Boris Vian, déserteur des idées toutes faites

Spectacle et débat
avec Les Ex-Agacés
pour une lecture musicale
En collaboration avec « La vache qui lit »

Présentation de la soirée

E-X Vian (1920 – 1959)

Retour sur le 11 février 2012, à Limoges, où les EX-agacés ont mené une brillante enquête musicale et théâtrale sur Boris Vian. Un petit tour au Collège s’est imposé pour aborder le débat sur ce déserteur des idées toutes faites.

Sur un tableau, notre intervenant, René Burget (délégué de l’Union Pacifiste de France auprès de l’Internationale des résistants à

la guerre) a tracé la formule :

E5X24=20

distance de Sirius au soleil :

8,55 Années Lumière

1 AL = 9,435*1015m

Leçons

1° leçon

De  » E  » (si banale 5e lettre de l’alphabet) à  » X  » (si sympathique 24ème lettre, symbole de l’inconnue et du sexe), l’écart est de 20. Afin de mesurer le détachement par rapport à l’agacement, il est possible de procéder par approximations itératives.

L’essentiel est d’arriver au point de vue de Sirius. Cette étoile de la constellation du Chien, véritable phare cosmique, est connue de toutes les civilisations non-guéantes [barbarisme : essayer avec gluantes, votantes ?]. Sachant que Sirius représente la canicule, puisque du 22 juillet au 23 août elle se lève et se couche pour nous en même temps que le soleil, il faut considérer qu’elle brille autant parce qu’elle se trouve à seulement 8,55 années-lumière (a.l.) du soleil.

Rappel : l’a.l. est égale à 9,435 x 1015mètres.

Conclusion, la distance entre la terre et Sirius est plus grande que celle entre  » E  » et  » X « , sauf, bien entendu, si nous pondérons l’intervalle entre les lettres par une méthode à La Vache Qui…1 ou par une gidouille du cercle Gramsci2, organisateurs de cette soirée.

2° leçon

Quel est le nombre de facettes dans le génie créateur de Boris Vian ?

Réponse intuitive : il y en a autant que de lectrices et lecteurs, car il est si distrait et élégant que tout le monde y trouve chaussure à son pied (sauf ceux qui cassent les pieds des vers, bien entendu).

3° leçon

Vian était un libertaire engagé, cela gène énormément ses encenseurs post mortem et cet aspect est presque toujours occulté. Le Traité du civisme, ouvrage inachevé de 1954 publié en 1979 (par Christian Bourgois) et en 1996 (par Le livre de Poche) grâce aux pertinents commentaires de Guy Laforêt, est épuisé depuis plusieurs années. Il y a pourtant à glaner dans ce livre responsable, allergique à tous les préjugés et introduisant un bouillonnement spirituel inhabituel en politique.

Le civisme purgé du patrouillotisme par Vian, au-delà d’un triple  » A  » cerclé d’anarchie, cote aussi d’un triple  » I  » (ironie, irrévérence et imagination) ! Pour boucler la démonstration avec la première leçon, l’écart entre  » A  » et  » I  » est égal à 19 lettres.

Descente de pistes sur

l’actualité de Vian,

en slalomant pour un meilleur décalage des sons

L’exposition en hommage à Boris Vian, qui s’est tenue à la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, est close depuis le 15 janvier 2012. Elle a pu être organisée grâce aux documents légués par Ursula Vian-Kübler (née le 6 septembre 1928, décédée le 18 janvier 2010). À noter qu’elle avait signé en 1973 le manifeste des 343 salopes. Elle s’était retirée dans le village le plus ensoleillé de France, à Eus, dans le canton de Prades – Pyrénées orientales – où se trouve la Fond’action Boris Vian depuis 1992.

L’exposition de la BN3, bien-pensante, documentée, conformiste et institutionnelle reste émouvante grâce aux images, la voix et surtout les manuscrits de Boris Vian. Elle n’évoque que marginalement sa révolte devant l’exploitation et la violence, voire qu’en filigrane son idéal subversif de paix et de liberté pour partager civiquement du bonheur.

