Avec Dominique Danthieux
Cette soirée s’inscrit suite à la parution en septembre d’un ouvrage collectif, Utopies en Limousin, de Boussac à Tarnac, aux Ardents éditeurs, avec de nombreuses contributions, depuis l’époque médiévale jusqu’à aujourd’hui. Dominique Danthieux, historien, chercheur a coordonné l’ouvrage, il est également président de l’association Mémoire ouvrière en Limousin, association qui fait un travail qui mérite d’être connu, qui s’est créé il y a bientôt vingt ans, qui s’est fait connaître par différentes initiatives, notamment une exposition qui a tournée en Limousin, » Visages du mouvement ouvrier, un siècle militant « , qui a fait l’objet d’une publication, sur le mouvement social et les luttes ouvrières en Limousin, et une initiative autour de 1905. J’ai ici une sorte de synthèse en italien Primavera rossa, paru à Culture et patrimoine pour la version française. Mémoire ouvrière a la caractéristique de réunir des historiens mais pas seulement. C’est intéressant de mélanger les approches autour du mouvement social et de l’histoire ouvrière.
Ce soir l’objet n’est pas d’aborder l’ensemble de l’ouvrage et de parler dans le détail des contributions mais plutôt de tirer les choses vers aujourd’hui, parce que les utopies s’inscrivent dans l’histoire. Des utopies se sont concrétisées, elles sont vivantes, elles se construisent au quotidien dans différents lieux en Limousin. On parlera notamment des expériences en cours sur le plateau de Millevaches. Je crois que tu a bien résumé le propos dans l’introduction que tu as écrite pour la Lettre du cercle en nous disant que tout ça est le produit d’une histoire et que l’objectif n’est pas de détailler ces expériences mais d’en dégager un sens général et d’interroger ces expériences pour voir si on assiste à la création » d’espaces émancipés » où peuvent se réfugier ceux qui ne se reconnaissent pas dans le système libéral et au-delà de ça je crois que c’est intéressant de voir qu’en Limousin il y a toute une série d’expériences qui se sont développées au cours des âges et qui continuent à se développer. Le Limousin n’est pas un territoire unique en la matière mais c’est un territoire dans lequel il y a beaucoup d’expériences de ce type. C’est donc intéressant d’interroger le Limousin comme terre d’utopie.
Christophe Nouhaud.
Dominique Danthieux
La première difficulté avec les utopies était d’abord de les cerner, ce qui ne va pas sans problème de définition. L’utopie peut être un vaste fourre-tout où l’on entrepose les théories millénaristes, les projets politiques les plus divers pourvu qu’ils tendent à modifier la société, les communautés les plus diverses…
Le désir de changement de l’ordre social ne procède pas forcément de l’utopie. Je reprends le travail d’un sociologue allemand, Karl Mannheim, qui dans Idéologie et utopie (Paris, 1956) dit que finalement ce désir de changement social ne devient utopique que lorsqu’il » tend à rompre les liens avec l’ordre existant « . Auquel cas on rejetterait toutes les utopies qui n’ont jamais entamé cet ordre existant. On peut se questionner : n’y aurait-il pas un » ailleurs » de l’utopie ? Des utopies tournées vers la conservation de ce qui existe ou a existé, précisément parce que cela est en cours de transformation ? Le projet de Le Play est de ce type : assurer l’ordre social par la perpétuation de la famille souche. Une utopie conservatrice ?
Le souci avec l’utopie est qu’en principe elle n’existe pas depuis que l’inventeur du mot et du genre » utopique « , Thomas More, l’a situé dans ce nulle part, l’outopia. Mais ce nulle part fascine, car il est aussi le bon lieu, l’eutopia. Donc l’utopie est ce qu’il est souhaitable qu’il advienne, puisque sa réalisation doit apporter un mieux. Oscar Wilde a dit : » l’utopie c’est le progrès réalisé « . En même temps, définir quelque chose comme utopique, c’est le condamner à la non-réalisation. Il y a une vision péjorative de l’utopie comme quête perpétuelle, perpétuellement insatisfaite. Auquel cas on serait sur une espèce de double » non-lieu » : théorique et spatial.
Mais il ne faut pas non plus cantonner l’utopie dans le monde des idées (ce qui est voué à l’échec parce qu’irréaliste). Elle peut se concrétiser, parce que des gens peuvent se dire : on va passer de la théorie à la pratique. Par exemple, dans l’ouvrage, Annette Marsac a rédigé un article sur Pierre Leroux, et je pense qu’un personnage comme lui fait la liaison : il était à la fois théoricien et praticien de l’utopie et c’est à Boussac qu’il est passé à la pratique. Il fut inspirateur du mouvement ouvrier limougeaud.
Notre association ne se cantonne pas à une dimension patrimoniale. Elle veut opérer le lien avec le présent. Cet ouvrage compte une écrasante majorité de contributions d’historiens (deux auteurs seulement ne le sont pas), mais il ne faut pas rester tourné vers le passé. Il y a aussi des sociologues, et cela permet un autre regard.
