France Télévisions a tout bonnement déprogrammé la diffusion d’un documentaire sur cette histoire française.
Documentaire qui revenait plus précisément sur l’utilisation d’armes chimiques par l’armée.
Donc on n’est pas dans une bonne dynamique.
C’est aussi un spoil.
Voilà.
Et cette lecture, alors…
comme plus généralement, on va dire, la médiocrité de l’information internationale sur la question palestinienne.
Elle est également…
Alors, c’est à discuter, peut-être majoritairement, je ne sais pas, dû à une profonde méconnaissance, en fait, des enjeux et à une inculture crasse de très nombreux journalistes en France.
C’est un phénomène qui renvoie à la désertion à la fois intellectuelle et informationnelle de la région par la plupart des médias français.
Ca s’est évidemment aggravé comme on le comprend avec le blocus de Gaza après le 7 octobre et donc l’interdiction d’accès aux journalistes internationaux, trop faiblement dénoncée d’ailleurs par les médias français.
Mais en réalité, c’est vraiment une cause structurelle et de long terme.
Je rappelle par exemple que TF1 a fermé son bureau de Jérusalem en 2019.
France 2 en a encore un.
Mais en 2011, il avait été amputé des deux tiers de ses effectifs.
Cette personne sur dix avait été licenciée à l’époque.
Voilà.
Dans les grands médias, si vous voulez, les correspondants permanents se font rares.
On discutait tout récemment avec le journaliste Jean Stern – je sais pas si vous le connaissez – qui revient justement de Cisjordanie, qui a fait un récent reportage en janvier publié sur Orion 21, qui travaille beaucoup avec Orion 21.
Et donc Jean Stern nous rappelait récemment que des journaux aussi importants par exemple que Libération ou Les Échos n’ont plus de correspondants permanents en Israël-Palestine depuis 2023.
Et en lieu et place, si vous voulez, de nombreuses rédactions optent pour l’envoi d’envoyés spéciaux qui sont dépêchés alors de façon irrégulière, qui ne connaissent pas nécessairement le terrain.
Il nous disait d’ailleurs, c’était intéressant, que beaucoup d’entre eux sont de la génération post-intifada, ce n’est pas les mêmes journalistes, et donc du coup il y a un truc de transmission aussi qui ne s’est pas fait, ou alors d’un héritage de couverture qu’ils n’ont pas, enfin ils n’ont pas le même profil générationnel.
Ou alors, on va dire, ce qu’il nous disait, c’est que les rédactions vont déléguer le boulot notamment sur la Cisjordanie à des pigistes.
Et les pigistes, la plupart du temps, ils se trouvent eux-mêmes dans des conditions matérielles extrêmement précaires, a fortiori depuis le 7 octobre, nous le disait-il, puisqu’il nous parlait notamment des coûts inhérents au travail journalistique qui ont augmenté.
Et donc c’est les fixeurs plus chers, c’est des assurances personnelles plus chères, assurances personnelles que les journaux, quand vous êtes pigiste, ne prennent pas en charge, etc.
Donc voilà, il faut vraiment avoir ça en tête.
Et si vous voulez, les moyens humains, on va dire, investis par les rédactions, sont à la fois résiduels et extrêmement fluctuants, c’est-à-dire, on va dire, concentrés sur les moments les plus chauds ou alors ce que, évidemment, les chefferies médiatiques perçoivent comme tel.
Un très bon exemple de ça, c’est le cas de BFMTV.
puisqu’au lendemain du 7 octobre 2023, la direction de BFMTV a envoyé 18 personnes en Israël en renfort de quelques correspondants qu’ils avaient sur place avant de les rappeler progressivement à Paris.
Et si vous voulez, début septembre 2024, donc c’est-à-dire pas longtemps après, BFM TV n’avait plus d’équipe permanente.
Voilà.
C’est quand même la première chaîne d’info autoproclamée.
Elle n’avait plus d’équipe permanente en Israël, a fortiori pas en Cisjordanie.
Et donc ils travaillent avec des correspondants.
Et bien sûr, ça dose sur les agences locales.
Voilà.
Donc ce qui explique qu’on n’a pas de reportage maison, quoi, et que c’est souvent des recyclages de dépêche, etc.
Donc c’est pas étonnant que, comme le constatait Lina, comme vous le voyez sur le graphique là, plus de la moitié de la médiatisation du conflit a été concentrée sur les deux premiers mois, en réalité.
Voilà.
Donc ce que je viens de dire, ça peut en partie expliquer la chose.
Et dans ce chapitre toujours, je pense qu’il faut avoir en tête aussi d’autres éléments, de nombreux éléments en réalité plus concrets liés à la fabrique de l’information.
qui expliquent aussi les carences journalistiques.
Je pense notamment au rôle et à l’intervention des rédactions en chef, qui sont basées à Paris, à l’intervention de ces rédactions en chef dans la production des contenus, que ce soit en amont, c’est-à-dire la sélection, le cadrage préalable des sujets, ou en aval.
On va trier, on va dire, dans les choses qui sont rapportées par les correspondants.
On va écrire des voix-off alors qu’on n’a pas soi-même fait le sujet.
Etc.
Etc.
Et sur ces différents points, vraiment, je vous recommande les très bons podcasts.
Je sais pas si vous les connaissez, qui sont sur Arte Radio de Marine Vlaovic, qui est officiée en tant que correspondante pour les radios publiques francophones en Palestine entre 2016 et 2019.
Je le dis avec un peu d’émotion parce qu’elle est décédée depuis quelques mois.
Elle fait vraiment très bien état du travail précaire.
dans lequel elle pouvait travailler, donc les commandes en urgence, on va dire, les pressions, les phénomènes d’autocensure, et aussi, on va dire, vraiment, elle décrit très bien le poids de la propagande de l’armée israélienne et comment tout ça se traduit très concrètement au jour le jour dans les conditions de travail et dans l’encadrement du travail des journalistes jusqu’à la saturation totale.
Et donc je ne m’étends pas.
On pourra y revenir si vous souhaitez en discuter.
Mais dans ce chapitre, il ne faut pas oublier aussi le rôle des groupes de pression au service des intérêts du gouvernement israélien type ELNET, type American Jewish Committee, qui travaillent les sphères politiques et journalistiques depuis de très nombreuses années.
Ça aussi, Jean Stern nous en a longuement parlé.
Je pourrais y revenir si vous voulez.
tout type de médias confondus, presse écrite, presse magazine, télévision, radio, etc.
Donc voilà.
Et de manière plus grand-angle, on peut aussi réfléchir, notamment dans le cas de BFMTV, évidemment, au fait que jusqu’il y a quelques mois, BFMTV, c’était le groupe de Patrick Drahi, qui est également propriétaire de la chaîne de propagande franco-israélienne i24news.
Et Patrick Drake, qui n’a par ailleurs jamais fait mystère de sa proximité, on va dire, personnelle avec le gouvernement israélien.
Donc là, il faut faire attention toujours.
Moi, à mon avis, il faut pas du tout surdéterminer l’influence de ce cadre sur la ligne de BFMTV, parce que de fait, Ils sont maintenant aux mains de Rodolphe Saadet.
C’est le groupe CMA-CEGM.
Et ça n’a pas changé de ligne éditoriale.
Donc il faut pas en faire des caisses là-dessus.
Je pense qu’il faut vraiment l’avoir en tête comme un élément qui favorise une sorte de grand bain, matériellement parlant y compris, encore une fois, parce que qui dit même groupe de presse dit tout un tas de mutualisations, en fait.
Littéralement, i24 News à Paris était dans les mêmes locaux que BFMTV.
Ça va être aussi des reportages qui sont tournés par i24, qui vont être diffusés à l’antenne de BFMTV.
C’est des échanges d’éditorialistes, etc.
Enfin voilà.
C’est comme ça, en fait, que ça se…
Je le fais un peu à gros traits, mais c’est vraiment pour qu’on pense toujours le champ journalistique comme un champ de bataille qui est extrêmement hiérarchisé, où tout le monde ne fait pas du tout le même métier, qui est soumis à des pressions politiques.
où les influences et les contraintes économiques pèsent très très lourd et à divers degrés, qui est traversée par des rapports de force, etc.
Et que tout ceci, ça a des conséquences évidemment sur la production de l’information.
Et donc là, je vais très vite parce que je suis déjà à 30.
Je vous disais au départ que la désertion matérielle de la région dont je parlais, c’est évidemment pas sans conséquence, en fait, sur le premier axe du cadrage dont on parlait au début, à savoir tout a commencé le 7 octobre.
puisqu’on avait par exemple montré qu’entre le 1er janvier 2023 et le 1er octobre 2023, il y avait eu seulement 10 sujets sur le conflit aux 20 heures de France 2, le temps de parole des Palestiniens.
En 9 mois, c’était de 33 secondes à l’époque.
Voilà.
Sur 9 mois.
Et il y avait eu un seul sujet en 9 mois sur les exactions des colons dans les territoires occupés.
Voilà.
Donc là, vous avez pas le son.
Tant mieux, peut-être.
C’est Olivier Delagarde.
On est en 2018.
Et donc il rigole sur un plateau en disant qu’il est content d’avoir trouvé les 4 derniers moïcans que la Palestine intéresse.
Voilà.
C’est un sujet.
Ils en rigolent, etc.
C’était en 2018.
Oui, quand même un petit mot.
On est en septembre 2018.
La marche du retour était quand même toujours en cours.
Il y avait des morts à l’appel.
Et il n’en a jamais été question au cours de cette émission qui était consacrée à un déplacement de Marc Moudabas à Paris.
Voilà.
Donc là, je vous inonde pas de chiffres.
Je pourrais vous donner les références si vous voulez.
C’est toujours entre…
Voilà, on a vraiment retrouvé, entre le 1er janvier 2023 et octobre 2023, c’est le nombre de publications que vous pouviez avoir sur Le Monde, Libération, Le Parisien, Le Figaro, les chaînes d’information en continu, etc.
Donc c’est vraiment extrêmement, extrêmement peu.
Et là, de manière encore plus grand-angle, vous voyez combien le traitement médiatique, en gros, depuis…
Depuis 2000, 2002 a complètement décliné, à part un peu en 2014, quand il y a eu les bombardements à Gaza.
Mais voilà, on est quand même sur un sujet qui est littéralement déserté par les grandes rédactions françaises.
Donc voilà.
Alors je passe vite.
Donc évidemment, ça contribue à normaliser le fait colonial et donc la situation structurelle d’oppression des Palestiniens.
Ça laisse complètement dans l’ombre l’habituel et l’ordinaire des Palestiniens qui recouvrent évidemment des violences systémiques, multiformes, quotidiennes.
Les violences de l’occupation militaire prolongée de Jérusalem, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza.
de l’extension de l’emprise coloniale d’Israël avec le blocus de Gaza, les violences du régime d’Apartheid.
Tout le concret de la vie nous est littéralement rendu inaccessible.
Et donc c’est déjà une forme de déshumanisation, en fait, par omission, par invisibilisation, qui travaille en fait les imaginaires et qui fossilise vraiment une distance de fait avec le peuple palestinien, si je voulais vraiment…
C’est un peu loin des yeux, loin du cœur, si je voulais le dire un peu vulgairement.
et qui empêche toute forme d’identification, de compréhension et d’empathie à leur égard, qui n’est évidemment pas sans incidence avec ce qui va suivre dans l’exposé, à savoir le deux poids deux mesures, les compassions sélectives, etc.
Donc ce cadrage général…
Alors il a fait évidemment consensus parmi les chefferies éditoriales.
Et c’est donc à l’intérieur, en fait, de ce périmètre qu’a pu se déployer la propagande de guerre israélienne.
Bon, alors là, je vais peut-être pas m’étendre, parce qu’il y a plus important.
On va dire que l’ensemble des commentateurs s’est vraiment divisé en deux catégories.
Il y avait les vatanguers d’un côté et les partisans de la cécité volontaire de l’autre.
Donc, chez les cécités volontaires, le discours qui postulait ou sous-entendait qu’Israël n’aurait pas d’autre choix, c’est accommodé de fait de ce qu’ils appelaient les dommages collatéraux, c’est-à-dire la mort de…
de centaines, puis de milliers, puis de dizaines de milliers de civils.
Et au départ, si vous vous en rappelez, évidemment, les quelques intervenants qui en appelaient concrètement à la désescalade ont été disqualifiés, renvoyés dans le camp des naïfs, ingénus, etc.
Et donc le message, en fait, il a oscillé entre une légitimation explicite des offensives militaires israéliennes et de la déresponsabilisation d’Israël, généralement au nom d’un prétendu fatalisme de la riposte.
Voilà.
Donc tous les médias ont pas adopté une posture vatanguerre d’une manière aussi frontale, on va dire, et Caricatural qui 24 News.
Mais ils ont massivement relayé la communication de l’armée israélienne jusqu’à ses récits les plus propagandistes et les plus outranciers.
Donc l’armée morale attachée à protéger les civils, le Hamas visé comme seul but de guerre, j’en parlais.
Le Hamas, alors, il est bouclier humain.
Ça, on l’a entendu.
Qu’est-ce qu’on l’a entendu ?
le Hamas seul responsable de la mort des Palestiniens, les conséquences meurtrières non-intentionnelles des bombardements, etc.
Tout ça, ça a eu libre cours non-stop la plupart du temps, sans aucune contradiction, jusqu’à la diffusion pure et simple de propagande d’État, comme ce fut encore le cas sur France Info, j’y insiste, France Info quand même, le 5 février dernier.
Donc là, c’est dommage, on n’a pas le son, mais…
ou France Info, qui a diffusé un clip, littéralement un clip, du gouvernement israélien qui imagine Gaza à l’horizon 2030.
Voilà.
Et plutôt que de…
Sans commentaire, quoi.
Je veux dire le clip est diffusé.
Il dit que c’est un organisme…
Il dit pas propagande, évidemment.
Il dit que c’est un organisme rattaché au gouvernement israélien.
Et il passe le clip et c’est tout.
Il n’y a pas de commentaires journalistiques.
Il n’y a rien.
Il n’y a pas de contextualisation.
On a juste un clip de propagande diffusé dans une émission du service public telle qu’elle, quoi.
Donc vraiment, c’est une séquence caricaturale, mais vraiment qui s’inscrit dans la lignée de toutes les séquences où les journalistes ont laissé micro ouverts et cartes blanches aux porte-paroles de l’armée israélienne et à leurs affidés pendant des mois.
Aidez-moi, il y a encore aujourd’hui, les Olivier Raffovitz, Aghari, dont on avait les points conférences de presse tout le temps à la télé, etc.
Donc vraiment, c’était…
On avait vraiment fait une étude sur les deux premiers mois.
C’était littéralement impossible, mais vraiment impossible, des fois, de distinguer en fait les journalistes des militaires ou des porte-parole des autorités civiles et ou militaires israéliennes.
Et de fait, de toute façon, la question de la conduite d’une guerre par un gouvernement d’extrême-droite n’était pas du tout interrogée.
Au début, il n’y a pas eu de débat, quoi.
Ça a été complètement le rat de marée, complètement enterré sous un commentariat militaire vraiment omniprésent.
Donc là, je vous passe parce que c’est long.
BFMTV a vraiment joué un rôle absolument délirant dans les premières semaines sur vraiment le feuilletonnage de l’intervention terrestre, où ils ont quand même réussi à dire à l’antenne plusieurs fois que la riposte israélienne n’avait pas commencé parce que les soldats israéliens n’étaient pas encore entrés dans Gaza.