Pour la couleur limousine, à signaler qu’il n’y est fait aucune allusion à son ami René Rougerie, poète surréaliste, qui lui avait fait la fête à Mortemart4, où il éditait, de 1948 à sa mort le 12 mars 2010, des livres à lire lentement, tendrement et détendu (ils ont pu donner le sourire à celles et ceux qui en ont trouvé à la BFM).

Introuvable aussi dans l’exposition l’objecteur fiscal qui avait écrit la Con-plainte des Con-tribuables : l’impôt sert à entretenir l’armée, la police, la politicaille, et à faire la guerre. Où se trouve l’intérêt du citoyen dans tout cela ? Il a du être oublié. Supprimons donc l’armée, ça rétablira l’équilibre !

Bizarre, le collège de ‘Pataphysique où il entre le 8 juin 1952, est un peu mieux abordé. Cette confrérie, aussi difficile à comprendre que le cercle Gramsci, avait été fondée le 29 décembre 1948 par quelques joyeux érudits en hommage à Alfred Jarry : ils ne se satisfaisaient pas des engagements stalino-humanistes ou des épurations patriotiques. La ‘Pataphysique est la science des solutions imaginaires. Elle fonde l’approche littéraire de Boris Vian : il est capable de dire des choses novatrices et intelligentes sur n’importe quel sujet.

Capitale, pour le déserteur Vian, la poésie nourrit le monde. Cet homme de lettres, de Vermot, de maux et de  » l’être  » a beaucoup travaillé le langage5. Cela lui a donné un courage inoxydable, trempé dans ses problèmes de cœur trop gros : son aorte a une malformation et il se sait condamné à mourir d’une attaque cardiaque. Comme il a frôlé la camarde à plusieurs reprises, il confie que l’enthousiasme, la passion et la joie font reculer la mort.

3 = 1 / Indou ?

Cet anarchiste individualiste n’a peur de rien. Ursula le catalogue comme un doux libertaire, une conscience insoumise. Il est rebelle aux engagements dans les partis politiques : ces chapelles et leurs appareils ne peuvent que nuire à celles et ceux qui cherchent à alléger les souffrances humaines.

Il examine toujours la meilleure façon de contourner les systèmes, de diffuser d’autres interprétations du réel et de l’histoire que celles des marxismes, stalinismes, existentialismes, conservatismes, sectarismes et autres œcuménismes, racoleurs, urneurs et partisans6.

Cette attitude de dilettante non suiviste nécessite beaucoup de labeur, de lucidité et d’esprit critique : ses idées émancipatrices portent sur le travail (deux heures par jour lui paraissent un maximum, ce qui est corroboré de nos jours par les ergothérapeutes), la liberté (comme pour Bakounine : plus les autres sont libres, plus je le suis aussi), les femmes (pas de racisme machiste mais une profonde et respectueuse égalité, parfois exprimée au deuxième degré), la vie parlementaire (sa morale mathématique s’oppose au chèque en blanc électoral), etc.

2=3 / Un surgé ?

Son insurrection permanente et solitaire devient au fil des ans de plus en plus rageuse, utopique (au meilleur sens du mot) et radicale. Toute son œuvre brille d’aphorismes tranchants et d’un anarchisme pur et dur.

Devenir un citoyen responsable, dit-il, c’est d’abord lutter contre la guerre : à force de la préparer, sûr qu’elle va nous tomber sur la gueule, comme une bombe atomique !

Depuis 1939, Boris a fait le tour complet de la connerie militariste. Le racisme (pour pouvoir tuer un humain, il faut parvenir à l’assimiler à un animal), l’occupation allemande et le nazisme (qu’il trompe à grand coup de trompette, de jazz négro-américain, de surprises parties et de flirts) ; l’assassinat de son père par de faux-vrais FFI tentant de piller la villa de Ville d’Avray (22 novembre 1944) ; les absurdes guerres de Corée, d’Indochine et d’Algérie, tout concourt à en faire un révolté à 100 % pro-civil. (terme de Boris Vian)

Les rapports de forces, le port des armes et le patriotisme (la seule religion qui exige encore des sacrifices humains), tout est à jeter dans le même sac poubelle avec les hommes politiques, les juges, les curés et les généraux.

