Le fascisme qui vient…

Le fascisme qui vient…

L’immense écrivain qu’était Umberto ECO (1932 – 2016) s’est préoccupé de notre avenir politique, de nos institutions démocratiques. En avril 1995, il prononce à New York une conférence à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe. Son texte nous est arrivé en traduction (Grasset, 2017, 52 p., 3 Eu.) avec pour titre : Reconnaître le fascisme.

L’écrivain « flaire » ce qu’il nomme « l’Ur-fascisme », une forme « primitive » de culture politique extrémiste. Elle se perpétue en s’adaptant aux circonstances d’espaces et de temps. Il s’agit donc de le reconnaître. Et pour cela, il propose « 14 caractéristiques » : du culte des traditions et du rejet du modernisme à la novelangue, à consonances techniques, utilisée par des décideurs et gouvernants.

Umberto ECO définit « l’Ur-fascime comme irrationalisme ». Il note le prima de « l’action pour l’action », le rejet de l’attitude critique, tout ce qui rend la culture « suspecte ». Quant aux universités ? Ne sont-elles pas, (en son temps), un repère de communistes ? Aujourd’hui, il est question « d’islamo – gauchisme » à l’Université. La dénonciation hasardeuse de l’islamo – gauchisme ne serait-elle pas une variante de l’Ur-fascisme ? Il faut nous tenir en éveil en présence de ces caractéristiques du fascisme.

Voilà que, pour nous aider dans notre vigilance, parait une publication d’une centaine de pages rédigées par deux universitaires, l’historienne Ludivine BANTIGNY et le sociologue Ugo PALHETA : Face à la menace fasciste (éd textuel, petite encyclopédie critique, 2021, 124 p.).

En quatre chapitres très documentés, les deux auteurs proposent un panorama de l’actualité (chap. 2, p. 39) : « Le macronisme, un autoritarisme du capital ». Ainsi :

« On se rappellera longtemps comment à l’occasion d’une crise sanitaire, ce pouvoir s’est immiscé dans les existences au point de les ordonnancer, décidant sans concertation démocratique de réguler nos gestes, nos heures, nos sorties et au fond nos vies. » (p. 40)

On nous montre comment, pourquoi et avec quelles conséquences : « le macronisme vient de loin ». En fait du bonapartisme autoritaire et des « techniciens ». Ils étaient là, au pouvoir au début du régime de l’ « état français » de Pétain. Un étrange retour au désir d’une autorité garante de l’économie?

Voyez comment, l’action publique est ralentie dans sa mise en œuvre, nous dit le pouvoir en place ? Et de proposer de passer outre au débat parlementaire, au contrôle des élus qui ne servent qu’à retarder l’action. L’actuel président de la République a eu le projet de modifier la Constitution en commençant par son « Préambule », le texte sacré de la République ! Il faudrait ainsi nous débarrasser de ce qui gène les performances, l’action du pouvoir, voir celles d’entreprises du modèle start up ! Ce projet ne serait que provisoirement abandonné.

Que fait la police ? Ces forces ont réprimé des manifestations de gens qui, demandant, un peu d’attention et d’écoute sont tombés dans le piège des violences. Elle est utilisée pour faire disparaître des gens venus d’ailleurs, migrants installés aux portes des villes. Elle réclame plus de moyens qui lui sont accordés sans réelle contrepartie.

On a vu des fonctionnaires de police manifester – avec le soutien de leur ministre – contre la Constitution, le droit et les juges estimés laxistes. Et c’est là, à partir de cette contestation du droit et de la Constitution, une contestation des règles de langage qui permettent de vivre ensemble, qu’apparaît une possibilité du fascisme.

Quant aux médias électroniques, les plus consultés, écoutés, regardés… ils agissent sans contrôle ni respect du droit qu’ils défient. Ils diffusent des idéologies nationalistes recuites, des complots et des haines racistes. Diffuser la peur d’autrui assure des notoriétés de candidats aux élections.

Avec à la tête de l’État un personnage autoritaire, sans métier ni expériences du travail et de la vie quotidienne, qui ne sait ni ne veut dialoguer avec des « corps constitués », encore moins avec des oppositions critiques, des vannes sont grandes ouvertes pour des discours obscènes.

Déjà le fascisme n’est plus en sommeil, éveillé il prend ses aises dans les médias, ses quartiers dans l’espace public. Il est là lorsqu’est réclamée une autorité qui protégerait de la présence des autres.

Il dit : vous m’aimerez comme autrefois. Je suis beau, généreux et puisque vous me laisserez faire, je vous apporterai le bonheur, la félicitée et la sécurité.

Ne me craignez pas, j’agis avec vous, pour vous !

J. J. Fouché / 22-Nov-22

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