Thrène des temps barbares

Thrène des temps barbares

Épopée funèbre du VIIè siècle en douze chants de 40 000 vers hexamètres en dialecte grec dorien. Nous n’avons traduit ici que les plus beaux passages de l’exorde : les traditionnels Adieux des Héros à la Lumière. C’est, comme l’Iliade, d’un rythme somptueux et d’une violence farouche, mais d’une grande vérité humaine. Et c’est encore plus beau en grec ! (cela dit à l’intention des petits esprits, qui pourraient trouver nos vers médiocres).

« Muses de l’Hélicon, ô filles du grand Zeus, Je veux chanter ici ce qu’il advint à ceusses Qui croisèrent Makhrôn, le fourbe aux mille ruses, Aux Champs Élyséens ! Je veux chanter, ô Muses ! Car la guerre est finie, et le temps des héros Bien passé… Où es-tu, Phyhiôn aux Noirs Sourcils ? Dans le sinistre Hadès, hélas ! Pauvre imbécil’ ! La chaste Pénélope sanglote, le cœur gros. Où es-tu, Rhepsamène ? Et toi, Khambadélis ? Hélas ! Hélas ! Hélas ! Car vous bouffez les pis- -senlits par la racine, et le lugubre Hadès Accueille ta dépouille, ô héros du Péhès ! Dans cette ombre blafarde, où es-tu donc, Khopé ? Où sont tous tes amis et ceux de l’Huhempè ? Hélas ! La sombre Parque a fermé leurs paupières ! Déjà leur sang séché noircit dans la poussière. Ils ne percevront plus la Lumière du jour, Aurore aux Doigts de Rose, Apollon de l’été, Soir lumineux propice aux douceurs de l’Amour, Hélas ! Ni leurs indemnités de députés ! [… …] Adieu, indemnités ! Adieu, char de fonction ! Plateaux télé, adieu ! Adieu, invitations ! Regards énamourés des jeunes journalistes, Sourires des huissiers, courbettes des artistes, Subventions qu’on dispense souverainement, Disposant sans appel de la vie ou la mort Des associations… Gratuité des transports, Petits fours, fonds secrets, chauffeur, appartement, Voyages à Papeete ou bien en Françafrique, Peuplades acclamant en vous la République, Colliers de fleurs, bravos, vahinés, embrassades, Tutoiement des peoples, sacs de riz, ambassades ! Quelle gloire ce fut ! Ou, plaisirs plus discrets : Celui de roupiller sous des lambris dorés, Péter dans la soie du mobilier national, Feindre de travailler, et lire son journal… Et ces menus plaisirs : cigares du Sénat, Attachées attachantes, buvette à l’Assemblée… Hélas ! Adieu, prestige ! Adieu, assistanat (Ô vous qui dénonciez en autrui l’assisté) ! Hélas ! Vous êtes morts ! Votre gloire ainsi passe. La Parque impitoyable a brisé vos carrières (Nous y trouverons votre poussière et la trace De vos vertus). La Vie est une coupe amère. La République en march’ marche sur vos cadavres ! Makhrôn, couvert de sang, caresse la Victoire. Il a rempli vos veuves, et vos crânes pour boire, Il traite vos amis comme de vils esclavres ! * (*) licence dorienne. Honte ! Derrière un char Kholôn est enchaîné, Malgré lui dans le camp du vainqueur entraîné ! Honte ! Écoutez pleurer les héros survivants ! Égorgé sur l’autel de Zeus, Baïrhou criant  [… …] Vous êtes morts, mais d’autres après vous viendront. Écoutez sur la plaine un vaste brouhaha, L’airain retentissant sur les chars de combat, Et les cris de fureur de Stentor Mélenchôn ! Écoutez (ou sentez) ce qui vient du côté De la droite, là-bas, dans ces puants marais Où l’on dit que jadis l’Hydre engrossa la Hyène : Ce dont elle accoucha, ça s’appelle Leupène. Mais pour l’heure Makhrôn accueille ses guerriers ; L’heure est à la Victoire, un peu de temps encor. Il distribue à tous les maroquins et l’or Ramassés sur les corps des héros sacrifiés.

La Société civile est enfin au Pouvoir : Doux éphèbes naïfs, grandis loin des affaires ! A eux de savourer à leur tour la Lumière Des caméras ! A eux, la puissance et la gloire ! Gloire de pourchasser sans pitié le migrant, De tabasser le pauvre et d’encenser le riche, De piller le prolot, et, Cerbères des niches Fiscales, d’aboyer quand on touche à l’Argent ! A eux de lécher cul des vrais maîtres du monde, A eux de passer des marchés publics complices Avec les bétonniers, les labos, les immondes Marchands d’armes, banquiers, et chefs de la police ! [… …] ’’Le vieux monde est fini’’, a prétendu Makhrôn… Mais les Dieux sont cruels, et toujours le Destin Rejoue la même farce avec d’autres pantins. … Muses de l’Hélicon, pon pon pon, pon pon pon ! »

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