Ce manichéisme salvateur lui a servi de boussole tout au long de sa vie. Équarisseur de première classe au collège de ‘Pataphysique, il est entouré d’autres réfractaires à la guerre : Raymond Queneau, Jean Dubuffet, Marcel Duchamp, Jacques Prévert, Eugène Ionesco, René Clair, Pascal Pia, Max Ernst, Miró, François Caradec, Noël Arnaud, tous sont des inconditionnels du Goûter des généraux, car c’est un véritable mode d’emploi pour l’anéantissement du militarisme.

D’ailleurs, son ami le pacifiste intégral Yves Gibeau (auteur d’Allons z’enfants) ne lui sert-il pas de conseiller pour raviver sa colère contre les gâteux de la chanson ? En écrivant, chantant et faisant interpréter plus de 400 petites bombes, Boris atteint la quintessence de la responsabilité politique.

3=1 / Un pacifiste !

Pas un jeune du contingent pour la guerre : si les politiques ne veulent pas éviter les conflits sanglants, qu’ils aillent donc se faire massacrer avec les professionnels du crime !

Marcel Mouloudji, autre pacifiste intégral, a convaincu Boris de changer le dernier couplet du Déserteur, chanson longtemps interdite.  » Si vous me poursuivez / Prévenez vos gendarmes / Que j’emporte des armes/ Et que je sais tirer  » devient avec plus de logique :  » Que je n’aurai pas d’armes / Et qu’ils pourront tirer.  »

En 1954, à la demande de l’acteur Michel de Ré (petit-fils du maréchal Gallieni) il compose des chansons émouvantes pour un spectacle sur La Bande à Bonnot, qui se jouera dans un minuscule théâtre de la rue Champollion (Paris Ve).

Enfin La Java des bombes atomiques (générique de l’émission pacifiste du jeudi sur Radio libertaire depuis trente ans) conte l’histoire d’un fameux bricoleur qui désintègre tous les chefs d’État d’un seul coup. Le Canard Enchaîné a publié cette java-là en  » une « , Georges Brassens en a redemandé, Léo Ferré buvait du petit lait en l’écoutant et Serge Gainsbourg entrait en transes.

Savoir vivre c’est aussi savoir rire : son pote Henri Salvador (qui a mal tourné en soutenant Sarkozy en 2007), sera son poumon de secours en répandant l’optimisme autour de lui. Ultime leçon d’un Boris Vian décontracté : ne jamais désespérer !

En guise de conclusion provisoire, une de ses phrases :  » On a le droit d’exciter les gens à se tuer, en Indochine ou ailleurs, mais pas de les encourager à faire l’amour.  »

Le débat

Francis juchereau (face au silence du public) :

L’esprit de Boris Vian n’est pas dans la salle ? Tout le monde est sidéré ?

René Burget : Boris Vian est toujours là, il ne peut pas crever (il l’a bien dit). On ne l’a jamais vu avec une urne (même funéraire) et ce n’était vraiment pas sa tasse de thé, ce genre de civisme-là. Quand il a fait intervenir Jules Dupont, officier de réserve, auteur supposé du Traité de civisme, il précisait qu’à l’armée on ne peut pas penser : ce n’est qu’en dehors qu’on peut réfléchir et donc remettre les choses à leur place. Et ça, c’est une constante chez Boris.

Un intervenant :

J’avais entendu dire que Boris Vian dormait très peu parce qu’il savait qu’il allait mourir jeune et il se disait que comme ça il vivrait plus que les autres.

R.B : C’est plus simple que ça ; comme il était cardiaque, au bout d’un moment il est devenu insomniaque. Ce n’est même pas pataphysique. Par contre il y a une chose que j’ai trouvée en allant butiner dans l’œuvre de Boris Vian, c’est après l’assassinat de son père il avait toujours un pistolet Herstal, un pistolet allemand qu’il avait dû récupérer pendant la guerre, et il l’a gardé très longtemps. Je pense que ça faisait partie de son côté  » Je veux mourir proprement « . On ne le trouve pas dans la Fond’action Boris Vian à Uses.