Il faut aussi considérer que l’histoire est une science vivante, en prise directe avec la société, et je dirai que la compréhension de la société est l’un des principaux intérêts de l’histoire. L’historien doit avoir du goût pour la » mécanique sociale « . Est-ce qu’on peut donner des clés pour la compréhension du présent, puisque c’est en général ce qu’on attend de l’histoire ? Oui, mais la situation est un peu plus complexe. Nous, historiens, avons une fonction d’explication, celle de démêler l’écheveau de la complexité. En circulant du passé au présent nous donnons l’impression de continuité entre utopies d’hier et celles d’aujourd’hui. Or il y a » rupture « , c’est-à-dire que les utopies post-68, celles portées par les néo-ruraux, ne s’inscrivent pas au départ dans une tradition régionale. Elles sont plutôt l’importation de quelque chose d’externe qui se développe dans la société englobante et se rattache maintenant à une histoire locale qu’elles se réapproprient pour mieux trouver une légitimation par rapport à un territoire. Je crois aussi, comme l’a montré le rejet de l’opposition entre les » néo » et les » natifs » aux municipales, que la légitimation par l’histoire est un argument pour contrer le discours négatif et montrer que l’on partage une histoire commune.
Il y a aussi une dimension chronologique, en commençant par le Moyen-âge et en finissant par le XXIème siècle. Mais en même temps, quand on déploie tous ces textes, on s’aperçoit aussi que l’utopie agite des cercles plutôt restreints et que petit à petit, par la pratique, elle va irriguer une partie plus large de la société, dans une espèce de descente vers le peuple. C’est intéressant de voir comment les utopies, au fil du temps, circulent. Peut-être que le livre permet cette approche.
Une autre approche, c’est » Limousin terre d’utopie ? » avec un point d’interrogation. Pourquoi y a-t-il ici autant d’initiatives qu’on peut ranger dans les utopies ? Est-ce que la notion de » terre d’utopie » permet de définir une image régionale ? Le Limousin serait-il terre d’utopie par excellence ? On peut noter l’importance des réalisations qui ont leur origine dans l’associationnisme inspiré par les socialistes » utopiques » (j’ai parlé de Pierre Leroux), les coopératives, la mutualité, qui sont très fortes ici… Aujourd’hui ce pan-là de l’utopie du XIXème siècle qui s’est vraiment réalisé a une reconnaissance institutionnelle avec l’Economie Sociale et Solidaire, ESS, acronyme qui rassemble des organisations à lucrativité limitée (Economie Sociale) et des démarches pour démocratiser l’économie à partir d’engagements citoyens (Economie Solidaire). Il y a des conditions régionales qui ont été un facteur facilitant et ont permis de réaliser la liaison avec des idées venues de l’extérieur.
C’est peut-être intéressant de se tourner vers les pratiques des sociétés rurales limousines (il n’y a pas beaucoup d’historiens ruralistes limousins), des sociétés marquées par une relative égalité des conditions et des pratiques communautaires avec les travaux en commun et surtout la gestion des communaux, question qu’on ne connaît pas bien mais qui est très intéressante. Ces traditions, qui nous viennent de la ruralité, survivent peut-être dans l’investissement dans les organismes urbains tournés vers des formes de solidarité
Il y a les formes du travail : en atelier, par exemple dans la porcelaine, qui passe au XIXème siècle de l’atelier à l’usine ; mais l’atelier ne disparaît pas de l’usine. Un sociologue américain, Richard Seynett, a travaillé sur les pratiques coopératives et il voit dans l’atelier le lieu de pratiques solidaires sur le plan technique. Mais pas seulement technique : se développe une coopération entre les membres pour la satisfaction de besoins économiques et sociaux. C’est un aspect mal connu mais qui mériterait un approfondissement. Une coopérative comme l’Union est née dans les fabriques de porcelaine. En sortant des fabriques elle favorise une sociabilité coopérative et des pratiques nouvelles de discussion.
Est-ce devenu » une marque de fabrique » du territoire limousin ? On peut constater aujourd’hui le poids régional de l’ESS (+ ou – 11 % de l’emploi régional), et une répartition qui trahit le poids de l’histoire avec un fort poids le l’ESS sur les pôles urbains de Limoges et St-Junien (permanence), et aussi une ESS qui irrigue le monde rural. Mais l’ESS, c’est une forme institutionnelle, et parmi les expériences qui se développent en milieu rural aujourd’hui tous ne s’y reconnaissent pas. C’est ce qui en fait l’intérêt, et permet une pluralité des approches et des expériences.
Voilà pour le positionnement général de l’ouvrage. Si on fait le lien entre passé et présent, on aboutit aujourd’hui à ce qui se passe sur le montagne limousine
Le Plateau de Millevaches
Nous sommes bien ici au cœur du sujet, avec des acteurs impliqués dans un territoire (on revient sur l’étymologie : utopia, » sans lieu « , et pourtant les utopies ont un lien très fort à l’espace) et qui font vivre l’utopie. Il ne s’agit pas ici de rendre compte par le menu des multiples expériences, et je vais plutôt m’efforcer de dégager quelques lignes de force et de donner une vision d’ensemble.