Et donc en fait, ils ont feuilletonné beaucoup l’offensive terrestre avec vraiment des reportages comme vous pouvez peut-être…
Je sais pas si on peut pas lire, mais c’était vraiment…
Je sais pas si je peux vous lire…
Voilà, c’était des reportages dans des campements militaires, des élu-cubrations tous les deux jours sur les scénarios de la riposte, des interviews de réservistes, du chargé d’affaires d’Israël en France, de généraux français, etc., la retransmission de discours de haut-gradés israéliens.
Donc vraiment, c’était un traitement, si vous voulez, un peu embedded par anticipation, qui anticipait ce qui allait se passer, mais qui n’avait de fait rien à voir avec de l’information, mais rien à voir avec de l’information.
mais qui participait par contre intégralement à la préparation des esprits et donc à ce qu’ils appelaient le début de la riposte.
Voilà.
Et tant pis pour les centaines et les milliers de morts qui avaient déjà été tués dans les bombardements.
Il y a quand même deux bandeaux qui resteront dans les annales, les 23 et les 26 octobre sur BFM.
C’était « Offensive terrestre à Gaza, c’est pour quand ?
».
Point d’interrogation.
Et le deuxième, c’était « Netanyahou a-t-il la main qui tremble ?
».
Voilà.
C’est des choses quand même qui sont arrivées dans nos médias, quoi.
Évidemment, pour terminer ce petit point, c’est quand même difficile de parler de propagande de guerre et de fabrique du consentement sans évoquer la question des fake news, quand même, puisque comme l’ont démontré, on va dire, certains titres dans la presse israélienne et internationale, Libération en France un peu plus tard, rédactions et commentateurs ont propagé de faux témoignages à propos des atrocités commises le 7 octobre, ayant quand même pour certains inondé la presse mondiale.
En France, par exemple, la fake news des 40 bébés décapités a été vraiment massivement médiatisée dans la presse, à la radio, ça a fait les gros titres à la télévision, etc.
Alors sans le moindre filtre et surtout, ce qui est peut-être plus important, sans qu’aucune autocritique substantielle ait ensuite vu le jour et sans que des correctifs aient été diffusés, en tout cas dans des proportions similaires, à celle qui avait évidemment permis la propagation de masse.
Donc c’est évidemment fondamental d’insister sur ce point parce que ça nous amène à une réflexion plus large sur le fait que les rédactions sont restées complètement suspendues au 7 octobre, mais au 7 octobre tel qu’elles l’ont vécu à l’instant T.
telle qu’elles l’ont perçue et telle qu’elles l’ont commentée à l’instant T.
Donc on parle vraiment d’un espace-temps complètement figé et qui continue en plus d’influer en fait symboliquement à la manière un peu d’un phénomène de persistance rétinienne si vous voulez.
C’est un peu ça.
Parce que on va dire que si les rédactions elles sont tellement attachées à cet événement qu’on aurait pu se dire du coup, elles vont continuer à le documenter, c’est-à-dire elles vont continuer à documenter ce qui est sorti dans la presse israélienne depuis, ce qui est sorti dans la presse internationale, notamment sur les conséquences des doctrines militaires israéliennes qui ont été prises ce jour-là, etc.
Mais en fait, il n’y a rien Enfin, il n’y a rien.
Ou alors, c’est très, très marginal en France.
Ça n’a pas du tout été médiatisé à une échelle de masse, quoi.
Donc on est vraiment dans ce truc d’espace-temps figé où, en fait, on parle tout le temps du 7 octobre sans en parler, tel qu’il a été documenté, tel que des journalistes internationaux l’ont documenté ensuite, quoi.
C’est quand même quelque chose d’assez spectaculaire.
Donc voilà.
En gros, on a évoqué ça, le présentisme, la dépolitisation, le suivisme à l’égard de la communication israélienne, l’accompagnement de l’offensive militaire.
Et donc c’est évidemment ce cadrage qui a facilité, favorisé et légitimé le développement, là, pour le coup, d’un contenu particulièrement problématique s’agissant des Palestiniens, fait de double standard.
de compassion sélective, de déshumanisation systématique et d’invisibilisation du génocide du peuple palestinien à Gaza, en Cisjordanie.
Donc les doubles standards, en fait, qui se sont donnés à voir dès le lendemain du 7 octobre et qui sont permanents depuis, en fait, ils ont pris vraiment de multiples formes.
C’est pour ça qu’on parle vraiment d’un phénomène structurel.
La plus évidente, c’est vraiment les compassions sélectives.
Mais avant d’en venir à ça, La compassion sélective et on va dire humanisation, déshumanisation à géométrie variable.
Vraiment, je voudrais mentionner d’autres formes qui ont été moins souvent soulignées.
Le premier, c’est le traitement et le rapport aux sources.
La question du…
Comment on fait ?
la question des sources et du rapport vraiment très nettement différencié qu’entretiennent les rédactions avec les différents acteurs en présence et qui influent évidemment sur le traitement qu’elles réservent ensuite aux informations fournies.
On pourrait résumer en gros ce deux poids deux mesures en parlant d’une méfiance voire d’un discrédit sur les informations en provenance de la partie palestinienne versus une présomption de véracité, voire une croyance aveugle accordée aux informations issues des autorités civiles et militaires israéliennes.
Alors là, vous avez quand même un exemple caricatural.
Par exemple, en haut, dans le même reportage, les petits trucs qui sont entourés, vous ne pouvez pas lire, mais en gros, là, c’était un seul et même reportage sur France 2.
Il est écrit à gauche, images fournies par la police israélienne, et à droite, images de propagande du Hamas, par exemple.
Voilà.
C’est permanent, c’est permanent, c’est sur BFMTV.
Là, c’était en août 2024.
C’est exactement la même chose à l’antenne de BFMTV.
C’est quelque chose, si vous êtes attentif à ce truc-là, vous le verrez tout le temps.
En fait, vous le repérez vraiment dans l’audiovisuel.
Et en conséquence, en termes de conséquences sur la production éditoriale, ça s’est aussi décliné, évidemment, dans le recours systématique à la formule selon le Hamas.
quand il s’agit de mentionner les morts à Gaza dans les articles, les dépêches, les commentaires, etc.
Alors questionner les sources, ce n’est pas un problème en soi.
Ce n’est pas quelque chose qu’on peut reprocher aux journalistes.
Mais le problème, c’est qu’évidemment, c’est troublant de constater que sur la durée, c’est précaution d’usage, on va dire, si on est sympa.
se sont transformés en langue automatique, dont l’effet principal a été de semer le doute quant à la véracité des informations, tout ça en dépit de l’ONU, de l’OMS, des ONG internationales, etc., qui ont toujours considéré ces données comme fiables et qui l’en allaient de même de la part des autorités israéliennes elles-mêmes, en l’occurrence.
Et c’est quelque chose qui se rejoue à chaque séquence.
Je veux dire, en 2014, on avait encore ça.
C’est quelque chose qui revient à chaque fois.
Et évidemment, comme on le voit là, la mise à distance des sources, en fait, se fait vraiment à géométrie variable.
C’est aussi l’occasion de dire un mot de l’usage systématique du terme générique Ministère de la Santé du Hamas.
En lui est place de l’appellation officielle de l’institution, c’est-à-dire Ministère de la Santé de Gaza.
Et c’est quand même un choix éditorial unique au monde.
C’est-à-dire que si vous y réfléchissez…
Mais on pourra peut-être en discuter.
En fait, nous, on n’a pas connaissance d’un journaliste qui associerait systématiquement un ministère au mouvement politique qui le dirige.
En fait, on n’y a réfléchi.
En fait, on n’a pas d’autres exemples.
Et ça participe de ce même phénomène de suspicion.
Au chapitre des sources aussi, On peut dire que les rédactions ont fait quand même un usage pour le moins limité des innombrables vidéos, images tournées par les habitants de Gaza, les journalistes, les vidéastes ou les simples citoyens.
Je vous laisserai réécouter le dernier épisode qu’avait fait Marine Vlaovic, qui parlait aussi de à quel point les journalistes palestiniens se faisaient maltraiter par les rédactions françaises, qu’ils n’étaient pas payés, etc.
On entre quand même dans du gros dégoût.
vraiment en écoutant ce podcast.
Voilà.
Donc usage faible des matériaux qu’il rapportait.
Par contre, quand ça va être une journaliste de CNN qui va rentrer à Gaza, là, toutes ces images vont tourner sur les télés.
On va trouver ça spectaculaire.
C’est la reporter de guerre, etc., etc.
Donc voilà.
En fait, le problème, c’est pas tant ce qui est dit, c’est qui le dit.
Et donc, encore une fois, il y a une présomption de mensonge ou de partialité pour les uns et un crédit de fiabilité pour les autres.
Au passage, il y a quand même 145 journalistes, au moins, qui ont été tués entre octobre 2023 et décembre 2024, journalistes palestiniens, selon un décompte de RSF.
Et oui, ce que je voulais dire aussi, c’est que si les médias dominants, ils ont fait un usage immodéré de la communication de guerre israélienne, les vidéos de soldats filmant eux-mêmes leurs propres exactions ont fait l’objet de très, très peu de reportages.
À la télé, on ne l’a pas beaucoup vu.
Dans la presse écrite, il y a eu des choses, un petit peu.
Il y a eu Le Monde, etc.
Mais en fait, tous les jours, quand même, tous les jours depuis octobre 2023, on a ces vidéos.
En fait, on les a.
Il y a un travail de fou de recensement qui est fait par des journalistes palestiniens.
Et en fait, ça n’est pas utilisé comme un matériau journalistique.
Et donc c’est quand même incroyable parce que c’est un matériau très fécond qui permet aussi, soit dit en passant, d’insister sur la nature coloniale de ce conflit, notamment lorsqu’on voit des soldats israéliens poser avec des sous-vêtements de femmes palestiniennes, se prendre en photo avec, jouer avec, qui est quand même un invariant colonial assez puissant à travers les époques.
Ces doubles standards, on les a retrouvés évidemment dans les interviews audiovisuelles où les règles qui s’appliquent aux Palestiniens et à leur soutien réel ou supposé ne sont pas les mêmes que les règles qui s’appliquent à l’État d’Israël et à leur soutien réel ou supposé, que l’on pense à des acteurs locaux, que l’on pense à des responsables politiques français, que l’on pense à des intellectuels convoqués pour leur expertise, etc.
Là encore, le traitement est très notamment différencié.
Je ne m’étends pas parce que je n’ai pas le temps.
Mais on va dire que le paroxysme de ça, c’est évidemment les interviews de Rima Hassan.
où on est sur un niveau de délire absolument spectaculaire en termes d’interrogatoire, donc avec une suspicion généralisée.
Alors quand il ne la délégitime pas en son absence, évidemment, il l’invite pour mieux la clouer au pilori.
C’est des interruptions permanentes, c’est des invectives, c’est un mépris sans borne des suspicions permanentes.
Elle est rappelée à l’ordre, elle est diffamée, elle est diabolisée, elle est accusée tantôt d’être manipulée.
Elle est accusée d’entretenir un business personnel, de fracturer la République, etc.
Donc c’est vraiment un catalyseur.
Je vous renvoie…
D’ailleurs, on a fait un article là-dessus.
Là, je vous renvoie à cette vidéo qu’on a faite, qui est un peu une compilation de ces différents interrogatoires, qui sont un catalyseur vraiment du continuum raciste dans les médias, de la médiocrité ambiante aussi, et un miroir, on va dire, grossissant du pire de ce que donnent à voir les médias dominants depuis le 7.
en particulier en termes de double standard.
Parmi ces doubles standards, aussi, il y a la réaction des chaînes publiques aux événements.
Vous avez peut-être suivi cette affaire de France Info et l’affaire des otages palestiniens.
Donc c’était en janvier 2025.
Il y a eu ce Ça qui est passé à l’écran.
Et alors ça, c’était le cataclysme, quoi.
Donc on parlait…
Il y a un journaliste, en plus, qui ne l’a pas fait.
De toute évidence, c’était même pas un acte militant de parler d’otages palestiniens.
C’était vraiment…
Il baignait dans le…
On parlait des otages israéliens tout le temps.
Donc il baignait dans ce climat.
Le pauvre, il a dû écrire, sans le faire exprès, « otage palestinien ».
Et donc là, je vous passe l’histoire.
Mais ça a été un tollé sur les réseaux sociaux.
Il y a eu quand même une intervention de Caroline Yadan, pression sur les réseaux sociaux, à France Info, etc.
Je vous passe l’emballement.
Mais toujours est-il que ce journaliste a été mis à pied.
Et que successivement, la chaîne, une cadre dirigeante de l’audiovisuel public, l’ASDJ, la société des journalistes, donc la rédaction de France Info et, cerise sur le gâteau, les syndicats de journalistes quand même, ont pris position publiquement pour condamner cette erreur, je cite, inacceptable.
Donc là, on retombe sur le pied des deux poids deux mesures, c’est que ces positions extraordinaires de France Info, elles ont rendu visible par contraste l’étendue de ce à quoi la chaîne ne réagit jamais et ce dont elle ne s’indigne jamais, puisque avant cette affaire, comme on l’a écrit dans l’article qu’on a publié à l’époque, on a été vérifié quand même, L’ASDJ n’avait jamais fait paraître le moindre communiqué public relatif au traitement de la situation au Proche-Orient.
Alors évidemment que l’on pense aux interrogatoires de Rima Hassan dont je vous parlais, qui ont été particulièrement gratinées sur France Info.
Mais je mentionne aussi quand même la présence chaque semaine, une fois par semaine, d’un éditorialiste d’i24news.
à l’antenne de France Info, dans l’émission Les Informés.
Voilà.
Ça, ça pose pas de problème.
Et ça mérite pas de communiquer public.
Donc évidemment, toutes les réactions…
Enfin toutes les…
toutes les indignations ne sont pas logées à la même enseigne.
Et la rédaction de France Info trie manifestement entre les téléspectateurs dont les critiques comptent et ceux dont les critiques ne valent rien.
Et ce que cette affaire nous a également enseigné, c’est que des débats peuvent avoir lieu.
entre guillemets des débats, mais que certains débats sont voués à être littéralement classés sans suite parce qu’en bannissant comme ça l’usage du terme « otage » pour désigner les Palestiniens, France Info a littéralement passé par pertes et profits et tranché une question politique qui anime pourtant tout un pan de la société, qu’on pense au milieu militant.
qu’on pense aux champs universitaires, à des autrices, des auteurs, des intellectuels, etc., des juristes, spécialistes du don international.
Nombreux sont les acteurs, si ce n’est à défendre cet usage, au moins à questionner l’usage, etc.
Ils font valoir des arguments.
Ils parlent du système pénitentiaire, comment ça remplit quand même dans une…
société sous occupation militaire, une fonction de contrôle social de masse.
Stéphanie, la table de là dont on parlait au début, la chercheuse a beaucoup travaillé là-dessus.
Donc voilà, en fait, France Info, comme tout média, on va dire symboliquement au service de l’ordre, au service du maintien de l’ordre, il décrète ce qui peut être discuté et ce qui ne peut pas être discuté.
Il décrète, il délimite le périmètre médiatiquement acceptable.
Et donc en laissant aussi cette analyse critique de l’État d’Israël hors champ, France Info contribue aussi à invisibiliser les acteurs dont on parlait au début et qui défendent un discours contradictoire.
Et c’est peut-être…
J’en ai pas du tout parlé jusqu’à présent, mais tout particulièrement le cas des collectifs juifs décoloniaux qui, quand même depuis un an et demi, sont totalement mis au banc des médias et privés littéralement de toute représentation et possibilité d’expression dans l’espace public.
Voilà.
Je n’ai pas connaissance d’une émission d’un grand média où un membre de CEDEC, par exemple, aurait été invité.