Un intervenant :

Je vais faire le petit canard, rouge. Boris Vian était tout jeune homme quand la deuxième guerre mondiale s’est déclenchée, la barbarie nazie a déferlé sur l’Europe et il faisait partie de cette jeunesse dorée qui ne s’était pas engagée dans cette affaire, d’une manière ou d’une autre, pas forcément avec des armes, mais en terme de résistance, sous toutes ces formes. Donc ça c’est une de mes questions : ce côté de mettre par-dessus tout l’individu et de se servir de la paix comme un argument pour dire  » On n’a pas utilisé les mêmes outils, les mêmes armes que ceux qui détruisent l’humanité parce que par là on hériterait de leur manière de faire « .

Le deuxième point c’est son côté décapant, subversif, mais il a eu aussi une période Saint-Germain des Prés, très mondaine. Il n’est pas vraiment sorti, malgré son côté révolté, généreux, de sa classe, de cette bourgeoisie révoltée qui, après-guerre, à suivi le jazz, le rockn’roll (qui a mené vers 1968 et a pu être récupérée d’une manière artistique) comme certains sociologues ont parlé d’une certaine posture par rapport au système sans le mettre, pratiquement, à l’envers.

R.B :

Il faut revenir à la jeunesse de Boris Vian. Il a énormément reçu de ses parents et c’est pour cela qu’il a beaucoup donné. En 1939, il vient juste d’intégrer Centrale repliée à Angoulême. Il est le seul à prévoir la défaite de l’armée française, ce qui n’est pas non plus très compliqué : il savait que Hitler allait contourner, par la Belgique, cette ligne Maginot qui ne servait à rien. C’était une évidence. Il était aussi déjà très non militariste, comme il le dit lui-même, à cette époque-là. Il ne pensait pas qu’il puisse y avoir de solution par la guerre. C’est au niveau individuel que se règlent les problèmes et non pas dans l’intimité d’un isoloir, mais dans l’intimité de sa conscience. Et cela regarde chacun d’entre nous. Et on n’a pas à juger ce qui a pu se passer à cette époque-là d’autant qu’on ne sait pas ce qu’on aurait pu faire. Dire que ce n’était pas un résistant, je ne suis pas tellement d’accord car il y a plusieurs formes de résistance. Vous pensez, en général, à la résistance armée ; pour nous pacifistes la résistance est civile, de chaque moment, c’est un refus de participer au crime. Ce n’est pas en prenant les armes, en tuant quelqu’un qu’on va régler un problème. On ne fait que produire des cadavres. C’est ce que disait Louis Lecoin. Pour moi il n’ y a pas à discuter. Mais bon, chacun pense ce qu’il veut. Mais c’est vrai, tu le soulignes, c’est un mondain, mais un mondain détaché de tout ça. Ce qui l’intéresse et c’est bien de son âge, ce sont les filles. Ursula l’a précisé : c’était un coureur de jupons. Son idéal de femmes, c’était des grandes blondes. Quand il s’est séparée de Michelle Léglise c’était parce que chacun de son côté faisait un peu trop de choses. Donc ils se sont séparés en bonne harmonie et d’ailleurs son fils Patrick est allé vivre avec lui (ça ne se passait pas forcément très bien mais nul n’est prophète en son foyer). Donc mondain un peu par la force des choses : avant la guerre c’était déjà un joueur de jazz, un des plus jeunes membres du club de fanatiques de jazz, qui a fait beaucoup pour nous faire découvrir cette musique consolatrice et l’a même fait découvrir aux soldats américains quand ils sont venus envahir la France. Au niveau culturel son rôle a été important. Il a ouvert beaucoup de pistes, durant toute sa vie et pour moi c’est aussi une forme de résistance. On a aussi les zazous, toute cette mode : il faut quand voir qu’à 26 ans il tutoyait Jean-Paul Sartre, qu’il n’a jamais estimé, pas que pour des raisons intimes. Là aussi son travail permanent, de lucidité, d’esprit critique, c’est un bel exemple. Il traitait tout le monde d’égal à égal. Je crois qu’on a beaucoup à glaner chez Boris Vian. Bien sûr on peut dire que c’était un dandy, un mondain, mais des comme ça j’en souhaite beaucoup.

Une intervenante :

Juste pour rajouter au côté non-mondain de Boris Vian : le fait de côtoyer René Rougerie (que j’ai bien connu) prouve qu’il y avait autre chose que le jazz chez Boris Vian. René Rougerie était tout sauf un mondain.