Le territoire qui nous intéresse est ce qu’on appelle le Plateau de Millevaches, dans sa partie ouest, plus particulièrement autour du triangle Faux-la-Montagne, Gentioux, Peyrelevade. Un territoire dont ne rendent pas compte les limites administratives, mais plutôt une unité due aux conditions naturelles (la Montagne limousine) et à l’action de ses habitants, pour beaucoup d’entre eux » acteurs de leur territoire « .
Cela m’amène à la définition du territoire. Selon les géographes (cette définition correspond assez à ce qui se passe) c’est un espace approprié par un groupe de façon réelle ou symbolique et qui est souvent organisé, dirigé et aménagé en fonction des besoins, des valeurs de ce groupe. Je reviendrai sur ces points. Comment le qualifier ? Certains travaux universitaires parlent de » territoire alternatif « , appellation que j’ai utilisée mais appellation qui pose en soi un problème de définition : » alternatif » peut renvoyer à une association, à l’altermondialisme, or tous les acteurs sont loin de se reconnaître dans l’altermondialisme ; » alternatif » signifie-t-il que l’on propose des solutions autres ? mais quel est le rapport que ces solutions entretiennent avec le » système » ? est-ce qu’elles peuvent le changer ? Ensuite ce qui se passe sur la Montagne limousine n’est pas un cas unique en France. Aujourd’hui il y a un genre à la mode, c’est le voyage en utopie. C’est-à-dire que des chercheurs, des journalistes font un peu un tour de France de ces initiatives utopiques.
Donc ce n’est pas un phénomène unique en France, mais il est intéressant de voir ce qui fait la spécificité de la Montagne limousine par la diversité des initiatives et leur dimension politique. Contrairement à d’autres exemples, les gens ne semblent pas ici désinvestis du politique, ce qui ne va pas sans conflits.
Résumons : tout d’abord, pourquoi là ? Un aimant de l’utopie, c’est le vide : on a là la constitution séculaire d’un » territoire du vide » où se mêlent aux considérations géographiques et démographiques, des représentations d’ordre culturel.
Je crois que le rapport que l’on entretient au vide, aux espaces vides, a changé.
Il y a une question de sensibilité : au XIXème siècle et pendant la première partie du XXème siècle, le vide a fait horreur. Le vide c’est rien, ça ne crée pas de richesse, c’est improductif, donc condamné. Puis le vide semble devenir un atout, à partir des années 1970, parce qu’on est dans un contexte de critique de la société industrielle, de montée de l’écologisme, de remise en cause de la croissance économique. On peut aborder cette nature de différente façon :
La nature lieu de ressourcement, la » nature patrimoine » à préserver, avec un projet de parc naturel dès les années 1970. Ca peut être aussi (on l’a vu dans la démarche de certaines communautés post-68) une espèce de retour à la nature sur fond de prédiction d’apocalypse technico-industrielle ; mais attention : l’apocalypse non pas comme fin du monde, mais ouvrant une » ère nouvelle « .
Mais on pourrait associer à cette question du vide une notion plus politique (on pourrait se lancer dans une anthropologie politique de la montagne) et accomplir les premiers pas vers le territoire alternatif : c’est l’appel du vide qui permet d’échapper aux contraintes posées par la société ou par quelque forme de pouvoir que ce soit. Moindre conformisme social, donc on a la possibilité d’expérimenter un » nouveau nouveau-monde « . Ces lieux désertés sont un peu au XXIème siècle ce que l’Amérique a été pour les utopistes du XIXème, comme Cabet qui fonde son Icarie au Texas. On est à l’écart des rapports économiques, sociaux et politiques qui structurent la société dominante, ce qu’on montré en leur temps Hervieu et Léger. Ils disent : » C’était la friche qui servait de support aux projets communautaires « . Donc la Nature a une fonction de havre de l’utopie.
Un autre volet de la dimension politique : la » Nature refus « . Aux Etats-Unis, H.D. Thoreau (Walden ou la vie dans les bois) nourrit une critique de l’Etat au moment de la guerre entre les Etats-Unis et le Mexique, et il part s’exiler au fond des bois. Etat esclavagiste et impérialiste pour Thoreau, capitaliste et liberticide pour la dernière génération d’arrivants sur le Plateau. Aujourd’hui, plus qu’avant, on revendique une filiation avec la Résistance dont la Montagne a été un bastion. On pense à la personnalité de Guingouin, opposant au fascisme et incarnation de la révolte contre les appareils politiques. Le refuge offert par les vastitudes austères du Plateau serait-il la métaphore paysagère de la formule du philosophe italien Giorgio Agamben : » Quand tout le monde se laisse entraîner sans réfléchir, ceux qui pensent se retrouvent comme à découvert […] » ? Vivre » à découvert » induit un risque dont on doit se prémunir en un lieu abrité. Cela paraît paradoxal que le vide serve d’abri, mais on peut se référer aux travaux d’Agamben, qui a écrit sur les » dispositifs » (les moyens du contrôle biopolitique des populations, pour Foucault). Dans Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Agamben explique comment il a échappé pendant une journée au téléphone portable. Ces » dispositifs » enserrent l’existence de l’individu et l’empêchent d’assumer sa liberté. Dans un lieu refuge on peut peut-être se protéger de ces dispositifs.