J’ai pas d’exemple en tête.
Je n’en ai pas.
Et à la radio, pas guère plus.
Même pas peut-être sur France Culture.
Je sais pas.
Je crois pas.
Et donc, évidemment, au rang des doubles standards, c’est difficile pour finir de ne pas mentionner le phénomène des compassions sélectives.
Alors vous avez en tête, bien sûr, toutes les interventions d’éditorialistes, des commentateurs qui ont expliqué que toutes les vies et les morts ne se valaient pas, alors qu’il le disait bien.
Il le disait de manière intelligente.
Il le disait puisque l’appréciation dépendait des intentions supposées des auteurs des crimes.
Donc là, ça a été les Fourest, les Barbier, les Enthoven, toute la sphère qui gravite autour de francs-tireurs.
Là, ils ont été les spécialistes dans ce genre de déclaration.
Donc c’était évidemment une des marques les plus révoltantes, les plus visibles, on va dire, du deux poids à deux mesures.
Et dans la presse, on va dire que certains en ont fait quand même une ligne éditoriale.
Je pense notamment aux Parisiens.
Donc là, pareil, je vous donnerai les références pour les chiffres, mais je vous ai quand même mis quelques-unes.
qui évoque les otages, les familles d’otages, etc.
Donc je ne sais pas si vous pouvez vraiment les voir, mais il y a beaucoup de visages.
Il y a un champ lexical, tragédie, attaque insoutenable, martyr, etc.
Donc le problème, ce n’est évidemment pas ces mots, du point de vue du journalisme, c’est le fait que ces mots et ces visages ne se reproduisent pas dans le cas des Palestiniens, puisque dans le cas des Palestiniens, c’est ça.
C’est à peu près, je crois que j’ai mis toutes les unes là, depuis un an et demi.
Et donc, à part celle-là, où on voit une enfant palestinienne, et en plus, je crois qu’elle est au Qatar, c’est tout.
En fait, il n’y a pas de visage.
Donc là, vous voyez cette petite face ici, c’est sur les chrétiens.
Mais sinon, en fait, il n’y a rien.
En termes de représentation humaine de Gaza, il n’y a rien.
Il n’y a rien.
C’est soit des terroristes, soit des ruines.
Mais il n’y a pas de visage.
Il n’y en a pas.
Celle-ci, là, au moment de l’accord de cesser le feu.
Je mets des guillemets.
Il y avait un visage ou deux, là.
Mais voilà.
Sinon, en un an et demi, on a fait le décompte.
On a fait 3 articles là-dessus.
Donc tout est sourcé, etc.
Et on a fait aussi une étude sur les 3 premières semaines qui ont suivi le cesser le feu.
On a pris tout le corpus des articles qui traitaient de ce sujet dans le parisien papier.
Et donc voilà en fait on a pris des indicateurs pour montrer justement l’humanisation à géométrie variable.
En haut là vous avez par exemple les noms.
Donc en haut c’est les palestiniens et en bas c’est les israéliens.
Donc quand on lit le corpus de presse par exemple on croise le nom d’un otage ou d’un ex-otage 239 fois dans le corpus.
Et s’agissant des Palestiniens, c’est 15 noms.
Et parmi les 15 occurrences, il y a juste 9 noms qui sont donnés.
Et parmi les 15 occurrences, je crois qu’il y en a 4 sur 6 noirs en plus.
Vous voyez, c’est pas grand-chose.
Voilà, 239 occurrences.
Il y a 89 noms d’Israéliens qui sont donnés.
Enfin, vous retrouverez un peu les études dans la revue, etc.
Le camembert en bas, on avait fait une étude aussi des liens de parenté, pour montrer que les Palestiniens et les Palestiniennes ne sont jamais des amis d’eux, ne sont jamais des filles d’eux, ne sont jamais des pères, ne sont jamais des grand-mères, ne sont jamais rien, en fait.
Voilà.
Ils ont d’ailleurs à peu près aucun soutien dans le monde, si on lit Le Parisien, puisqu’en trois semaines, il n’y a pas un article sur les mobilisations de solidarité, alors que, je le disais au départ, les mobilisations de soutien aux otages sont couvertes dans le parisien papier.
Et là, c’est vraiment…
Là, je vous avais mis des trucs.
Pareil, vous retrouverez.
C’est sur les mots, sur les vocables.
Par exemple, le terme « massacre », qui est utilisé systématiquement pour…
Enfin qui renvoie systématiquement au 7 octobre.
Voilà.
Il n’y a pas de civils non plus palestiniens.
Il n’y a pas de blessés palestiniens.
puisque les 6 occurrences de blessés, elles sont côté israélienne.
Voilà, les termes traumatisme, cauchemar, etc.
On a fait vraiment une étude de renvoi, donc c’est accablant de bout en bout.
C’est vraiment caricatural, quoi.
Et donc, voilà, on a fait vraiment, documenté sur ces longs mois, tout ça, le constat, c’est vraiment le même, quoi.
C’est vraiment l’une des quotidiens, en haut, c’est l’une des hebdomadaires, en bas, c’est…
les grandes interviews de la matinale de France Inter.
Donc ce qu’on remarque à chaque fois, c’est la même dynamique.
C’est une attention très forte en octobre et un désintérêt progressif sur les créneaux les plus exposés, on va dire, du paysage médiatique, y compris sur des moments mais historique, comme ce qui s’est passé, les différentes étapes qui ont fait le processus de la Cour internationale de justice.
C’est Arrêt sur image qui avait montré ça, qui n’a quasiment pas été couvert en France.
Donc là, c’était un montage qu’on avait fait pour montrer que les chaînes d’information à l’international diffusaient les plaidoiries, etc., en direct, et qu’en France, on parlait de…
Alors, c’était quoi ?
Édouard Philippe.
Aucun doute sur la réponse de Gabriel Attal.
Vous voyez des sujets autrement plus sérieux, quoi.
Et à côté, c’était, pareil, une affaire de politicaillerie interne, etc.
Donc voilà.
Absence de médiatisation.
Là, je vais vite, parce que sinon, j’aurais pas le temps de finir.
Voilà.
Ah oui.
Et aussi hystérie totale.
hystérie totale autour du mot génocide, c’est-à-dire que non content d’invisibiliser ce qui se passe à Gaza, il y a eu un moment là où toute l’éditocratie s’est mise à complètement bloquer sur le terme génocide.
Les personnalités qui voulaient l’employer se faisaient vraiment systématiquement renvoyer dans les cordes, etc.
Et puis, parallèlement, on va dire que le tout-venant du commentariat s’autorisait à venir donner son avis sur savoir Jean Quatremer, par exemple.
Alors merci Libération, quoi.
Jean Quatremer, qui, à ma connaissance, n’a pas de compétences spécifiques, a classé l’affaire sans suite dans Libération en disant que la qualification de génocide, c’était une accusation de trop.
Alors il a fait ça.
Il a publié ce papier.
Il a été la risée du juriste Yoann Souffy.
qui, sur Twitter, a joué le rôle de fact-checking, en fait, de libération, à plusieurs reprises, d’ailleurs, pour lui dire que son papier était rempli d’inepties et de contre-vérités.
Donc voilà.
Je vais très vite, là, ensuite, parce que je suis à 1h08.
Donc il me reste 10 minutes.
Je vais très vite, c’est pas le plus agréable en plus.
Je sais pas si le truc était agréable avant.
Est-ce que j’ai besoin de commenter ?
Je vous le disais, tout ce dont on vient de parler, ça avait vraiment trait à l’information internationale.
Il y a eu aussi tout le volet, évidemment, commentaires de dépositionnement des uns et des autres.
commentaires des mobilisations en soutien du peuple palestinien.
Donc bon, là, la France insoumise a été dans le viseur depuis le début.
Donc le parti de gauche, là, a été et continue d’être diabolisé partout.
autour de trois mots d’ordre, ambiguïté, relativisme, antisémitisme.
Donc voilà, on a quand même des choses comme ça qui peuvent circuler, être mises en avant par des médias.
Bon, le bandeau de CNews, je vous en parle même pas.
Mais voilà, France 2 aussi s’est distinguée en faisant des petits montages comme ça, qui sont toujours hyper sympathiques dans un sujet de deux minutes de JT.
C’est quand même d’une finesse et d’une déontologie journalistique à toute épreuve, alors qu’ils prétendaient évidemment recueillir les mots qui avaient émaillé les réactions d’autres responsables politiques au positionnement de Jean-Luc Mélenchon.
Mais bon, voilà.
En fait, ils ne sont pas forcément obligés de faire un visuel comme ça.
Voilà.
En haut, c’est le JDD.
Donc là, on est sur du très lourd aussi.
Le fascisme de gauche, Pascal Bruckner, rien de très étonnant.
C’est la diabolisation permanente.
Je vous dis partout, en fait.
Là, c’est le désastre, comment les digues ont lâché, la dérive, la stratégie périlleuse, etc.
On a fait toute une étude sur la campagne du monde pendant les européennes contre la France insoumise, où là, c’était des partis pris systématiques, une désinformation par omission, des obsessions, on va dire stratégiques, propres aux journalistes politiques, avec des relents évidemment fortement islamophobes, puisque L’accusation d’instrumentaliser le vote des quartiers populaires, par exemple, est revenue tout le temps.
Il faut quand même se poser 2 minutes pour savoir ce que recouvre une telle accusation.
Variante, je cite « La gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon croit conquérir les voix musulmanes en faisant de la tragédie Gaza le centre de sa campagne ».
Donc voilà, en fait, si on tire les fils…
Ça, c’est vraiment des phrases qui ont été prononcées, que vous avez forcément entendues, quoi, qui ont été répétées partout, etc.
Et donc moi, à chaque fois, je rêve d’être devant un journaliste et juste de dire, mais ça veut dire quoi, du coup ?
Et de tirer les fils pour qu’on en arrive au cœur profondément islamophobe de ce genre de déclarations où, comme d’habitude, les habitants des quartiers populaires sont vraiment perçues, construites comme une masse vraiment informe, incapable de penser propre, etc., sur lesquelles les journalistes projettent absolument tout et n’importe quoi, et surtout ce qu’ils veulent.
Donc voilà, ce type d’argument est revenu beaucoup.
On a reproché aussi à Mélenchon d’adopter une posture de victime du système, le monde encore.
Là, c’est tout le monde remarque.
On lui a reproché une campagne dans son ombre ou dans l’ombre de Rima Hassan, les outrances de Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon a radicalisé ses positions.
Jean-Luc Mélenchon exploite la faiblesse des réactions à la tragédie de Gaza.
Le monde va très loin quand même parce que plutôt que de concentrer ses critiques sur justement les réactions des autres, Mélenchon en devient le responsable.
Il faut vraiment être journaliste politique pour sortir des trucs comme ça.
Voilà.
Je passe vite.
On a documenté ça, là, dans ce numéro de la revue, et notamment ce qui a été particulièrement problématique, évidemment, pour des médias qui se présentent comme les défenseurs de la démocratie, etc.
C’est au moment des convocations pour « Apologie du terrorisme », etc., la façon dont on a trouvé quasiment nulle part des positionnements substantiels en défense des libertés publiques.
Donc on avait fait toute une revue de presse à l’époque.
Et en fait, il n’y a rien.
Je veux dire, la plupart du temps, on croisait des appels à davantage de répression dans les médias.
en particulier dans l’audiovisuel, mais pas seulement.
Et en fait, ce qu’on a trouvé à ce moment-là, la partie de l’éditocratie, on va dire, la plus modérée, disait non, mais quand même, il ne faut pas judiciariser les positions, il faut que ce soit débattu sur la place publique.
Et évidemment, on avait souligné à l’époque l’immense hypocrisie de ce genre de déclarations de la part de chefferies médiatiques qui justement ont été les premières à diaboliser, criminaliser, délégitimer en fait les positions qu’elles appelaient précisément à débattre sur la place publique.
Donc c’est évidemment un scandale de bout en bout.
Voilà.
Et je termine en disant quand même un mot des mobilisations en soutien au peuple palestinien.
Nous, on a beaucoup travaillé en particulier sur les mobilisations étudiantes.
Donc dans la presse locale, j’imagine qu’il y a une couverture.
Peut-être, on n’a pas pu regarder, nous, mais une couverture des mobilisations qui peuvent exister.
Peut-être, vous m’en parlerez.
En tout cas, dans la grande presse, presse nationale, etc., il y a déjà une invisibilisation, en fait, assez forte du mouvement de solidarité.
Et alors, on va dire que sur les mouvements étudiants, et nous, on a particulièrement travaillé sur les mobilisations à Sciences Po, il y a eu moult possibilités de discréditer, de défigurer le mouvement social.
Donc, évidemment, le plus évident, c’est le parti pris permanent, qui supplante complètement l’information.
Donc là, voilà, c’est Sciences Po, Islamo, Figaro.
Sciences Po s’incline face à la pression islamo-gauchiste, la fabrique des crétins étudiants.
Enfin, je vous passe.
De toute façon, c’est les mêmes griefs que pour la France insoumise, antisémitisme.
Apologie de la violence, etc., etc.
Franc-tireur, quand même, toujours.
Mais on va dire que c’est vraiment l’étude sur la couverture qu’a fait France Inter des mobilisations à Sciences Po qui permettait pour nous de mettre en valeur que pour discréditer un mouvement étudiant, il n’y avait pas forcément besoin de parti pris.
En fait, les pratiques ordinaires du journalisme le faisaient très bien tout seul, sans que ce soit d’ailleurs volontaire de la part d’un certain nombre de journalistes.
C’est important d’y insister.
On a étudié la couverture des mobilisations à Sciences Po sur France Inter.
Ça, c’est dans le dernier numéro que vous pourrez le retrouver.
Il y a eu deux séquences.
La première, là, que vous voyez, ça, c’était en mars.
Alors là, c’était que la polémique.
Ils ont refusé des étudiants juifs dans un amphi.
Voilà.
Voilà.
France Inter a embrayé direct sur ce truc-là, n’est pas revenue dessus.
Il n’y a pas un étudiant qui a été invité à s’exprimer.
C’est ce que je vous mettais là.
Parce que oui, en fait, quand je disais il n’y a pas besoin de parti pris, déjà c’est intéressant de voir la répartition de la parole et donc en l’occurrence de constater la symétrie complètement la symétrie structurelle des expressions.
Donc là, sur cette première séquence, il y a zéro étudiant qui ont été interrogés.
Pourtant, la ministre de l’Intérieur, Sylvie Retailleau, à l’époque, a eu plus de 5 minutes de temps de parole.
Il y a eu aussi une interview d’une cadre, d’une dirigeante de Sciences Po.
Mais pour les étudiants, rien.
Et sur la 2e séquence, qui a été un peu plus médiatisée, Là, il y a eu 21 étudiants interrogés sur 13 journaux différents.
Mais c’était que dans des enrobés.
C’est-à-dire que ce n’est pas un étudiant qui a interviewé, qui a eu une interview en face-à-face.
Ça va être un reportage.
Et le journaliste va faire un récit.
Et il va intégrer un tout petit bout de son.
Et puis un tout petit bout de son, c’est vraiment des conditions de parole extrêmement précaires.
Ils ont eu un temps de parole cumulé vraiment ridicule, 7 minutes et 41 secondes.
Et juste pour vous donner un ordre d’idée, Aurélien Pradié, LR, qui a été interviewé, lui, dans une seule émission, avait par exemple 6 minutes 30 sur ce sujet.
Donc ça vous donne un peu une idée du différentiel.
Et ce qui est intéressant de voir aussi ici, c’est un biais majeur des médias.
C’est ça.
Là, il n’y a rien.