R.B :

Il y avait aussi un grand sens de la fête chez Vian qui fait que ses relations avec les autres étaient joyeuses.

Une intervenante :

De toute façon ce n’était pas un militant. Je pense que c’est ça qui lui est  » reproché « . Pourtant il a écrit des choses qui ont fait bouger des générations. Je me souviens qu’en lycée professionnel, les élèves étaient très intéressés par tout ce qu’a écrit Boris Vian : aussi bien théâtre, romans que chansons. Tout le monde n’est pas militant, il ne faut pas tout mélanger. J’aimerais que René revienne sur un personnage important dans la vie de Boris Vian, c’est le Major.

R.B :

Effectivement, Jacques Loustalot, il l’a connu l’été 1940 à Biscarosse, je crois, et c’est là aussi qu’il a connu Michelle. Il a eu beaucoup d’influence sur Boris, il l’a fait, je dirais, sortir de lui-même. C’était le fils d’un fonctionnaire départemental. Il honnissait son père. Il avait beaucoup de problèmes avec l’alcool, il avait un œil de verre mais un regard acéré sur les choses. Ca a été le deuxième grand traumatisme pour Boris quand Jacques Loustalot s’est défenestré au cours d’une soirée mondaine. Là il a perdu un autre point d’ancrage dans sa vie.

Un intervenant :

Etant adolescent ça m’a beaucoup marqué, L’Ecume des jours, ce qu’il a écrit, chanté. Bien sûr il avait un côté libertaire, mais je pense qu’il n’avait pas envie d’être mis dans une case, d’être un pur et dur. Ce qui est important c’est ce qu’il a fait, vécu. Et après, il n’est pas parfait ni d’un côté ni de l’autre, mais ce n’est pas l’important ici.

R.B :

Il a tellement de facettes que tout le monde peut se reconnaître en lui. c’est ce qui fait sa séduction. C’est aussi un grand désintégrateur de préjugés et c’est une qualité très rare ; ça demande beaucoup de travail. Einstein disait  » On sait désintégrer l’atome mais pas les préjugés « . Je crois que petit à petit par ces méthodes non aristotéliciennes avec de la méthode et du quantisme, de façon totalement incidente, par de la poésie, par des jeux de mots, on peut arriver à ouvrir l’esprit des autres et être porteur de quelque chose. Ses idées sont belles. Il n’y a pas d’étiquette à lui coller. J’ai insisté sur son côté anarchiste, pacifiste, son côté d’insurgé, de révolté permanent car ce sont des aspects oubliés dans l’histoire officielle de Boris Vian et parce que c’est un aspect qui nous touche.

Un intervenant :

L’histoire populaire de Limoges, mais aussi sa culture politique, allie toujours comme on peut le voir dans Le Petit Journal le drapeau noir et le drapeau rouge. C’est vrai qu’ici il y comme une sorte d’alliance, pas au sens politicien, un vieux fond dont on est tous les héritiers y compris dans le cercle Gramsci. C’était un petit aparté pour dire que cette liberté c’était aussi la nôtre.

R.B :

Je crois effectivement qu’il y a aussi ce fond de révolte. Ce n’est pas le café du commerce que chante Boris Vian, c’est la révolte contre tout ce qui fait cette injustice, cette souffrance qu’on côtoie tous les jours, qui s’accentue de plus en plus et qui est vraiment intolérable. Cette révolte – 1905 à Limoges – est importante et fait partie d’une continuité qui balise un peu nos parcours respectifs et qu’il faut revendiquer. Il ne faut pas que ça s’oublie, pas plus que Boris Vian. Il est vraiment d’actualité, surtout en cette période de farce et attrape électoraliste.

Une intervenante :

Ce qui me paraît important aussi, c’est qu’il ne se prenait pas au sérieux. Aucun de ses textes n’est plombant. Il est toujours capable, dès qu’il commence à être sérieux, de faire la pirouette. Il a ce texte très beau, L’Ile déserte, avec ce jeu de pirouette. C’est important de ne pas plomber les gens avec un discours politique qui va emmerder tout le monde. Il est capable de lancer des fusées partout sans se prendre au sérieux. Et je trouve que c’est ce qui est très beau chez Boris Vian.