Il faut s’intéresser aussi à l’antériorité, c’est-à-dire que tout ce qui se passe aujourd’hui n’est pas parti de rien. Et c’est précisément parce qu’il y a eu antériorité qu’il y a aujourd’hui une grande fécondité de ces expériences. Parce que ceux qui ont » survécu » peuvent transmettre leur expérience à ceux qui sont venus après.
Je voudrais recourir à la notion de génération pour expliquer ces différentes vagues, pour envisager le processus de construction du territoire : une génération prend origine dans un événement qu’elle considère comme matriciel (mai 68, le Larzac, plus récemment l’opposition au G8) qui décide d’une orientation ou d’un engagement, et ce faisant induit des formes de militance, de socialisation et de sociabilité politiques. La sociabilité politique post-68 et celle des résistants au G8 n’est pas tout à fait la même.
Les différentes vagues
Les » années 68 » : l’historiographie actuelle fait valoir que 1968 serait l’épicentre de revendications et de luttes politiques plutôt que leur point origine. Pour nous, c’est un point de départ. L’historiographie tend à voir la vague de 1968 toucher le rivage avec l’arrivée de la gauche en 1981. L’élection de Mitterrand incarnerait le fait que le pouvoir politique aurait pris en compte certaines revendications de la génération de 1968.
Prenons 1968 comme point origine du phénomène qui nous concerne. A l’été 1968, on a une vague d' » exode utopique » de jeunes gens en rupture avec le modèle social dominant, vers les montagnes du sud de la France. Il faut passer l’hiver. Sur le Plateau de Millevaches, l' » Ardèche du pauvre « , il y a peut-être une centaine de » marginaux « … alors qu’ils sont environ 3000 au sud du Massif Central, surtout dans les Cévennes gardoises, d’après Hervieu et Léger. Il s’agit d’incarner des revendications ignorées des appareils politiques et syndicaux et qui n’ont pas non plus trouvé d’expression militante. Ceux qui vont surmonter les difficultés d’installation, ceux qui passent le premier hiver, vont se tourner vers la société locale, s’investir dans des projets locaux et rompre avec leur isolement de départ. Dans cette vague de 1968, il y a deux volets : l’exode utopique, et les marginaux.
La deuxième ce sont les » installés « . Porteurs de projets mieux définis au départ, Ils entretiennent des liens avec un milieu associatif ou politique plus structuré, comme Nature et Progrès, avec les groupes non-violents, avec le PSU (parti parmi les premiers à porter la question de la qualité de la vie)… Dans un premier temps, ils se tournent vers le secteur agricole, avec le rêve d’une » vie verte » et de la conciliation entre autoconsommation et commercialisation.
Ces projets ne sont pas exclusivement fondés sur l’agriculture. Le collectif qui allait fonder Ambiance Bois en est une parfaite illustration. Ils arrivent dans les années 1980 en Creuse. Ils trouvent ça très bien pour s’installer, fonder une scierie, puis une parqueterie. Là, on est sur un groupe structuré, avec un projet et qui va mettre en place petit à petit les outils pour sa réussite. D. Léger, dans un article de 1979, dit que les néo-ruraux font le constat du caractère irréformable et dévoyé du » système « , d’où la nécessité d’une alternative, et ils ne sont pas vraiment porteurs d’une critique du capitalisme en termes marxistes.
Il y a la troisième génération. Pour les qualifier, c’est un peu plus délicat. Je les ai qualifiés de » néo-résistants « . C’est une nouvelle génération radicalisée qui s’exprime sur le Plateau à partir des années 2000, contre la mondialisation néo-libérale. Il y a une vraie radicalité politique avec une tendance affirmée anti-étatiste. Les animateurs de cette tendance constituent davantage une mouvance qu’un courant fortement structuré, mais ils savent ponctuellement se regrouper autour de » pôles » ou de projets à partir desquels exprimer leurs idées. C’est l’idée du » Collectif » (on parlait plutôt de » communauté » dans les années 1968/70) : à travers le collectif, on a le refus de toute forme de » personnalisation « . Le collectif de Tarnac en est un bon exemple, composé d’étudiants venus à la politique par les squats, par l’opposition au G8, par l’expérience des milieux » autonomes « . En 2005 avec l’achat de la ferme du Goutailloux, ils entrent en possession d’un espace » pour construire quelque chose qui [correspond] à [leurs] envies et à [leurs] idées politiques « .
Un constat général : si on additionne toutes ces vagues, on a le renforcement d’une tendance critique envers l’institution ou plus radicalement anti-étatique. Pourtant, le Plateau a été historiquement un lieu d’intervention institutionnelle pour trouver des remèdes au vide qui s’installait (rôle de l’Etat dans la création de Vassivière). Peut-on considérer ce type de territoire comme un laboratoire de formes innovantes de » gouvernance » ?