Ce n’est pas qu’il ne se passe rien à Sciences Po.
C’est juste qu’il ne se passe rien du point de vue des rédactions et rien que France Inter a jugé digne de médiatiser.
Parce que là, il y a eu des mobilisations, ils ont organisé des événements, etc.
Le comité Palestine de Sciences Po.
Mais ça n’a pas été médiatisé.
Et je disais que c’est un biais majeur parce qu’on va dire que la médiatisation, elle est largement décorrélée de l’agenda de la mobilisation elle-même.
Et elle est vraiment indexée sur des agendas tiers.
Donc ça va être des agendas soit du gouvernement.
Ça va être un homme politique qui va dire un truc sur Sciences Po et là, il y a médiatisation, soit autre chose.
Ou soit une intervention de la police, par exemple.
Là, il va y avoir médiatisation.
Mais sinon, c’est relativement décorrélé de ce que font et de ce que disent les étudiants.
Et du coup, il n’y a à peu près rien sur France Inter, sur cette séquence, je vous laisserai lire l’article en détail, mais il n’y a absolument rien sur cette séquence, sur les revendications elles-mêmes.
Et notamment, la question des partenariats, en fait, France Inter a complètement laissé ce truc-là hors champ.
la question des partenariats et de la suspension des partenariats qu’il réclamait.
C’est mentionné à un moment, mais comme il n’y a pas d’information sur pourquoi il parle de ces partenariats, quels sont ces partenariats, qu’est-ce que ça recouvre, pourquoi les étudiants le dénoncent, etc.
En fait, c’est une information qui est complètement vide et dépolitisée.
Donc voilà, je vous avais mis plein d’autres illustrations pour montrer l’invisibilisation des étudiants, c’est-à-dire que le sujet Sciences Po a été beaucoup un sujet, mais beaucoup un sujet commenté sans les étudiants de Sciences Po.
Donc c’est commenté par des politiques, beaucoup, c’est commenté par par des commentateurs tout-terrains, Elisabeth Badinter, etc.
On va parler de contagion aussi, on va pathologiser vraiment la mobilisation en parlant de contagion des universités américaines aux universités françaises.
C’est des choses qui sont vraiment récurrentes et avec cet art du cadrage qui consiste tout le temps, mais ça c’est un biais vraiment structurel du traitement des mobilisations, qui consiste à vraiment systématiquement rater le cœur de cible.
C’est-à-dire que la rédaction va se poser plein de questions, juste pas pourquoi les étudiants sont en train d’occuper un amphithéâtre.
Et donc avant juste d’informer là-dessus, on va se demander pourquoi le mouvement y prend de l’ampleur, pourquoi truc, est-ce que les professeurs soutiennent, qu’est-ce que c’est l’ampleur des mobilisations, Mais en fait, on disserte, on disserte, et on se rend compte qu’au fur et à mesure des reportages, on ne sait toujours pas juste pourquoi ces étudiants sont là, ce qu’ils disent, ce qu’ils font et pourquoi ils le font.
C’est spectaculaire.
Et donc j’en termine là-dessus, sur le dernier biais.
C’est vraiment là quand le procès d’intention, on va dire, tient lieu d’information.
Je veux terminer là-dessus parce que moi, je resterais…
Je pense…
Pourtant, on connaît les médias.
On sait comment ça fonctionne, etc.
Mais là, j’avoue que je resterais littéralement…
tout le temps bouche bée de cette séquence.
C’est quand des étudiants de Sciences Po s’étaient peints les mains en rouge pour dénoncer les massacres et les criminels de guerre.
C’est vraiment un geste et un symbole qui est beaucoup utilisé dans les mouvements anti-guerre, etc.
Et donc il y a Raphaël Enthoven.
Et alors c’est parti de Johan Sfar à la base, qui a dit que ce geste-là, c’était une référence…
Que faisaient les étudiants ?
C’était une référence au lynchage de soldats israéliens par un Palestinien en 2000.
Donc il écrit que c’est une référence directe à ça, alors que les étudiants n’ont pas été interrogés.
Il y a un étudiant, vous verrez, l’émission d’arrêt sur image, qui dit « mais j’étais même pas au courant de ce truc, c’était dans les années 2000, je savais même pas que ça existait », enfin bref.
Mais tous les médias se sont mis à dire que c’était…
Alors, ils disaient pas tous forcément « c’est un geste antisémite », mais en fait, la polémique, c’était l’information principale.
Donc c’est-à-dire qu’en fait c’est ça qui a occupé l’agenda.
Et donc qui se soit dit est-ce que c’est antisémite ou pas, en fait ils ont posé la question, et cette question-là a complètement remplacé en fait l’information sur la mobilisation elle-même.
Et donc voilà, c’était partout, partout, partout, dans tout l’audiovisuel, c’était ça la question qui était posée, avec la plupart des temps, évidemment, une accusation d’antisémitisme, et où on a imputé aux étudiants de vouloir faire référence à un lynchage.
Mais sur toutes les antennes, dans toute la presse, etc.
Jusqu’à beaucoup plus tard, quand le Parisien fait un papier sur l’antisémitisme réel et la haine banalisée qui est réelle, il l’illustre avec la photo des étudiants avec ses mains peintes en rouge.
Ça laisse des traces et ça ne fait pas que du mal à l’instant T.
Ça continue, ça continue, ça continue.
Donc voilà, là, je vous mettais ça.
Et puis voilà, je vais m’arrêter là.
1h20, c’est bon ?
Je voulais terminer parce que je ne sais pas si vous avez vu cette émission de France Info où ils ont disserté sur le tourisme balnéaire à Gaza.
La rivière, oui.
Donc voilà, pour nous, c’était vraiment un moment qui illustre les ravages du journalisme de commentaires, c’est-à-dire on peut…
Tout le monde peut dire n’importe quoi en permanence.
Ils ne se rendent même plus compte de ce qu’ils disent.
On peut disserter de tout.
Tout peut être un sujet.
Tout est dévalué.
Parce que juste avant, les 4 personnes que vous voyez là, elles discutaient des propos de Trump et elles disaient « Mais c’est horrible ce qu’il a dit !
Mais c’est un scandale !
» et tout.
Et en fait…
Deux minutes plus tard, hop, ils se disent.
Et le sujet, maintenant, ça va être est-ce que c’est possible ?
Et pour cela, on va d’ailleurs inviter en plateau, et ce n’est pas une blague, on va d’ailleurs inviter en plateau M.
Truc, qui est directeur général de la Fédération du bâtiment.
Et donc, on va lui demander s’il arrivera à Gaza.
C’est possible.
Voilà.
Et ce qu’on disait, c’est ça, les ravages du journalisme de commentaires.
Et puis aussi, il ne faut pas s’étonner finalement qu’après 15 mois de dépolitisation structurelle de la question palestinienne, après 15 mois de déshumanisation à outrance des Palestiniens, et surtout après 15 mois de nombre incalculable de séquences où tout un chacun pouvait discuter de leur sort sans que des Palestiniens soient à la table.
Deux États, un État.
En fait, il n’y a jamais un Palestinien pour en parler.
On va en parler pour eux.
C’est juste ahurissant.
Après tout ça, il ne faut pas s’étonner qu’on puisse avoir un plateau qui, finalement, discutent tranquillement, y compris rigolent, parce qu’ils rigolent dans cette émission, du fait qu’on puisse envisager de faire des grandes plages dans le prolongement de Tel Aviv, parce que, je cite le présentateur, Gaza a quand même des atouts.
Merci, j’étais un peu longue, mais merci.
Après cette intervention très documentée et pertinente, il y a sûrement des questions.
Donc la parole est libre à ceux qui souhaitent intervenir.
Attends, je vais passer par là-bas.
Attends, bouge pas, bouge pas, bouge pas.
J’ai un petit passage.
Bouge pas, bouge pas.
Bonsoir.
Je voudrais donner un petit exemple de ce qui s’est passé ici, à Limoges, puisque depuis le 7 octobre 2023, absolument toutes les semaines, le collectif palestinien fait une action, en général le samedi.
On a fait des actions qui étaient très visuelles, si je puis dire.
On a planté par exemple 1 000 drapeaux sur la place de la République.
On a fait 8 heures pour la Palestine sur une place de Limoges avec tout un tas d’activités diverses.
Il y en a parmi nous qui étaient là, donc ils pourraient en rajouter.
On a vu une fois la télé.
Et pourquoi on a vu la télé ?
Parce qu’on est allés faire une manif devant la télé.
Donc on était devant leurs portes, ils ont bien été obligés de descendre jusqu’à nous.
Cette présentation à la télé a été un petit peu, je dirais, orientée, parce que parmi les personnes qu’ils ont interviewées, il y avait des jeunes femmes voilées.
façon de dire, ben ma foi, les manifestations pour la Palestine, c’est confessionnel.
Voilà.
Donc la radio est venue peut-être deux fois, sinon, le reste du temps, alors que toutes les semaines, on envoie l’info à tous les médias.
Et c’est quand même extraordinaire que jusqu’à aujourd’hui, on en est là, on n’a aucun, absolument, On n’est pas connu, on ne nous voit pas.
D’autres interventions ?
Questions ?
Ça c’est juste une petite info anecdotique.
Par rapport aux mains rouges, les serbes qui manifestent actuellement ont utilisé aussi ce symbole pour dénoncer la corruption qui a causé des morts chez eux.
Il y a même des gens qui, quand c’est sorti, ont ressorti des images en Israël où les familles qui manifestaient pour les otages avaient fait ce geste pour accuser le gouvernement israélien en disant « vous avez eu du sang ».
C’est spectaculaire.
C’est vraiment une séquence de désinformation de masse.
C’est vraiment itinérant, cette séquence.
Oui, bonsoir.
Je n’ai pas bien compris, dans votre démonstration, quand vous disiez que ce qui était important, ce n’est pas ce qui est dit, mais qui le dit, en fait.
Je n’ai pas bien compris ce que vous vouliez dire exactement par là.
Et deuxièmement, est-ce que vous diriez, comme Daniel Obono, député de la France insoumise, que le Hamas est un mouvement de résistance ?
— Je réponds tout de suite, ouais.
Quand je disais sur qui le dit, en fait, je parlais du fait que les images, les documents, les vidéos tournées par les Palestiniens, en fait, n’étaient pas tellement utilisées ou alors avec beaucoup de parcimonie, en fait, par les rédactions françaises.
Mais que par contre, il y avait…
Quand c’était une journaliste de CNN qui était partie, qui avait pu rentrer à Gaza, qui avait tourné des images, là, il n’y a eu aucun problème, évidemment, aucune appréhension, aucun a priori négatif, etc., pour reprendre ces images.
Et donc, en fait, le problème, en fait, c’est qui parle.
Et donc, quand c’est des Palestiniens, c’est ce que je disais, il y a toujours une méfiance a priori, une suspicion, en fait, qui n’entre pas en ligne de compte, en fait, quand ça va être une journaliste de CNN.
En fait, les rédactions n’ont pas du tout le même comportement a priori.
Et sur votre deuxième question, je vais pas répondre parce que je m’exprime au nom d’Acrimed.
Et donc là, on dépasse très largement le champ de la critique des médias.
Donc j’ai pas à me prononcer là-dessus.
Voilà.
— Bonjour.
— Bonjour.
— Bonsoir.
Merci encore pour votre intervention.
Avant de m’exprimer, je voulais d’abord condamner l’holocauste du 7 octobre.
Voilà.
C’est une petite blague, excusez-moi, parce que comme dans les médias, il faut toujours expliquer qu’il faut condamner les massacres du 7 octobre avant de s’exprimer pour se dédouaner de toute chose.
Ma question, c’était de savoir quelle était la part des médias alternatifs par rapport aux…
la part d’influence des médias alternatifs face aux médias dominants.
Parce que là, on a effectivement parlé beaucoup des médias dominants, mais qui touchent, je pense, une partie de la population.
Et je pense, moi j’en sais rien, et c’est la question, est-ce que les médias alternatifs qu’on peut avoir sur Instagram ou sur d’autres réseaux, quelle part d’influence ils ont ?
Voilà, merci.
— C’est difficile de répondre à cette question parce que…
En fait, c’est comme toutes les questions qui portent sur des problématiques de réception.
En fait, c’est compliqué.
Quels indicateurs on prend, etc.
Alors à la limite, je peux répondre sur quelles influences ils ont sur les autres médias.
Ça pourrait être un indicateur, par exemple.
Et là, c’est assez peu, en tout cas de ce qu’on voit de la production des grands médias, des reportages que peuvent produire plein de médias indépendants.
En fait, il n’y a pas grand-chose qui est repris par les médias dominants.
Vous prenez, par exemple, un média comme Orient 21.
qui est avec comme rédactrice en chef Sarah Grira.
Je ne sais plus s’il est encore rédacteur en chef, mais il l’était auparavant.
C’est Alain Grèche qui était ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique.
En fait, c’est quand même des personnalités qui sont connues dans les grands médias.
Mais je veux dire, je ne sais même pas si Alain Grèche a été invité à la télévision pour parler d’Orient 21, pour parler du suivi du travail d’Orient 21, etc.
Je crois pas que je l’ai vu une fois à la télévision.
Il fait des choses…
En fait, c’est comme beaucoup de médias indépendants.
En fait, il a fait beaucoup de choses à partir de la sortie de son livre.
Il y a beaucoup de réunions publiques localement.
Et d’ailleurs, Jean Stern me disait la même chose quand je l’avais au téléphone.
Beaucoup de réunions publiques où il y a beaucoup de gens à chaque fois parce qu’il y a eu une demande très forte parce que Il y a une telle pression sur cette question, une telle chape de plomb qu’il y a tout le temps beaucoup de gens qui viennent assister à ce type de conférences.
Mais après, dans les grands médias, ça ne circule pas.
Il y a beaucoup d’analyses d’Orient 21 qui ne sont pas du tout citées.
Et c’est pour prendre qu’un exemple d’Orient 21.
Excusez-moi, la question était plutôt axée sur les réseaux en fait, type Instagram.
qui sont plus dirigés vers les plus jeunes, on va dire, parce que j’ai l’impression que les plus jeunes sont vraiment sensibilisés et ils ne regardent pas la télé.
Les plus jeunes ne regardent pas la télé, ils regardent les médias, mais ils ne regardent pas la télé.
C’est plus compliqué, parce qu’ils regardent les réseaux, mais en fait, il y a de la télé sur les réseaux sociaux.
Tous les extraits qui passent, c’est de la télé, c’est la télé, c’est les grandes télés.
les extraits qu’ils voient de Zemmour, les extraits qu’ils voient de CNews, de LCI, de BFM, de France Info.
En fait, quand même, ça reste des médias dominants.
Alors il y a un filtre qui passe par la sélection d’extraits.
Ils regardent pas comme, effectivement, d’autres personnes peuvent regarder le 20h de manière continue de A à Z, quoi.
Mais en fait, il n’y a pas de…
C’est pas étanche, quoi.
Réseaux sociaux et grands médias, en fait, il y a des phénomènes d’interpénétration tout le temps, en fait, et d’aller-retour un peu tout le temps.
Et c’est sûr qu’il y a une partie des réseaux qui ont permis qu’il y ait d’autres sons de cloche, en fait, qui se diffusent et qui se diffusent plus massivement.
C’est indéniable, quoi.
Je veux dire les reportages de Blast sur la Palestine.
Je veux dire, c’est les vidéos…
Nous, la première vidéo qu’on a faite, puisqu’on fait des vidéos en partenariat avec Blast, la première vidéo qu’on a faite, c’est sur la Palestine.
c’est un million de vues sur YouTube.