Une intervenante :

Il a écrit J’irai cracher sur vos tombes à la suite d’un pari avec des copains. Il était capable d’écrire un roman style roman noir américain en 15 jours.

R.B :

C’est une belle leçon de méthode mais aussi d’intensité de travail. C’est quelqu’un qui ne se relâche pas. Il sait qu’il n’a pas beaucoup de temps, donc il est très intense dans ce qu’il fait. Il sait que la tension est quelque chose de relatif, que si on ne casse pas un peu le discours on ira pas loin.

Un intervenant :

J’aurais voulu savoir ce que sont devenus ses enfants et s’ils étaient connus pour un engagement pacifiste ou autre. Est-ce qu’ils ont hérités de leur père ?

R.B :

Je ne sais pas du tout ce qu’ils sont devenus. S’ils sont encore en vie ou pas. Cela fait partie du droit à une vie personnelle pour ceux qui ne sont pas sur le devant de la scène, et à ma connaissance ils n’étaient pas pacifistes. Son frère Alain, qui était musicien et fabriquait des instruments de musique, était très proche du mouvement libertaire et pacifiste. C’est tout ce que j’au réussi à glaner mais je n’ai pas la science infuse. Je suis juste un petit butineur et le miel de Boris Vian est quand même délicieux.

Un intervenant :

C’est du butinage de luxe : Aristote et la physique quantique., ce n’est pas habituel. L’au-delà de la modernité de Vian est là. On trouve aujourd’hui y compris dans les sciences humaines une espèce de convergence. La remise en cause d’Aristote et de la physique quantique c’est une révolution culturelle à faire et qui commence à germer à l’aube du XXIème siècle. Je pense à Augustin Berque et Armand Gatti, deux personnages actuels qu’on pourrait mettre en convergence avec certaines choses dont tu as parlé à propos de Boris Vian.

R.B :

Oui, et puis aussi de cette communication dans l’incommunicable qui est la base de toute communication et qu’on a tendance à oublier : la poésie ça nous sert tous les jours et c’est quelque chose d’utile.

Notes :

1/ La Vache Qui… journal de contre-information limousin : souffle sa première bougie le 17 mars 2012, avec une soirée  » Vade retro spermato « , amphi Blanqui à Limoges.

2/ Le Cercle Gramsci, groupe subversif, organise sa prochaine conférence publique à Limoges le 5 avril 2012, avec Maurizio Lazzarato, un tueur de dettes. Il serait en famille (à vérifier) avec Sante Geronimo Caserio (né le 8 septembre 1873, décédé le 16 août 1894), le courageux boulanger vengeur des anarchistes, guillotiné pour l’assassinat le 24 juin 1894, à Lyon, d’un Limougeaud : Marie François Sadi Carnot, sinistre président de la République qui avait refusé de grâcier Auguste Vaillant (le seul homme entré à l’Assemblée Nationale avec de bonnes intentions).

3/ À la BNF-FM s’entassent 5 000 postes de chercheurs. C’est pour mieux stériliser la recherche. Cette erreur architecturale a coûté 7,8 milliards de francs à l’investissement (de quoi construire des centaines de bibliothèques de proximité) et son entretien annuel représente un gouffre exponentiel, pour mieux muséifier la culture.

4/ Mortemart (87330) se trouve à un carrefour de champs électromagnétiques sur les fractales de la météorite de Rochechouart et celles du radar des Monts de Blond. Ces lignes de torsion ont agi sur le clocher local et les champs du paysage.

5/ Boris Vian avait découvert en traduisant Le Monde des A de Van Vogt, puis divulgué en France les idées d’Alfred Korzybski, auteur de la Sémantique générale (une approche scientifique non-aristotélicienne, inspirée de la théorie de la relativité et de la physique quantique). Henri Laborit (La Nouvelle Grille), Gaston Bachelard (Philosophie du Non) ont été inspirés par ces méthodes toujours d’actualité.

6/ Le CIRA-Limousin et le groupe libertaire Le Cri du Peuple organisent le 6 avril 2012 (en pleine période de farces et attrapes électorales), à Limoges une réunion sur le mandat impératif avec Pierre-Henri Zaïdman, balayeur des préjugés qui jonchent l’intimité des isoloirs.

Compte-rendu réalisé

par Anne Vuaillat.

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