Toutes ces expériences peuvent paraître isolées les unes des autres, mais est-ce que ces nouvelles formes, dans l’élaboration de nouveaux rapports économiques et sociaux, ne constituent pas le ferment d’un mouvement social ? Pour Danielle Léger (1979), la réponse est non parce que, au fond, tous ces groupes sont minoritaires, atomisés, concurrents, avec des objectifs indéterminés. Pourtant en Limousin, ce monde a la capacité de s’organiser et de participer aux mouvements sociaux, comme l’a montré l’Assemblée populaire de 2010 sur la question des retraites, avec des blocages de dépôts de carburants, une caisse de grève, un effort de réflexion sur le mouvement. L’affaire de Tarnac a montré aussi une capacité d’organisation au travers d’un mouvement de soutien qui est à l’origine des Amis de la commune de Tarnac. Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que ces formes d’organisation sont plus anciennes qu’il n’y paraît. La manifestation est une forme classique ; en milieu rural c’est plus délicat, mais cela fait partie du répertoire d’actions des néo-ruraux du Plateau. On le voit à la Villeneuve en mai 1977 avec l’opposition au reboisement, et c’est finalement un point de jonction des » néo » avec la société et les élus locaux.
Etant données la faible densité humaine du Plateau et la dispersion de l’habitat, il faut éviter une » archipellisation « , donc il y a la nécessité d’aménager des espaces de rencontres. C’est très important, d’autant plus que les moyens technologiques sont limités à l’époque. Les » marginaux » vont tenir une première réunion le 25 janvier 1975 à St Martin Château, lieu où une communauté s’était installée. La majorité des assistants, faute de moyens pour s’investir dans la vie régionale, privilégie la création de réseaux d’entraide. On est dans une dimension plus pragmatique que révolutionnaire, ce qui est logique puisque l’objectif est de rester. C’est la prise de conscience d’une nécessité de créer des liens.
Une autre étape est franchie, un peu plus tard, avec la création de TV Millevaches. C’est important. Le Père Charles Rousseau, de la Mission de France, fonde en 1974 l’association Les Plateaux Limousins, qui existe toujours, avec Le Villard pour lieu de rencontre annuelle. C’est un curé moderniste, qui croit aux technologies de l’information et de la communication. Le projet germe alors (en association avec les maires atypiques, de Faux, Peyrelevade et Gentioux : François Chatoux, Bernard Couteau, Pierre Desrozier, qui font partie du PS mais qui ont su ouvrir leur territoire aux nouveaux venus) d’utiliser la vidéo comme support d’un média local qui présenterait le monde rural en une approche moderniste et non folklorique. Le 24 mars 1986, naît le concept de la » télé-brouette » transportée de magnétoscope en magnétoscope dans les lieux publics. Il me semble que TV Millevaches annonce un tournant : le passage à l’ère du (ou des) réseau(x) conçu(s) dans une logique connexionniste (différent du réseau au sens de la politologie, le réseau pour faire carrière). Il rassemble des individus, des associations animés par une commune volonté de revivifier le tissu local et dont la mise en relation aboutit à un nouveau maillage du territoire. Il est souple, non hiérarchisé, il génère des synergies autour d’initiatives ponctuelles ou pérennes. Et comme le soulignent les sociologues Luc Boltanski et Eve Chiapello, le réseau détermine les bases » d’une nouvelle anthropologie sociale fondée sur la capacité à faire des liens et non plus comme dans la cité marchande sur la propension universelle à échanger des objets « . Donc le lien, à la place de la matérialité de l’échange. Dans cet esprit, les jeunes gens à l’origine d’Ambiance Bois animent dès 1984 un Collectif de Recherche, d’Innovation Sociale et d’Expérimentation, ironiquement résumé par l’acronyme CRISE. Ils souhaitent encourager, grâce à la mise en réseau de toutes sortes d’initiatives associatives, des pratiques solidaires n’ayant pas le profit pour seul horizon.
Tous ces réseaux qui reposent à la fois sur l’interconnaissance (relation d’individu à individu) et une connectivité numérique mettent en relation les diverses générations d’acteurs du Plateau. C’est ce qui permet de donner à l’édifice une certaine homogénéité. Toutes ces expériences favorisent l’échange, le dialogue, la coopération, les solidarités et en créent de nouvelles là où les solidarités du monde rural ont disparu. La société des réseaux a peut-être remplacé la défunte société des hameaux. Elles renouvellent le sentiment d’appartenance à un espace par la superposition de leurs vécus collectifs à l’ancienne mémoire locale. C’est aussi source de conflictualité.
Ces facteurs induisent un rapport particulier au territoire qui n’est pas sans rappeler le rapport des anarchistes à l’espace : les communautés humaines organisaient leur territoire en fonction de leurs besoins. De grands géographes ont été des grands noms de l’anarchie, comme Elisée Reclus. Philippe Pelletier, dans Géographie et anarchie, dit que tous les mouvements sociaux ont un rapport à l’espace, ne serait-ce que par les » chemins de la manifestation « . C’est encore plus évident pour le » territoire alternatif » (constitution de la ZAD de Notre Dame des Landes). Ce rapport à l’espace est quelque chose d’important, parce qu’au fond on a ici un projet de société qui doit être bâti par rapport à des besoins et non à la production comme chez les marxistes.