Enfin, je veux dire, du point de vue d’Akrimet, c’est complètement sidérant.
Un article qui marchait bien sur le site d’Akrimet, c’est 100 000 vues.
Donc, évidemment que ces plateformes-là ont permis, à un moment, qu’il y ait, on va dire, des discours qui viennent non pas contester l’hégémonie du discours dominant, mais qui viennent faire craqueler un peu le récit.
Ça, c’est sûr.
C’est pareil.
C’est par là aussi que se fait le rapport de force.
Mais bon, c’est aussi là, sur les réseaux, qu’on a vu beaucoup d’images tournées par les Palestiniens eux-mêmes, en fait.
C’est là qu’on les a vues, les images.
Parce que sinon, on ne les voyait pas à la télévision.
Donc évidemment que c’est un lieu où s’est joué beaucoup de choses sur le terrain de, justement, contester l’hégémonie.
Après, sur vraiment l’influence que ça a, je ne peux pas répondre.
Je n’ai pas de données objectives pour répondre à ça.
Donc c’est pas satisfaisant.
Je parlais dedans, je crois, mais c’est après, j’ai peur de ça.
Dans la carte des médias français qui est là, ou dans ce qu’avait fait Mediapart autour de Mediacrash.
Tu vois, ça fait un bruit bizarre quand je m’en cache trop.
Et il y avait tout ce truc-là où ils avaient montré notamment que la concentration médiatique était particulièrement forte en France, alors ailleurs aussi, mais encore plus forte en France.
Voilà.
Est-ce que toi…
Alors je sais bien que l’Acrimen, c’est plus, il me semble, un média français.
Mais est-ce que, de ton point de.
Vue.
En France, au passé colonial.
Cette.
Propagande-Là était encore plus forte qu’ailleurs, peut-être avec peut-être moins de voix dissonantes encore, c’est ce que je voulais savoir.
Et du coup, le corollaire c’est, est-ce qu’il n’y a pas aussi là, pendant une longue période, Quand les médias merdaient, tu pouvais dire qu’il y avait au moins une autre forme d’information qui était notamment l’information militante, la presse militante.
Et aujourd’hui, on le voit bien, et ça date probablement d’ailleurs d’avant le 7 octobre, il y a eu une désinfection, une défection même plutôt, d’une partie du camp progressiste qui avait actuellement été clairement présente sur cette lutte-là, peut-être pas assez, mais qui était là, et qu’on ne voit plus ou qu’on voit beaucoup moins.
Et est-ce que ça peut pas être expliqué en plus de ce renfort-là, le fait que…
plus d’intellectuels vus à une époque, comme dans ce camp-là, ont tourné complètement kazakh, tout ce truc-là aussi.
Enfin voilà.
Il y a le 7 octobre, il y a ce qui s’est passé avant, et il y a ce lâchage complet de la question palestinienne par une partie du camp progressiste, quoi.
— Bah oui, oui, clairement.
Là, moi, pareil, du point de vue des médias, je peux pas trop déborder, parce que là, ça déborderait la question.
Mais c’est évident.
Et de fait, ça joue sur la perception que peuvent avoir les chefferies médiatiques de l’état du débat, en fait.
C’est qu’effectivement, là, il y a eu un truc très minoritaire, quoi.
Enfin on voit bien…
Quand je disais « dans une lâche partie de la gauche », je veux dire la FI…
Enfin, ça a été quand même très compliqué, là.
Ils étaient quand même cloués au pilori aussi par de nombreuses personnes à gauche, quoi.
Donc voilà.
Et puis les intellectuels, je ne sais pas vraiment à qui forcément tu penses, mais…
Enfin, je ne sais pas, quoi.
On n’a pas…
En fait, je ne sais pas si c’est qu’ils n’existent pas…
Le milieu syndical aussi.
Mais ce n’est pas beaucoup exprimé.
En tout cas, médiatiquement, je ne sais pas si…
le fait d’analyser pourquoi on est au-delà de la critique des médias, mais en tout cas forcer de constater qu’il y a aussi des choses qui ne sont pas passées dans les médias.
Et il y a aussi du point de vue de certains universitaires et intellectuels un grand truc d’autocensure qui a joué.
Parce que Stéphanie Latabdallah, elle témoigne encore aujourd’hui, suite à l’affaire Rima Hassan, Sud Radio, dans Arrêt sur image.
Ils sont atterrés, mais c’est qu’au bout d’un moment, ils ne veulent même plus y aller.
Parce que c’est la porte ouverte à se faire complètement défoncer.
Encore aujourd’hui, c’est hyper difficile de s’exprimer sur la question palestinienne.
Donc il y a beaucoup aussi d’auto-censure, quoi, et des gens qui veulent plus y aller, qui veulent plus en parler.
Pour les universitaires, en fait, je pense qu’il y en a beaucoup aussi.
C’est ça qui se joue, quoi.
Parce qu’aussi, après…
Je crois que c’était en décembre 2023 où on en avait parlé dans un des articles…
d’Acrimed, où il y avait une lettre ouverte qui a été publiée sur Mediapart, justement, d’universitaires qui dénonçaient vraiment le climat, y compris au sein de l’université.
Complètement McCarty, je veux dire, moi je discutais récemment avec un universitaire très, voilà, mec, il est installé, quoi, il a une position dans l’université tout à fait confortable, et il raconte des trucs sur ce qui n’est pas possible de faire, les moindres détails ont fait chier pour tout et n’importe quoi.
Enfin c’est compliqué quoi, ça reste compliqué, on aurait pu se dire au bout de 6 mois ça va peut-être se détendre mais c’est ce qu’on se disait tout à l’heure un peu en off, en fait ça ne s’est pas détendu au bout de 6 mois quoi, c’est toujours…
Donc voilà, ça joue aussi sur le fait qu’il n’y a pas beaucoup de voix discordantes quoi, avec plein d’autres facteurs où moi je ne peux pas tellement me prononcer mais voilà.
Et ta première question ?
Oui c’était sur les comparaisons à l’international.
Alors on n’a pas fait d’études parce que déjà, s’occuper du paysage français, c’est lourd.
Je sais qu’il y a des études qui ont pointé des biais.
Il y a eu des études sur les médias anglophones qui ont pointé le même type de biais, des humanisations.
double standard, invisibilisation.
Il y a des références dans le média critique aussi, tant sur la presse US que sur la presse aussi anglaise et tout.
En Allemagne, j’ai l’impression qu’il faudrait discuter avec le journaliste Olivier Siran, qui connaît bien le paysage, mais je crois qu’en Allemagne, c’est pire que tout, en fait.
En Espagne, mais là, c’est qu’un peu des trucs aux doigts mouillés parce qu’on n’a pas fait d’études, ça a l’air un peu plus…
Un peu moins chape de plomb, quoi.
Y compris, j’ai une copine qui était, qui me disait en écoutant les infos, c’est incroyable, c’est pas du tout le même son de cloche qu’en France, etc.
Elle me disait ça fait du bien d’ailleurs d’écouter les journaux espagnols.
On n’a pas l’impression d’être des fous ou des personnes cléopilories et tout.
Donc voilà.
Mais il y a des études qui vont sortir, je pense, petit à petit, sur le traitement médiatique.
Mais pour l’instant, ces études, elles existent beaucoup sur les médias anglophones.
Il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites.
Mais ça, pareil, je pourrais vous retrouver les différentes sources.
Je pense au moins à 5 gros papiers qui ont été publiés.
Voilà, je ne sais pas si tu liais ça à la question de la concentration, du coup.
Ça, je ne pourrais pas trop répondre, quoi.
Il faudrait vraiment étudier l’état de la propriété capitalistique aussi ailleurs et tout, comment ça se structure, c’est trop compliqué, quoi.
On n’a pas fait cette étude.
Alors avant de prendre deux autres questions, Il y a des livres sur la question qui ont été abordés ce soir, mais il y a aussi Média Critique, dont tu viens de parler, d’acrimèdes.
Ils sont à vendre ici sur la table, mais il y en a aussi ici avant de sortir.
Une autre question.
Oui, sous forme de gague presque.
Est-ce qu’il existerait un acrimède arabe ?
qui permettrait d’avoir en négatif ou en positif, c’est-à-dire qu’on en regarde, la lecture qui pourrait être faite de ce point de vue-là du conflit avec ses dérives.
Un acrymède, je n’ai pas entendu partout.
Arabes.
Ah, je ne connais pas.
Et Israël.
Et non, je ne connais pas de…
Donc on n’a pas de retour sur la façon dont la presse arabe traite le conflit.
— Il y a quand même des papiers sur Al Jazeera.
Moi, j’en ai pas du tout parlé.
Mais par exemple, Al Jazeera, c’est pareil.
Et c’est une source qui est complètement décriée, en fait, par les grands médias.
En France, je sais pas si vous avez déjà entendu parler d’Al Jazeera, par exemple, en regardant un média français.
C’est pas si souvent que ça, quoi, qu’ils en parlent.
Et pourtant, ils reprennent de leurs images.
notamment les JT, ils reprennent des images, mais sans dire qu’ils reprennent Al Jazeera.
Donc il y a des papiers qui ont été faits, mais bon, c’est très grand-angle, quoi.
C’est pas tellement…
J’ai pas lu, moi, de trucs…
J’ai pas de trucs à vous citer.
— Bonsoir.
— Pardon.
Et sur les médias israéliens, il y a Sylvain Sipel qui a écrit dans « Orient 21 » sur je sais plus quand exactement.
Mais si vous cherchez, il y a des papiers de Sylvain Sipel pour parler de…
Voilà.
Hormis Aaretz, où il y a des trucs très bien qui se font, il parle des médias israéliens.
Et franchement, ça fait…
Ça fait vraiment peur, quoi.
Notamment à la télé.
Je me rappelle plus dans quel papier il l’évoque, mais le traitement médiatique est un peu documenté par Sylvain Cipel, qui est journaliste pour Orion 21, aussi.
Je crois qu’il est membre du comité de rédaction.
— Bonsoir.
Qu’est-ce que justifie, à votre avis, cet efferlement médiatique ?
— Médiatique.
D’efferlement, en fait.
— Qu’est-ce qui explique ?
— Oui.
Ou qu’est-ce qui justifie, ou qu’est-ce qui motive ?
Qu’est-ce qui explique ?
J’en ai un peu parlé au début.
Il y a plein de facteurs.
Il ne faut pas voir le tout comme un truc complètement intentionnel.
Il y a un peu de tout.
Il y a du suivisme, il y a de la méconnaissance.
Il y a de l’inculture, il y a aussi de la malveillance, il faut le dire, il y a des trucs intentionnels, clairement, etc.
Ça c’est notamment du point de vue des faiseurs d’opinion, des gens qui sont un peu sous les radars, qui passent beaucoup à la télé et tout.
Mais voilà, c’est un mix de plein de choses en fait.
Quand je vous évoquais, quand j’essayais de parler un peu des conditions de production de l’information, en fait il ne faut pas du tout sous-estimer ce truc-là.
En fait, c’est quand même le désert.
L’absence de journalistes permanents, le fait d’envoyer des gens qui ne connaissent rien, qui ne connaissent pas la région, qui ne connaissent pas les acteurs, qui ne savent rien.
Jean Stern nous disait qu’il y a des envoyés spéciaux.
Ils sont envoyés en Israël, comme ils sont envoyés à Epinay-sur-Orge pour couvrir un fait divers.
Donc comment, dans ces conditions, on peut produire une information correcte ?
Comment, dans ces conditions-là, on ne va pas juste réécrire bêtement ce qui est écrit partout ailleurs ?
Donc il y a aussi tout ce truc que Bourdieu appelait vraiment la circulation circulaire de l’information, le mimétisme, etc.
par manque d’investissement, par…
Voilà.
Après, manque d’investissement qui est un choix éditorial.
Ils font le choix de ne pas vouloir…
Alors par contre, il y en a qui diront par contrainte économique, mais en fait, ils mettent des soyeurs aussi.
Donc ils pourraient se dire, en fait, là, on met le paquet et on va laisser pendant 4 ans, on va reconstituer un bureau dans la région, etc.
Et en fait, ils le font pas, parce qu’il n’y a pas non plus de volonté de documenter la région.
Donc voilà, le cadrage global, c’est ce qu’on disait au début, ils ont aussi adhéré, consciemment ou non.
au récit dominant.
Donc voilà, c’est un mix de plein de choses.
Une anecdote que je voulais raconter.
Quand je faisais l’article sur la Cisjordanie, pour montrer que ça avait été complètement sous-documenté sur toute l’année 2024, à un moment je regardais une émission de BFM et c’était hyper révélateur.
Il y avait une émission de BFM sur les bombardements à Génine, Et en fait, le présentateur dit, bonjour Trucmuche, en parlant de sa correspondante, on vous retrouve du coup sur place, vous êtes à Tel Aviv.
Et donc en fait, Tel Aviv, c’est juste pas en Cisjordanie, c’est à 100…
Non mais je veux dire, c’est hyper révélateur, c’est à 100 km de Génine, donc c’est pas sur place.
Mais la correspondante, en l’occurrence, elle est à Tel Aviv.
Et probablement qu’elle n’aura jamais foutu un pied en Cisjordanie.
et certainement pas à Génine à partir de la mi-janvier, quoi.
Donc voilà.
Et de fait, son reportage ensuite, c’est complètement sans chair, quoi.
C’est complètement désincarné.
Et de fait, elle répète…
Elle lit presque le communiqué de l’armée israélienne parce qu’en l’occurrence, c’est la source la plus accessible sur place.
Voilà.
La journaliste, elle n’a pas l’intention de…
C’est pas intentionnel, c’est juste…
C’est comme ça, c’est des réflexes, des routines professionnelles qui ne sont pas du tout interrogées.
Il ne faut pas systématiquement y voir un truc intentionnel, c’est vraiment des trucs…
Ça se fait comme ça.
Il.
Faut demander le micro parce qu’on enregistre.
Et alors qu’en Cisjordanie, ils ont accès, contrairement à Gaza.
En Cisjordanie, ils ont accès.
Mais pour autant, ils n’y vont pas beaucoup.
Jean Stern, il nous disait que quand il a été à Naples pour son reportage qu’il a publié en janvier 2025, là, il y a un mois et demi, il nous disait qu’il a été à Naples et que c’était la première fois que ses interlocuteurs voyaient un journaliste international depuis, je crois, un an.
Est-ce qu’il y a des questions ?
On peut prendre encore 2-3 questions.
En attendant, je fais un peu un constat à travers ce que tu as présenté.
Est-ce que tu vas me le confirmer ?
Mais je pense qu’une des questions centrales, et qui n’apparaît pas du tout, donc qui va dans le sens de ce que tu as dit, c’est que la question de la colonisation, qui est quand même la question fondamentale avec les méthodes qui sont liées à la colonisation, d’humiliation, de prise des terres, de tout ce qu’on peut imaginer.
Je ne vais pas tout dire parce que c’est assez énorme.
Cette question, qui est à mon avis une question de fond à débattre, même dans ces médias dominants, parce qu’on pourrait se dire peut-être qu’ils la poseraient pour dire que ça n’en est pas une.
Mais on n’entend pas.
Là, c’est un peu aussi ce que dit, je crois, Alain Gretsch de l’Orient 21, je crois.
— Ouais, mais en fait, non, c’est pas…
Ils vont parler des colons en Cisjordanie, etc.
Mais en fait, la question colonielle, fondamentalement, elle n’est pas pensée.
Et du coup, la question de la décolonisation non plus, elle peut pas se poser.
En fait, il n’y a pas de débat de fond là-dessus dans les grands médias.
En fait, il n’est pas possible.
On discutait, là, dans le dernier Média Critique.
On a fait un long entretien.
Il est vraiment long, avec une militante de BDS, une chercheuse qui s’appelle Oudah Hassan.
La militante de BDS, c’est Mounir Rahamoun.
une chercheuse qui s’appelle Ouda Hassal et Hicham dont je vous parlais, je crois tout à l’heure, qui était étudiant à Sciences Po, qui était membre du comité palestinien.
Ouda Hassal, elle nous disait en fait que c’est pas possible de penser la question des coloniales.
On ne peut pas débattre de ça, ça fait partie des trucs…
Je sais pas en fait, j’ai pas tellement d’exemples de discussions comme ça dans les médias.
Et donc forcément, quand ça c’est un angle mort, on squeeze effectivement le cœur de la question palestinienne.
Donc on passe complètement à côté de tout.
Des fois, vous allez assister à des discussions, par exemple, où des éditorialistes hyper inspirés vont vous dire « Deux États, tatati, tatata ».
Ce n’est jamais posé, en fait, concrètement, la question de ça veut dire quoi, deux États dans les conditions dans lesquelles est la Cisjordanie, par exemple.
Mais même pour vous dire à quel point ce n’est pas pensé, c’est que pour beaucoup de journalistes, en fait, Gaza, ce n’était pas un territoire occupé, par exemple.
Je veux dire, on a assisté à des…
Je me rappelle très bien d’un duplex Il y avait Ziad Mehdoub, qui était un professeur de français, qui était à Gaza, qui était sous les bombes, littéralement sous les bombes.
Il fait le duplex sous les bombes.
Et en fait, il se fait couper la parole.
Il se fait jeter du direct par le présentateur de BFM qui était, pour ne pas le nommer, Maxime Switek, et qui lui dit « Non mais, vous parlez d’occupation, mais en fait, les Israéliens sont partis de Gaza en 2005 ».
Et en fait, il le coupe, il le jarre de l’antenne sur la base d’une erreur, quoi.
Puisque pour lui, en fait, Gaza n’est pas un territoire occupé alors que c’est considéré par le droit international comme un territoire occupé, en fait.
Toujours.
Mais ça, c’est jamais rappelé, en fait, dans les grands médias.
— D’autres questions ?
— Oui, sur Blocus, et parce que Blocus, maire aérien, etc., forcément, c’est considéré comme un territoire occupé.
Tout ce que tu as raconté sur un peu comment les médias finalement travaillent ou ne travaillent pas sur cette question-là aujourd’hui, ainsi que les réactions des intellectuels, moi ça m’a fait penser un peu à quand il y a, on va dire, des émeutes, pour faire vite, en banlieue chez nous, ou à l’occasion du mouvement des Gilets jaunes, où finalement c’était des fascistes, eux aussi.
Ce traitement médiatique-là, j’ai l’impression que c’est un peu les mêmes mécanismes à chaque fois.
Les intellectuels qui s’engouffrent pour clouer au pilori les gens qui s’insurgent, finalement je trouve que c’est un peu la même chose.
Et c’est comme s’il y avait finalement un refus de se creuser la tête sur réfléchir, c’est quoi la situation, qu’est-ce que ça veut dire, qu’est-ce que veulent dire les gens, etc.
—.
C’est ça.
C’est qu’au début, c’était cloué au pilori.
En fait, rappeler le contexte, c’était pas…
Selon la formule traditionnelle, c’était pas l’excuser.
En fait, c’est juste réfléchir, quoi.
Pourquoi pas ?
Ça peut pas faire de mal.
Mais effectivement, je veux dire, on a aussi beaucoup documenté au moment des révoltes dans les quartiers, au moment de la mort de Nahel.
Là, ça a été quand même un emballement tout de suite, des appels à la répression permanente, etc.
C’est ce qu’on appelle, nous, le journalisme de préfecture.
C’est un truc, vraiment, une fonction symbolique.
de maintien de l’ordre qu’ont les médias, qu’on documente depuis…
Voilà, ça aussi en fait partie.
Mais disons qu’il y a des cadrages qui sont imposés sur le journalisme de préfecture.
Ça, c’est un truc qui travaille la sphère journalistique depuis 40 ans.
Dans le bouquin « Les médias contre la gauche », on fait tout un développement là-dessus.
C’est à Nicole Ovalde, la sociologue qui a beaucoup travaillé aussi sur cette question, elle justement qui parle de comment le cadrage se réoriente d’un cadrage social à un cadrage complètement sécuritaire.
où c’est plus possible d’interroger par exemple le malaise social des banlieues de ce qu’ils appellent et en fait ça va être complètement supplanté par un truc sécuritaire quoi.
Une approche sécuritaire, une approche répressive etc.
et qu’il n’y a plus que ce cadrage là qui est acceptable dans les médias et que pour faire valoir des éléments de contexte, des interrogations sociales, y compris des choses qui voudraient un peu tempérer les ardeurs punitivistes, permanentes, etc., répressives.
C’est extrêmement compliqué de s’exprimer.
Je veux dire, là encore une fois, la France Insoumise, Mélenchon qui refusait d’appeler au calme à ce moment-là.
Je veux dire, on l’a entendu sur toutes les antennes, il a été cloué au pilori pour ne pas vouloir appeler au calme au moment de Nell.
Voilà, c’était pas…
c’était le truc non acceptable, quoi.
Donc voilà, c’est toujours le périmètre acceptable, en fait, ce qui peut être dit, ce qui ne peut pas être dit, dans quels termes ça peut être dit, dans quels termes ça ne peut pas être dit, voilà, quels interlocuteurs sont légitimes, quels autres non…
Donc oui, oui, c’est toujours les mêmes mécanismes qui entrent en jeu, quoi.
D’où…
envisager la question des médias comme une question structurelle et faire des propositions pour que ça change.
Parce que ça ne viendra pas de petits aménagements sur un coin de table en parlant de la déontologie journalistique.
C’est beaucoup plus profond que ça.
Donc voilà, il y a du pain sur la planche.
Excusez-moi, dans le cadre de ce traitement médiatique ou plus généralement, est-ce qu’on peut classer les journalistes en trois catégories ?
Les ambitieux, les peureux et les sionistes ?
Je ne sais pas.
Je vous laisse à la catégorisation.
Bon, est-ce que…
— Ouais, ça serait intéressant, par exemple, de voir ce qui s’est passé.
En fait, il y a eu des communiqués d’étudiants en journalisme qui sont parus, y compris assez tôt, pour dénoncer qu’on avait relayé sur le site d’Acrimen, qui sont parus, qu’on avait relayés, donc qui dénonçaient le deux-poids-deux-mesures, qui ont dénoncé l’invisibilisation de Gaza, qui ont dénoncé le traitement par les grandes rédactions.
Donc ça, c’est quand même…
Quand on a vu ça, ça fait partie des trucs qui donnent des motifs d’espoir, parce que capable d’un exercice un peu plus réflexif aussi sur un sujet qui ne s’y prête pas du tout, vu le contexte, et puis dans des établissements où là aussi, quand on parle de verrouillage, on se place pas mal.
Donc voilà, ça c’est des signaux plutôt positifs quoi.
Et c’était dans des grandes écoles, je me rappelle plus si c’était au…
au CFJ, ou je ne me rappelle plus lequel c’était, d’école de journalisme, mais c’était vraiment une grande école.
Et aussi, un truc que je tiens à signaler, c’est que très vite, il y a l’Ajar, je ne sais pas si vous connaissez, mais c’est l’association des journalistes antiracistes et racisés, qui a fait aussi beaucoup de communiqués, qui travaille vraiment sur la question.
Donc c’est des journalistes de plein de médias, web, presse écrite, télé et tout.
qui se sont constituées en collectif il y a à peine deux ans et qui, voilà, ont fait paraître plein de trucs.
Là aussi, ça pèse aussi…
Alors c’est minoritaire.
C’est petit, mais ça pèse aussi dans les rapports de force à l’intérieur des rédactions.
Ces gens existent, quoi.
Ces gens existent.
Et ils ont fait savoir que…
Pas en notre nom, aussi, quoi.
Voilà.
Mais ça serait intéressant de savoir plus en détail ce qui va se raconter dans les écoles de journalisme, les leçons qu’ils pourront tirer de cette séquence hallucinante.
On va prendre une dernière question.
Merci pour votre exposé.
Est-ce qu’on peut dire que cette séquence de la prise en compte journalistique, informationnelle de l’événement à partir du 7 octobre autour de la question palestinienne est révélatrice un virage peut-être dans la liberté d’expression, les capacités d’indépendance des journalistes et des médias, du système médiatique.
Est-ce qu’aujourd’hui, on serait pas dans une période, disons, de recul grave.
Autre question, est-ce que la question palestinienne, la question de la libération de ce peuple était, par le passé, aussi étaient vraiment mieux perçus, mieux perçus, mieux considérés, je parle médiatiquement et dans l’opinion, mieux traités autrefois, avant, et mieux connus qu’aujourd’hui.
Vous me demandez si c’était mieux avant ?
Oui.
La question du colonialisme, de l’apartheid, etc.
Même, on parle de génocide aujourd’hui, ce qu’on n’osait pas dire avant, ou ce qui n’apparaissait pas comme tel, ce qui n’était pas conçu comme tel, alors qu’aujourd’hui, même si ça fait scandale, c’est dit.
— Alors, sur ce que ça cristallise, oui, je pense…
Nous, dès décembre 2023, je m’en rappelle, à Acrimed, on avait fait le truc sur…
On avait fait tout un papier sur l’ambiance maccartiste, en disant que la séquence, elle avait déjà profondément reconfiguré, en fait, le champ politique français et qu’elle allait laisser des traces indélébiles, quoi.
Et donc je pense qu’on pourrait sans mal persister et signer sur ce plan.
Je pense que là, on a passé beaucoup de cap.
En réalité, je pense qu’on ne mesure pas encore tous les séismes.
Franchement, ça va laisser des tracés d’arbre, je pense, sur plein de plans différents.
Et puis sur le plan de la liberté d’expression, oui, vu tout ce que je viens de…
Vu tout ce que je viens d’évoquer, oui, oui, c’est sûr qu’il y a une chape de plomb qui continue encore aujourd’hui, quoi.
Donc là-dessus, oui.
Et est-ce que c’était mieux avant ?
J’ai essayé.
Je suis passée vite.
Mais en fait…
Bon, alors…
Le récit a pas été tout le temps caricatural.
Mais en fait, la question coloniale, elle a jamais pu vraiment être pensée de manière fine, en fait.
C’était moins caricatural que post-7 octobre dans les médias, parce que ça a été le cataclysme, etc.
Mais en fait, c’était pas…
Voilà.
Il y a aussi…
Je pense qu’Alain Grèche, il en parlerait beaucoup mieux.
Mais il insiste beaucoup aussi sur qu’y compris le positionnement du gouvernement français, il n’a pas tout le temps été exactement celui-ci, quoi.
Il y a eu des évolutions au fil du temps.
Et que voilà.
Aujourd’hui, on est dans une situation où qui est celle que je décrivais tout à l’heure.
Donc quelque part, c’est encore pire.
Depuis qu’il y a des articles sur le site d’Acrimed à propos de la question palestinienne, on parle de d’une information complètement mutilée, quoi.
Et les cadrages, au départ, c’était vraiment l’article un peu fondateur du cadrage, c’était le syndrome Tom & Jerry, et donc c’était ça, quoi.
Une présentation médiatique des faits où on est dans un conflit, ou Tom & Jerry.
Donc il y a deux ennemis qui se courent après, en fait, depuis la nuit des temps, et on sait pas vraiment pourquoi.
Et puis ils se tapent dessus, mais on sait pas vraiment pourquoi.
C’était ça qui était aussi au cœur du truc.
C’était dépolitiser.
Les articles qu’on a faits en 2014, c’était ça.
On a retrouvé quand même aussi les mêmes biais.
Je ne sais plus quand on avait fait le traitement de la marge du retour.
On avait fait des papiers.
Mais il faut réécouter ce qui se disait à l’époque.
la marche du retour, quoi, où littéralement des gens se sont fait sniper de l’autre côté d’un grillage, quoi.
Et donc sur France Inter, on disait…
Sur France Inter, à l’époque, je me rappelle, le truc, c’était…
En fait, ils ont évité le bain de sang.
En fait, c’était ça qui était raconté.
Nous, on avait titré à l’époque « contorsion cynique dans les médias dominants » parce qu’en fait, c’était employer toutes les tournures imaginables pour ne pas parler de ce qui était déjà un massacre aussi en 2018.
Ensuite, je me rappelle Chirina Bouaklé, le traitement de France 2 de ça, mais vous retrouvez aussi les articles sur le site d’Acrimen.
Il faut voir comment France 2 et le 20h de France 2 a traité ça.
C’est mais indigent.
Indigent.
France 2, je me rappelle plus quelle séquence où on avait étudié un nombre incalculable de reportages.
Il n’y avait pas le mot « colonisation » une seule fois qui était présent dans ces reportages.
Donc voilà, ça ne date pas de la même manière que ce traitement-là ne sort pas de nulle part.
la médiocrité de l’information internationale, elle hérite de la médiocrité de l’information internationale avant le 7 octobre.
Et c’est ce que je disais.
Ils ont abdiqué sur l’information.
Quand je disais « désertion intellectuelle », « désertion professionnelle », etc., il faut vraiment entendre ces mots pour ce qu’ils sont.
On ne pense plus cette région.
On n’y envoie plus de journalistes.
En fait, on s’en fout.
On s’en fout.
Jean Stern, il disait, quand il y a un reporter de terrain ou un correspondant qui va voir les rédactions en chef et qui dit « Regardez, c’est horrible ce qu’il se passe à Napou, c’est horrible ce qu’il se passe à Jenin », en fait, la réponse qu’ils ont, ces correspondants, c’est « Ouais, mais on sait, en fait, on sait ce qu’il se passe ».
Et il disait, en fait, qu’ils ne savent pas ce qu’il se passe parce qu’ils n’y ont jamais foutu les pieds et qu’ils ne savent pas ce qu’il se passe, simplement.
Et il nous disait, ils ont…
établit que l’histoire s’était un peu arrêtée.
En gros, c’est la normalité, quoi.
Des palestiniens se font tuer, c’est la normalité.
Ça ne vaut pas une information, quoi.
Donc voilà.
Je pense pas que c’était mieux avant.
Je pense qu’avant, il y avait tous les ferments aussi de ce qu’il explique maintenant.
Mais bon, c’était peut-être moins pire et puis il n’y avait pas quand même les expressions éhontées qu’on a vu et qui reste tout le temps sans conséquence.
Je veux dire Céline Pina qui peut dire que les enfants de…
Je pourrais même plus retrouver toutes les citations, il faudrait retrouver mais des choses horribles qui sont dites et qui restent tout le temps sans conséquence.
Caroline Forest qui dit qu’on peut diviser au bout de 4 mois, qui dit qu’il faut diviser les morts par 5 ou par 10.
Enthoven qui dit qu’on ne peut pas mettre sur le même plan.
parce qu’ils sont tués par des bombardements.
Enfin, toutes les saloperies, excusez-moi du terme, mais qu’on a entendues, réentendues, réentendues, réentendues, sans que ce soit épinglé, sans qu’on demande à ces commentateurs de compte, sans qu’ils aient à se justifier jamais de ces propos, jamais.
Caroline Fourest, en fait, elle fait sa carrière là-dessus.
C’est comme Zemmour, je veux dire.
Le racisme n’a jamais été un frein, mais plutôt un levier de promotion, quand même.
Je veux dire, Zemmour, il ne s’est pas réveillé raciste au moment où il s’est introduit dans le champ politique.