Le résultat est qu’on aboutit à une société plus proche des thèses d’Ivan Illitch que de Marx : dans les années 1970 Illitch a théorisé une société de la convivialité, c’est-à-dire de la frugalité matérielle et de la richesse des relations humaines. Une problématique qui rejoint celles qu’il posait au début des années 1970, en dénonçant la médiation capitaliste dans un certain nombre d’actes qui relevaient autrefois de la solidarité : par exemple la question du logement, problème qui se pose sur le Plateau et auquel on apporte des solutions en passant par l’auto-construction (Bourgeons de rosiers ou AB, l’Arban). Agamben dans De la très haute pauvreté, règles et formes de vie s’intéresse essentiellement à la règle franciscaine, qui exige des frères qu’ils renoncent à la propriété individuelle et collective, à l’exercice des droits réels sur les choses, pour s’adonner à ce qu’ils appellent un » usage pauvre » ou » modéré « . En s’interrogeant sur le monachisme, Agamben réfléchit à la possibilité d’une vie affranchie du droit et de l’institution à l’intérieur de laquelle vit le sujet, pour inventer un nouvel usage des corps et du monde, susceptible de déstabiliser la violence du pouvoir et de l’État. Ainsi l’analyse de l’auteur présente de forts enjeux politiques.
Le cumul de toutes ces expériences amène plusieurs questions. Entrons-nous dans une » ère de l’autonomie » face à une atomisation du monde sous la pression du capitalisme ? Est-ce une réponse au monde » en archipel » que construit la mondialisation, qui sélectionne les territoires en fonction de leurs » avantages comparatifs » ? La mondialisation fonctionne en pôles où on concentre les moyens capitalistes ; mais alors, que faire des » espaces interstitiels » entre ces pôles ? Il y a là un problème important. Dans ces interstices est-ce qu’on n’assiste pas à la mise en place de nouveaux communs ?
Un territoire construit
sous le signe de
» nouveaux communs »
Ce terme ne fait pas partie du vocabulaire français, parce que c’est la traduction de commons.
La terre commune peut être considérée selon deux approches : terres qui permettaient aux paysans pauvres de survivre, ou alors terres consubstantielles à l’existence d’une communauté qu’elles identifiaient et sur lesquelles elle étendait son pouvoir concurremment à celui de l’Etat.
Il y a toute une réflexion à partir des communs. A partir du XVIème et encore plus au XVII – XVIIIème siècles il y a un grand mouvement dans le monde rural britannique. C’est l’appropriation privée des communs et l’appropriation des terres (enclosures).
Dans le monde anglo-saxon, la thématique des communs a été utilisée soit pour condamner un usage irrationnel de la terre qui conduit au saccage du bien commun, mieux géré s’il est approprié (G. Hardin, dans les années 60 a écrit la Tragédie des communs) soit pour faire émerger la notion de » bien commun » qu’une autorité supérieure doit préserver.
Aujourd’hui on a un retour sur cette question des communs. On le voit notamment dans le monde de l’informatique, avec les sites collaboratifs. Est-ce qu’on n’assiste pas à la constitution de nouveaux communs sur le territoire qui nous intéresse ?
Les communautés
La vie communautaire est un trait d’union entre les différentes générations.
C’est un moyen de s’installer dans un pays peu peuplé et où les relations sont complexes avec la population locale. Comme le disent les membres d’Ambiance Bois, c’est une » solution économique pour vivre vite de nouveaux projets « . On pourrait cependant distinguer trois types de communautés (attention toutefois, en examinant de plus près, on voit que plusieurs caractères se combinent) :
La » communauté-rupture » : fin des années 1960-début 1970, rupture avec la société englobante et les codes dominants. Il vaut mieux vivre avec des gens qu’on a choisis plutôt qu’avec une famille qu’on n’a pas choisie. Ce qui ne va pas sans interroger les sociétés locales sur ce mode de vie. Pour elles, la communauté est un recul terrible. L’organisation de nos habitats modernes, c’est la privatisation de nos espaces. Donc des gens qui vivent en communauté apparaissent comme régressifs.
La » communauté-structure » : collectif d’Ambiance Bois, où la communauté est un lieu d' » échange, de débat, de négociation, de dialogue « , au fond une forme de démocratie participative, ce qu’on retrouve dans l’organisation quotidienne de l’entreprise et dans son statut de SAPO (combinaison capital / travail, avec des actions de capital et de travail, qui donnent aux apporteurs de capitaux et aux travailleurs une voix à l’AG).
La » communauté-formation » : le groupe de Tarnac en est une bonne incarnation, lieu de passage (comme l’ont toujours été les communautés), avec l’idée de fournir une réflexion théorique. Les journées d’étude du 27 juillet au 2 août 2013 ( » Défaire l’Occident « ) en témoignent : intervenants invités autour d’un thème mais aussi avec une structuration en groupes de travail, dont certains avaient travaillé le thème pendant l’année.