C’est Hugo Paletta qui documentait encore ça très bien, qui disait ces bouquins qui transpiraient le sexisme, le racisme, qui l’explicitaient, etc.
Ils étaient déjà sur la table, tout était là avant qu’il soit le chroniqueur employé le plus longtemps, par exemple, à l’antenne de France 2 chez Ruquier.
Et donc le racisme, le sexisme, ça n’a jamais constitué un frein.
C’est un levier de promotion, y compris dans les médias.
D’ailleurs, il y a quand même quelque chose sur la question de l’antisémitisme.
au niveau de son instrumentalisation, qui n’est jamais débattue.
Parce qu’il y a une hypersensibilité sur la question du racisme, c’est pas ça le problème.
Tant mieux !
Le problème, il est quand, évidemment, c’est des procès d’intention, on va repérer dans la moindre petite phrase où ça n’a aucune réalité matérielle, etc.
Et qu’en parallèle, le racisme n’est absolument pas condamné, et qu’il y a des expressions racistes absolument tous les jours dans les médias, et que ça, ça ne pose absolument aucun problème.
et que ça n’est jamais un sujet médiatique.
Jamais.
Donc là, ça fait beaucoup de mal.
En fait, tout le monde le voit.
Et donc ils ne se rendent pas compte, y compris à quel point ça fait du mal à la lutte contre l’antisémitisme.
C’est quand même fou de ne pas voir ça.
C’est très dur, en fait, je pense, après de continuer à militer.
Ça marche ?
Bon, je remercie beaucoup Pauline.
C’est très touchant quand même, extrêmement touchant.
Et nous, ça nous aide bien quand même pour notre militantisme pour la Palestine.
Je trouve que c’est vraiment une aide très précieuse.
Et je vous incite vraiment à vous abonner à Mediacritic qui nous permet d’avoir un travail tel que celui qu’on a entendu ce soir.
Voilà.
—.
Deuxième annonce.
Encore merci beaucoup, Pauline, pour cette démonstration de très très haut vol.
Donc le 22 mars, samedi prochain, il va y avoir une grande mobilisation contre le racisme et le fascisme.
Donc rendez-vous à 14h30 devant la préfecture, donc samedi 22 mars.
Et évidemment, Limousin Palestine s’inscrit amplement dans cette manifestation.
Quand on voit effectivement le traitement différencié qu’il y a entre ne serait-ce que les prisonniers palestiniens et les otages israéliens, on voit bien que le racisme, effectivement, comme tu en parlais tout à l’heure, est sous-jacent et s’exprime.
Voilà.
Donc 14h30 devant la préfecture, le samedi 22 mars.
— Et encore une annonce.
— Et dans la même suite, pour rappel, mais peut-être que ça vous est pas…
Le 17 mai, il y a une journée antifasciste derrière la mairie.
Le 17 mai, ça commencera en milieu d’après-midi, enfin vers 15h, il me semble, organisée par le CCED.
Je crois que normalement, le Cercle et Limousin Palestine font partie du CCED.
Il y aura des débats avec Ludivine Ventini, Violaine Girard, puis avec Lumi, qui est une vidéaste de Blast, des concerts, de la bouffe, tout ça, le 17 mai.
LE DÉBAT
Une intervention :
Bonsoir ! Je voudrais donner un exemple de ce qui s'est passé ici, à Limoges. Depuis le 7 octobre 2023, toutes les semaines, le collectif Limousin-Palestine fait une action, en général le samedi. Certaines étaient très visuelles. Par exemple 1 000 drapeaux palestiniens ont été plantés sur la place de la République. On a aussi fait « 8 heures pour la Palestine » sur une place de Limoges avec des activités diverses. Il y en a parmi nous qui étaient là, donc ils pourraient en rajouter. On nous a vus une fois à la télé. Et pourquoi ? Parce que nous étions allés faire une manif devant FR3. Devant leurs portes, ils ont bien été obligés de descendre jusqu'à nous. Cette présentation à la télé a été un petit peu orientée, parce que parmi les personnes qu'ils ont interviewées, il y avait des jeunes femmes voilées. Façon de dire : les manifestations pour la Palestine, c'est confessionnel ! La radio est venue peut-être deux fois, sinon rien, alors que toutes les semaines l'info est envoyée à tous les médias. C'est quand même extraordinaire que jusqu'à aujourd'hui, on en soit là. On ne nous voit pas.
Une intervention :
Juste une petite info anecdotique sur les mains rouges : les Serbes qui manifestent actuellement ont utilisé aussi ce symbole pour dénoncer la corruption qui a causé des morts chez eux. Il y a même des gens qui ont sorti des images d'Israël, où les familles qui manifestaient pour les otages avaient fait ce geste pour accuser le gouvernement israélien en disant : « Vous avez du sang sur les mains ! ». Ce que tu as décrit, c'est vraiment une séquence spectaculaire de désinformation de masse.
Une intervention :
Je n'ai pas bien compris, dans votre démonstration, quand vous disiez que ce qui était important, ce n'est pas ce qui est dit, mais qui le dit. En fait, que vouliez-vous dire exactement par là ? Deuxièmement, est-ce que vous diriez, comme Danièle Obono, députée de LFI, que le Hamas est un mouvement de résistance ?
Pauline Perrenot (PP) :
Quand je pointais le doigt sur qui le dit, je parlais du fait que les images, les documents, les vidéos tournées par les Palestiniens n'étaient pas tellement utilisées, ou avec beaucoup de parcimonie, par les rédactions françaises. Mais que par contre, quand c'était une journaliste de CNN qui avait pu entrer à Gaza et y avait tourné des images, là, il n'y a eu aucun problème, aucune appréhension, aucun a priori négatif, pour reprendre ses images. Donc, le problème c'est : qui parle ? Quand ce sont des Palestiniens, il y a toujours une méfiance a priori, une suspicion, qui n'entre pas en ligne de compte, quand ça va être une journaliste de CNN. Les rédactions n'ont pas du tout le même comportement a priori.
Sur votre deuxième question, je vais pas répondre parce que je ne m'exprime pas au nom d'Acrimed. Et là, on dépasse très largement le champ de la critique des médias. Donc je n'ai pas à me prononcer là-dessus.
Une intervention :
Merci pour votre intervention. Avant de m'exprimer, je voulais d'abord condamner l'holocauste du 7 octobre. C'est une petite blague, excusez-moi, parce que dans les médias, il faut toujours expliquer qu'on condamne les massacres du 7 octobre avant de s'exprimer pour se dédouaner de toute chose ! Ma question est de savoir quelle était la part d'influence des médias alternatifs face aux médias dominants ? Parce que là, on a effectivement parlé beaucoup des médias dominants, mais qui ne touchent, je pense, qu’une partie de la population. Est-ce que les médias alternatifs qu'on peut avoir sur Instagram ou sur d'autres réseaux, ont une part d'influence ?
PP :
C'est difficile de répondre à cette question parce que, comme toutes celles qui portent sur des problématiques de réception, c'est compliqué. Quels indicateurs prendre ? À la limite, je peux répondre sur quelles influences ils ont sur les autres médias. Et c'est assez peu, en tout cas de ce qu'on voit de la production des grands médias, des reportages que peuvent produire plein de médias indépendants. En fait, il n'y a pas grand-chose qui est repris par les médias dominants. Prenez, par exemple, un journal en ligne comme Orient XXI, avec sa rédactrice en chef Sarra Grira, et fondé par Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique. Ces personnalités sont connues dans les grands médias. Mais je ne sais même pas si Alain Gresh a été invité à la télévision pour parler d'Orient XXI, pour parler du suivi de ce travail sur le Proche-Orient. Je ne crois pas l'avoir vu une seule fois à la télévision.
C'est comme pour beaucoup de médias indépendants. Il a été parlé de la sortie de son livre, avec de nombreuses réunions publiques localement. D'ailleurs, Jean Stern me disait la même chose quand je l'avais au téléphone. Il fait beaucoup de réunions publiques, où il y a foule à chaque fois, parce qu'il y a une demande très forte, parce qu’il y a une telle pression sur cette question, une telle chape de plomb, que ça mobilise des gens pour assister à ce type de conférences. Mais dans les grands médias, ça ne circule pas. Les analyses d'Orient XXI ne sont pas du tout citées.
Or, votre question était plutôt axée sur les réseaux, type Instagram, plus dirigés vers les plus jeunes, parce que j'ai l'impression qu’ils sont vraiment sensibilisés et ne regardent pas la télé, mais ces médias-là. C'est plus compliqué, parce que s'ils regardent les réseaux, en fait, il y a de la télé sur ces réseaux sociaux. Tous les extraits qui passent, c'est de la télé, des grandes télés. Ils voient du Zemmour, des extraits de CNews, LCI, BFM, France Info. Donc, quand même, ça reste des médias dominants. Il y a un filtre qui passe par la sélection d'extraits. Ils ne regardent pas comme, effectivement, d'autres personnes peuvent le faire en regardant le « 20 heures » de A à Z. Mais ce n'est pas étanche. Réseaux sociaux et grands médias présentent des phénomènes d'interpénétration et d'aller-retour un peu tout le temps. Il est sûr que certains réseaux ont permis d’avoir d'autres sons de cloche. Je pense aux reportages sur la Palestine de Blast. C'est les vidéos. La première qu'Acrimed a faite, en partenariat avec Blast, c'était sur la Palestine : un million de vues sur YouTube.
Du point de vue d'Acrimed, c'est complètement sidérant. Un article qui marche bien sur notre site, c'est 100 000 vues. Il est donc évident que ces plateformes-là ont permis, à un moment, qu'il y ait des propos qui viennent, non pas contester l'hégémonie du discours dominant, mais craqueler un peu le récit officiel. C'est par là aussi que se crée le rapport de forces. Sur les réseaux se voient beaucoup d'images tournées par les Palestiniens eux-mêmes. Des images absentes de la télévision française. C'est un lieu où se sont jouées beaucoup de choses pour contester l'hégémonie. Sur l'influence réelle que ça a, je ne peux pas répondre : je n'ai pas de données objectives. Donc ce n'est pas satisfaisant.
Sur la carte des médias français affichée là, ou dans celle de Médiapart autour de Mediacrash, tout ça fait un bruit bizarre. La concentration médiatique est particulièrement forte ici. En France, avec le passé colonial, cette propagande-là reste plus forte qu'ailleurs, avec peut-être moins de voix dissonantes encore, c'est ce que je voulais savoir.
Du coup, le corollaire n’est-il pas qu'il existait là aussi, pendant la longue période où les médias merdaient, au moins une autre forme d'information, notamment l'information militante, la presse militante ? Aujourd'hui, on le voit bien, et ça date probablement d'ailleurs d'avant le 7 octobre, il y a eu une désaffection, une défection même, d'une partie du camp progressiste qui avait été clairement présente sur la lutte anticoloniale - peut-être pas assez, mais elle existait - alors qu'on ne la voit plus ou beaucoup moins. Est-ce que ça ne peut pas être expliqué par le fait que des intellectuels vus à une époque comme dans ce camp-là, ont tourné casaque ? Il y a le 7 octobre, il y a ce qui s'est passé avant, et il y a ce lâchage complet de la question palestinienne par une partie du camp progressiste.
De fait, ça joue sur la perception du débat que peuvent avoir les chefferies médiatiques. Là, il y a un truc très minoritaire dans une large partie de la gauche, je veux dire la FI… Enfin, ça a été quand même très compliqué. Ils étaient cloués au pilori aussi par de nombreuses personnes à gauche.
Pour ce qui est des intellectuels, je ne sais pas vraiment auxquels tu penses, ni s'ils n'existent encore. Le milieu syndical aussi. Mais ce n'est pas beaucoup exprimé, en tout cas médiatiquement. Le fait d'analyser pourquoi on est au-delà de la critique des moyens de communication, force à constater qu'il y a aussi des choses qui ne sont pas passées dans les médias.
Du point de vue de certains universitaires et intellectuels, un grand phénomène d'autocensure a joué. Stéphanie Latte-Abdallah témoigne encore, à la suite de l'affaire Rima Hassan, dans Sud Radio, Arrêt sur image… Ils sont atterrés, mais, au bout d'un moment, ils ne veulent même plus y aller, parce que c'est la porte ouverte pour se faire défoncer. Encore aujourd'hui, c'est hyper-difficile de s'exprimer sur la question palestinienne. Donc il y a beaucoup d'auto-censure, et des gens qui ne veulent plus en parler. Je crois qu’en décembre 2023, on avait traité dans un des articles d'Acrimed d’une lettre ouverte publiée sur Médiapart, d'universitaires qui dénonçaient ce climat à la McCarty, y compris au sein de l'Université. Il n'y a pas beaucoup de voix discordantes, ce qui fait que moi je ne peux pas tellement me prononcer.
Les comparaisons à l'international : alors là, Acrimed n'a pas fait d'études parce que déjà, s'occuper du paysage français, c'est lourd. Des biais ont été pointés : des médias anglophones signalent des humanisations double standard, des invisibilisations. Il y a des références dans les média critiques, tant sur la presse américaine qu’anglaise. En Allemagne (il faudrait en discuter avec le journaliste Olivier Cyran, qui connaît bien le paysage) je crois que c'est pire que tout. En Espagne, (c'est un peu au doigt mouillé, parce qu'on n'a pas fait d'étude) ça a l'air un peu moins chape de plomb qu'en France. Ça fait du bien d'écouter les journaux espagnols. On n'a pas l'impression d'être des fous ou des personnes clouées au pilori. Il y a eu beaucoup d’études faites. Vous en retrouverez les différentes sources. Il faudrait vraiment étudier l'état de la propriété capitalistique ailleurs et comment ça se structure ; c'est compliqué.
Une intervention :
Est-ce qu'il existerait un Acrimed arabe ? Cela permettrait d'avoir en négatif ou en positif, la lecture qui pourrait être faite du conflit avec ses dérives.
PP :
Ah, je ne connais pas, ni en Israël.
Une intervention :
Il y a quand même des papiers sur Al Jazeera, qui est une source complètement décriée par les grands médias. En France, je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler d'Al Jazeera en regardant un média français ? C'est pas si souvent que ça, que c’est évoqué. Et pourtant, les grands médias français reprennent certaines de leurs images, notamment les JT, mais sans le dire. Donc des papiers ont été faits, mais bon, c'est très grand-angle.
Sur les médias israéliens, Sylvain Cypel a écrit dans Orient XXI sur le conflit. Hormis Haaretz, où il y a des textes très bons, il parle des médias israéliens. Et franchement, ça fait vraiment peur ! Notamment la télé. Je ne me rappelle plus dans quel papier il l'évoque, mais le traitement médiatique a été un peu documenté par Sylvain Cypel.
Une intervention :
Qu'est-ce qui justifie, à votre avis, ce déferlement médiatique ? Ou qu'est-ce qui le motive ? Qu'est-ce qui l'explique ?
PP :
J'en ai un peu parlé au début. Il y a plein de facteurs. Tout n'est pas complètement intentionnel. Il y a du suivisme, de la méconnaissance, de l'inculture, de la malveillance... il faut le dire, il y a aussi des trucs intentionnels. Ça, c'est notamment du point de vue des faiseurs d'opinion, des gens qui passent beaucoup à la télé. Voilà, c'est un mix de plein de choses. Quand je vous évoquais les conditions de production de l'information, il ne faut pas du tout sous-estimer ce désert-là : l'absence de journalistes permanents, le fait d'envoyer des gens qui ne connaissent rien, ni la région ni les acteurs, qui ne savent rien. Jean Stern signalait des envoyés spéciaux en Israël, comme s’ils étaient à Épinay-sur-Orge pour couvrir un fait divers... Comment, dans ces conditions, peut-on produire une information correcte ? Comment ne pas juste réécrire bêtement ce qui est écrit partout ailleurs ?