Un autre aspect est celui de » la politique autrement » : il me semble que ce noyau communautaire tend à conditionner une conception de la société et influe sur la représentation que l’on se fait de la politique. La communauté est, au moins en théorie, une école de la démocratie directe. Si l’on prend l’exemple d’Ambiance Bois, on passe de la démocratie communautaire à la démocratie entrepreneuriale. Si on va au bout du raisonnement, il y a une nouvelle étape à franchir : celle de la démocratie politique » réelle « , dans le sens où elle supposerait une participation directe des citoyens à la prise de décision.
Cette conception remet en cause la place traditionnelle de l’élu, en tout cas telle qu’elle s’est incarnée en Limousin depuis la IIIème République : l’élu comme médiateur entre la société englobante, le pouvoir central et le niveau local ; l’élu qui, s’il est judicieusement choisi, peut bénéficier de la manne et la répartir. Conception née à une époque où la République veut s’installer au plus près des citoyens pour favoriser son enracinement. Mais aujourd’hui, nous vivons, surtout dans les zones rurales, exactement l’effet inverse avec le retrait des services publics… Ce territoire désertifié devient parallèlement le domaine d’intervention d’entités plus éloignées (capitale régionale, intérêts privés), dont les contours sont flous. Ce qui n’est pas sans engendrer des conflits d’usage… La forêt est en un bon exemple. Cela va d’ailleurs plus loin que le simple conflit d’usage. On voit très bien que sur le Plateau se développent des revendications sur un usage direct de la forêt par ses usagers. Là aussi on voit que les formes pratiquées de politique doivent guider la vie communautaire dans la gestion d’un ressource naturelle extrêmement importante pour le Plateau. Donc se joue là la question d’une prise en main directe de la gestion de la ressource forestière par les acteurs du Plateau. Là on se heurte à des conceptions politiques autres et à des intérêts économiques opposés.
En conclusion, la question de fond reste en suspens : peut-on changer la société à partir de ces expériences ? Reste-t-on à l’échelle locale ? Si l’on regarde (comme l’a fait le journaliste Eric Dupin qui a fait son tour de France des utopies, et qui rend compte d’autres expériences) on s’aperçoit que certains acteurs cherchent consciemment à fuir le monde. Ce ne semble pas être le cas en Limousin, où le Plateau est un ensemble doté d’une conscience politique.
Je ne vais pas répondre à la question, mais plusieurs approches de la question sont possibles :
On observe le détachement vis-à-vis du » fétichisme marxiste » fondé sur la prise du pouvoir de l’Etat. On rejoint un peu le point de vue de Marcel Mauss, qui ne voulait pas de révolution brutale mais la » construction de groupes et d’institutions nouvelles à côté et au-dessus des anciennes « . C’est-à-dire qu’un changement démocratique, par submersion, amène au changement institutionnel. On se débarrasse du romantisme révolutionnaire. On change le système de l’intérieur.
Parmi les premiers communautaires dans les années 1960/70 des disciples de Marcuse pensaient que l’on pouvait aller vers une révolution totale en la développant, en tache d’huile, par la multiplication des » espaces émancipés « . Les groupes marginaux deviendraient une force révolutionnaire, à la différence du parti léniniste.
Si l’on s’appuie sur les théories » accélérationnistes » d’Alex Williams et Nick Srnicek, ces pratiques restent du domaine de la » folks politics » et ne permettent pas des changements » systémiques « . Pour eux, ils devraient avoir pour moteur le potentiel technologique qui pourrait aider à la construction d’un futur » post-capitaliste « .
A quel voix se rallier ? C’est l’objet du débat, je ne trancherai pas cette question.
Le débat
Une intervenante :
Tu parlais tout à l’heure des communaux, et moi j’ai cru lire sur internet, qu’il y avait une sacrée bagarre avec des conseils municipaux qui essayaient de les récupérer.
Dominique Danthieu :
Le problème c’est que les choses vont tellement vite, avec tellement d’initiatives, que parfois ça s’emballe. Sur la question des communaux : on s’aperçoit qu’ils ont mieux résisté en France, au niveau historique, que dans les pays anglo-saxons. Et on pourrait faire un lien avec l’histoire parce qu’on nous dit que dans la Montagne limousine, les communaux ont été très présents. Ce qui est logique dans un terroir où les terres agricoles ne sont pas très bonnes ; avoir des terrains de parcours notamment pour l’élevage des brebis, c’était indispensable. Mais il faut faire attention, car au XIXème siècle l’ampleur des communaux était très variable selon les communes. Alain Corbin, dans sa thèse Archaïsme et modernité en Limousin avait défini plusieurs types d’occupation du sol en fonction de différentes communes. Par exemple il y avait Peyrat le Château avec des communaux très présents. Par contre à Tarnac, commune pas très éloignée, la part des communaux était beaucoup plus petite. Donc le vécu des communautés rurales est différent parce que l’ampleur des communaux est variable. Mais il y a quand même une mémoire collective des communaux. Quant aux évolutions récentes que tu évoques, je ne l’ai pas vu.