Bourdieu appelait ça « la circulation circulaire de l'information », le mimétisme. Par manque d'investissement, c’est un choix éditorial. Ils font le choix de ne pas vouloir. Par contre, il y en a qui pointeront la contrainte économique. Ils pourraient se dire : « Là, on met le paquet, on va reconstituer un bureau dans la région et l'y laisser pendant quatre ans »… Ils ne le font pas, parce qu'il n'y a pas non plus de volonté de documenter cette région. Voilà le cadrage global : c'est ce qu'on disait au début, ils ont aussi adhéré consciemment ou non au récit dominant. C'est un mix de plein de choses.
Une anecdote : quand je faisais l'article sur la Cisjordanie, pour montrer que ça avait été complètement sous-documenté sur toute l'année 2024, à un moment je regardais une émission de BFM et c'était hyper-révélateur. C’était sur les bombardements à Jenine. Le présentateur dit : « Bonjour Trucmuche (en parlant à sa correspondante) on vous retrouve sur place, vous êtes à Tel Aviv »... Mais Tel Aviv n'est pas en Cisjordanie. C'est à 100 km de Jenine… Mais la correspondante, en l'occurrence, est à Tel Aviv. Probablement qu'elle n'aura jamais foutu un pied en Cisjordanie. Et certainement pas à Jenine à partir de la mi-janvier ! Son reportage, ensuite, est complètement désincarné. Elle répète. Elle lit presque le communiqué de l'armée israélienne parce qu'en l'occurrence, c'est la source la plus accessible sur place. Pour cette journaliste, ce n’est pas intentionnel, c'est juste comme ça, c'est des réflexes, des routines professionnelles qui ne sont pas du tout interrogées.
Une intervention :
Alors qu'en Cisjordanie, ils ont accès, contrairement à Gaza.
PP :
En Cisjordanie, ils ont accès. Mais pour autant, ils n'y vont pas beaucoup. Jean Stern nous disait que, quand il a été à Naplouse pour son reportage publié en janvier 2025, c'était la première fois que ses interlocuteurs voyaient un journaliste international depuis un an.
Une intervention :
Je fais un constat à travers ce que tu as présenté. Je pense qu'un des points centraux, qui n'apparaît pas du tout, donc qui va dans le sens de ce que tu as dit, c'est que la question de la colonisation reste quand même la question fondamentale, avec les méthodes qui sont liées à la colonisation, l'humiliation, la prise des terres et de tout ce qu'on peut imaginer. C’est à mon avis une question de fond à débattre, même dans ces médias dominants, parce qu'on pourrait se dire peut-être qu'ils la poseraient pour dire que ça n'en est pas une. Mais on ne l'entend pas. C'est un peu aussi ce que dit, je crois, Alain Gresch dans Orient XXI.
PP :
Ouais, mais en fait, non. Ils vont parler des colons en Cisjordanie. Mais la question coloniale, fondamentalement, n'est pas pensée. Et du coup, la décolonisation non plus, ne peut pas se poser. Il n'y a pas de débat de fond là-dessus dans les grands médias. Nous en discutions dans le dernier Média Critique. Avec un long entretien d’une militante de BDS et avec une chercheuse qui était étudiante à Sciences Po et membre du comité Palestine. Elle disait que ce n'est pas possible de penser la question décoloniale. On ne peut pas en débattre. Ça fait partie des trucs tabous… Je n'ai pas tellement d'exemples de discussions sur ça, dans les médias. Donc c'est un angle mort où est squeezé le cœur de la question palestinienne. On passe complètement à côté de tout. Parfois, vous allez assister à des discussions, où des éditorialistes hyper-inspirés vont vous dire « Deux États, patati, patata... » Concrètement, ça veut dire quoi, deux États dans les conditions où se trouve la Cisjordanie ? Afin de souligner à quel point ce n'est pas pensé : pour beaucoup de journalistes, Gaza n'était pas un territoire occupé ! Je me rappelle très bien d'un duplex avec Ziad Medoukh, professeur de français à Gaza, littéralement sous les bombes, qui se fait couper la parole. Il se fait jeter du direct par le présentateur de BFM, Maxime Switek, qui lui dit : « Non mais, vous parlez d'occupation, mais en fait, les Israéliens sont partis de Gaza en 2005. » Et il le coupe ! Il le jette de l'antenne, sur la base d'une erreur… Puisque pour lui, Gaza n'est pas un territoire occupé, alors qu’il est considéré comme tel par le droit international. Mais ça, ce n'est jamais rappelé dans les grands médias...
[Plusieurs questions dans la salle] Parce que le blocus maritime, aérien, terrestre, force à considérer Gaza comme un territoire occupé, en droit international.
Une intervention :
Tout ce que tu as dit sur comment les médias travaillent ou ne travaillent pas sur cette question-là aujourd'hui, ainsi que les réactions des intellectuels, ça m'a fait penser à quand il y a des émeutes en banlieue chez nous, ou à l'occasion du mouvement des Gilets Jaunes : c'étaient des fascistes, eux aussi ! Ce traitement médiatique-là, j'ai l'impression que ce sont les mêmes mécanismes à chaque fois. Les intellectuels s'engouffrent là-dedans pour clouer au pilori les gens qui s'insurgent. Je trouve que c'est la même chose. C'est comme s'il y avait finalement un refus de se creuser la tête, de réfléchir : C'est quoi la situation ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que veulent dire les gens ? etc.
PP :
C'est ça. Au début, on était cloué au pilori. Pourtant, rappeler le contexte n'est pas excuser. C'est juste réfléchir ! Pourquoi pas ? Ça peut pas faire de mal. Mais effectivement, Acrimed a aussi beaucoup documenté au moment des révoltes dans les quartiers, au moment de la mort de Nahel. Là, ça a été un emballement tout de suite, avec des appels à la répression permanente.
Ça s’appelle « le journalisme de préfecture ». Une fonction symbolique de maintien de l'ordre qu'ont les médias. On le documente, depuis lors. Il y a des cadrages qui sont imposés dans ce journalisme de préfecture. Ça travaille la sphère journalistique depuis quarante ans. Dans le bouquin Les Médias contre la gauche se trouve tout un développement là-dessus. Nicole Ovalde, sociologue, a beaucoup travaillé cette question. Elle parle de comment ça se réoriente d'un cadrage social à un cadrage complètement sécuritaire. Il n'est plus possible d'interroger, par exemple, le malaise social des banlieues, qui va être complètement supplanté par un truc sécuritaire. Une approche répressive. Il n'y a plus que ce cadrage-là qui soit acceptable dans les médias. Pour faire valoir des éléments de contexte, des interrogations sociales, y compris des choses qui voudraient un peu tempérer les ardeurs punitives permanentes et répressives, il devient extrêmement compliqué de s'exprimer. Par exemple LFI et Mélenchon, qui refusaient d'appeler au calme à ce moment-là. Sur toutes les antennes, il a été cloué au pilori. C’était inacceptable !
Il y a toujours le périmètre acceptable, ce qui peut être dit, et ce qui ne peut pas l’être, dans quels termes ça peut être dit, et dans quels termes ça ne peut pas l’être, quels interlocuteurs sont légitimes, et quels autres non. Oui, c'est toujours les mêmes mécanismes qui entrent en jeu. Ce qui oblige à envisager la question des médias comme une question structurelle et à faire des propositions pour que ça change : ça ne viendra pas de petits aménagements sur un coin de table en parlant de la déontologie journalistique. C'est beaucoup plus profond que ça. Il y a du pain sur la planche.
Une intervention :
Dans le cadre de ce traitement médiatique ou plus généralement, est-ce qu'on peut classer les journalistes en trois catégories ? Les ambitieux, les peureux et les sionistes ?
PP :
Oui, ça serait intéressant, d’analyser ce qui s'est passé. En fait, il y a eu des communiqués d'étudiants en journalisme qui sont parus, y compris assez tôt, pour dénoncer ce qui avait été relayé sur le site d'Acrimed, et qui dénonçaient le deux-poids-deux-mesures, l'invisibilisation de Gaza, le traitement par les grandes rédactions. Voilà qui donne des motifs d'espoir : un exercice un peu plus réflexif aussi sur un sujet qui ne s'y prête pas du tout, vu le contexte. Ce sont des signaux plutôt positifs, dans des grandes écoles, je me rappelle plus si c'était au CFJ, ou une autre école de journalisme.
Il y a aussi l'AJAR, l'Association des journalistes antiracistes et racisés, qui a produit beaucoup de communiqués et qui travaille vraiment sur la question, avec des journalistes de plein de médias, web, presse écrite, télé et tout. Ils se sont constitués en collectif il y a à peine deux ans. Ils ont fait paraître des trucs de poids, même si c'est minoritaire. Ça joue aussi dans les rapports de forces à l'intérieur des rédactions. Ces gens existent. « Pas en notre nom », aussi. Il serait intéressant de savoir plus en détail ce qui va se raconter dans les écoles de journalisme, les leçons qui seront tirées de cette séquence hallucinante.
Une intervention :
Merci pour votre exposé ! Cette séquence de la prise en compte journalistique, informationnelle de l'événement à partir du 7 octobre autour de la question palestinienne est-elle révélatrice d’un virage dans la liberté d'expression, les capacités d'indépendance des journalistes et des médias, du système médiatique ? Est-ce qu'aujourd'hui, on serait pas dans une période de recul grave ? La question palestinienne, celle de la libération de ce peuple, autrefois, étaient vraiment mieux perçues, mieux considérées, médiatiquement et dans l'opinion, mieux traitées et mieux connues qu'aujourd'hui.
PP :
Vous me demandez si c'était mieux avant ?
Une intervention :
Oui. La question du colonialisme, de l'apartheid, etc. On parle de génocide aujourd'hui, ce qu'on n'osait pas dire avant, ou ce qui n'apparaissait pas comme tel, ce qui n'était pas conçu comme tel, alors qu'aujourd'hui, même si ça fait scandale, c'est dit.
PP :
Alors, sur ce que ça cristallise, oui, je pense. Dès décembre 2023, je m'en rappelle, à Acrimed, on avait fait tout un papier sur l'ambiance maccarthyste, en disant que la séquence avait déjà profondément reconfiguré le champ politique français et qu'elle allait laisser des traces indélébiles. Je pense qu'on pourrait sans mal persister et signer. On a passé beaucoup de caps. On ne mesure pas encore tous les séismes. Franchement, ça va laisser des traces, sur plein de plans différents.Sur celui de la liberté d'expression, vu tout ce que je viens d'évoquer, oui, c'est sûr qu'il y a une chape de plomb qui continue encore aujourd'hui à peser. Est-ce que c'était mieux avant ? Je suis passée vite.
Le récit n'a pas été tout le temps caricatural. La question coloniale n’a jamais pu vraiment être pensée de manière fine. C'était moins caricatural que post-7 octobre dans les médias, parce que ça a été le cataclysme. Je pense qu'Alain Gresh en parlerait beaucoup mieux. Il insiste beaucoup sur le positionnement du gouvernement français, qui n'a pas tout le temps été exactement celui qu’on croit. Il y a eu des évolutions au fil du temps. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation que je décrivais tout à l'heure. Donc quelque part, c'est encore pire. Depuis qu'il y a des articles sur le site d'Acrimed à propos de la question palestinienne, nous parlons d'une information complètement mutilée.
Les cadrages, au départ, c'était l'article un peu fondateur du syndrome Tom & Jerry : une présentation médiatique des faits où on est dans un conflit, où il y a deux ennemis qui se courent après depuis la nuit des temps, et on ne sait pas vraiment pourquoi. Puis, ils se tapent dessus, mais on ne sait toujours pas pourquoi. Donc, au cœur il faut dépolitiser. Ce sont les articles faits en 2014. Acrimed a retrouvé les mêmes biais. Je ne sais plus quand on avait fait le traitement de la Marche du retour. Il faut réécouter ce qui se disait à l'époque, où littéralement des gens se sont fait sniper de l'autre côté d'un grillage. Sur France Inter, à l'époque, c'était : ils ont évité le bain de sang. Nous avions titré à l'époque « Contorsion cynique dans les médias dominants » parce qu'étaient employées toutes les tournures imaginables pour ne pas parler de ce qui était déjà un massacre en 2018.
Ensuite, je me rappelle Shirine Boukli et le traitement de France 2 que vous trouverez sur le site d'Acrimed. Il faut voir comment France 2 dans son « 20 heures » a traité ça. De façon indigente. Nous avions étudié un nombre incalculable de reportages. Il n'y avait pas une seule fois le mot « colonisation » ! Un traitement qui sort de nulle part. La médiocrité de l'information nationale hérite de la médiocrité de celle internationale d’avant le 7 octobre.
Ils ont abdiqué sur l'information. Quand je disais « désertion intellectuelle », « désertion professionnelle », il faut vraiment entendre ces mots pour ce qu'ils sont. On ne pense plus cette région. On n'y envoie plus de journalistes. En fait, on s'en fout. Jean Stern disait, quand il y a un reporter de terrain ou un correspondant qui va voir la rédaction en chef et qui dit : « Regardez, c'est horrible ce qui se passe à Naplouse, c'est horrible ce qui se passe à Jenine ! », la réponse est : « Ouais, mais on sait, en fait, on sait ce qui se passe. » Mais ils n'y ont jamais foutu les pieds et ils ne savent tout simplement pas ce qui s'y passe ! Ils ont établi que l'histoire s'était arrêtée. En gros, c'est la normalité. Des Palestiniens se font tuer, c'est la normale. Ça ne vaut pas une information, quoi.
Je ne pense donc pas que c'était mieux avant. Il y avait tous les ferments de ce qui s’explique maintenant. Mais bon, c'était peut-être moins pire, et puis il n'y avait pas quand même les expressions éhontées d’aujourd’hui, qui restent tout le temps sans conséquence. Céline Pina ou Caroline Fourest peuvent dire qu’il faut diviser les morts d’enfants par cinq ou dix... Sans que ces horreurs soient relevées. Enthoven dit qu'on ne peut pas mettre sur le même plan ceux qu'ils ont tués par des bombardements israéliens et les braves soldats... Toutes les saloperies, excusez-moi du terme, qu'on a entendues, réentendues, en boucle, sans que ce soit épinglé, sans qu'on demande à ces commentateurs des comptes, sans qu'ils aient à se justifier de leurs propos, jamais !
Caroline Fourest fait sa carrière là-dessus. C'est comme Zemmour. Le racisme n'a jamais été un frein, mais plutôt un levier de promotion. Zemmour ne s'est pas réveillé raciste à partir du moment où il s'est introduit dans le champ politique. Ugo Palheta a documenté ça très bien, en disant que ses bouquins transpiraient le sexisme, le racisme, qu’ils l'explicitaient. Tout était déjà sur la table, avant même qu'il soit le chroniqueur employé le plus longtemps à l'antenne de France 2 chez Ruquier. Le racisme, le sexisme n'ont jamais constitué un frein. Plutôt un levier de promotion, y compris dans les médias.
Il y a quand même quelque chose sur la question de l'antisémitisme, de son instrumentalisation, qui n'est jamais débattu. L’hypersensibilité sur la question du racisme n'est pas le problème. Il apparaît lors des procès d'intention. La moindre petite phrase n'a aucune réalité matérielle. En parallèle, les expressions racistes ne sont absolument pas condamnées. Elles fleurissent tous les jours dans les médias, sans que ça pose le moindre problème. Ce n'est jamais un sujet