Un intervenant :
L’ancien maire de Tarnac, Jean Plazanet, disait qu’il y a des communaux qui ont été vendus. Il ne faut pas confondre communaux et communisme rural. Tarnac, c’est certainement le » diamant » du communisme rural sur la montagne limousine.
DD :
Effectivement il n’y a pas d’héritage direct entre communaux et communisme. La question qui se pose par rapport à ces terres communes, c’est qu’elles ont perdu leur fonction de terrain de parcours parce que l’agriculture est réduite à la portion congrue et les exploitations qui restent se sont considérablement étendues, avec la pratique de l’extensivité. Donc, qu’est-ce qu’on fait de ces terres ? Vendre pour boiser ? C’est peut-être une nouvelle forme de ce qu’on appelait les enclosures, en trouvant à ces terres une nouvelle utilité économique. Ce qui semble inutilisé, ce qui n’a pas d’appropriation visible, qui n’est pas travaillé, des gens peuvent se l’approprier pour en faire quelque chose : c’est l’héritage des Lumières. L’agriculture limousine interpelle avec ses landes, ses communaux. Ils ont leur utilité, mais pour les agronomes c’est un système archaïque.
Un intervenant :
Je voudrais remercier Dominique Danthieux pour son évocation des géographes anarchistes, et cette conception de l’espace qui m’est chère. Elle définit plusieurs sortes de richesses. A l’heure actuelle on considère qu’il y a des terres pauvres, souvent exploitées avec des forêts, des communaux, et puis il y a aussi la richesse du sous-sol avec les mines et ça revient au goût du jour, notamment dans la vallée de la Voueize. Il y a là une problématique de la richesse et de la pauvreté, qui n’est pas celle des anarchistes puisque nous plaçons la richesse avant tout dans l’être humain, dans la richesse des liens sociaux, aussi dans le mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (Mauss). Mais je crois qu’il y a beaucoup de matière pour aller développer les richesses entre les gens.
DD :
Tu as raison. Et dans l’exploitation industrielle de la forêt et ses dommages, dans l’eau, on voit bien qu’il y a un mouvement du fait de l’écologisme, mais pas seulement, qui tendrait à considérer ces ressources comme bien commun, propriété de tous. L’enjeu, par rapport à la forêt, est assez net . La question de l’eau, je l’ai moins vu apparaître sur la Montagne limousine. Constituer les ressources naturelles en bien commun. Cette question, c’est comment leur exploitation, leur propriété physique peut déterminer tel ou tel système politique. Un historien américain, Timoty Mitchell, explique dans Carbon democracy que les sociétés exploitant le charbon ont engendré des sociétés démocratiques, contrairement à celles basées sur l’exploitation du pétrole, parce que l’exploitation du charbon se prêtait au développement d’un mouvement ouvrier, les propriétés physiques du charbon faisaient qu’on pouvait très bien bloquer les approvisionnements de charbon, et les Etats devaient entrer dans des processus de négociations avec les syndicats pour éviter les situations de blocage qui auraient mis à plat l’économie. Il n’en est pas de même dans le cas de l’exploitation de pétrole. Les pétromonarchies ne sont pas réputées pour être des États démocratiques. Le raisonnement de Mitchell, est intéressant parce qu’il attire l’attention sur comment la gestion de ressources naturelles peut avoir une implication sur un système politique. Il y a aussi des failles dans ce raisonnement : l’URSS avait des armées de mineurs et elle n’a jamais été un Etat démocratique. La Chine aussi. Mais c’est un point de vue américain. Alors, peut-être que d’une gestion plus raisonnée de la forêt peut sortir un système politique différent.
Un intervenant :
Lors de la dernière réunion du Refuge des résistances, sur le Plateau, il y a eu plusieurs interventions sur l’exploitation du bois, avec des cartes faites par le groupe Rado et par Nature sur le plateau. A cette occasion on a parlé de l’eau : le château d’eau de la France qui devrait être le Massif Central et le Plateau de Millevaches ( » milles sources « ) n’en n’est pas un, et est pollué pire que la Beauce. C’est une chose que la plupart des gens présents ne savaient pas. Ca va transformer un rapport social réel dans les années qui viennent. L’exploitation forestière à outrance avec la monoculture du douglas, avec des pesticides, des machines très performantes, déséquilibre un écosystème. Dans les cinquante ans qui viennent ça va entraîner une désertification du Plateau, ce qui va poser de sacrés problèmes aux habitants, y compris aux élus.
DD :
J’imagine facilement que l’exploitation de la forêt avec un usage massif de pesticides, plus l’acidification plus ancienne, va avoir de grosses conséquences sur la qualité de l’eau, mais cette question a peu émergé jusqu’à maintenant.
Un intervenant :
Sur la Montagne limousine il se passe quelque chose de singulier, qui s’est formé par strates, générations, qui va chercher dans une histoire longue, qui s’ancre dans un » vide « , un vide qui n’est pas vide. L’hyper-dépression démographique est récente, du point de vue de l’histoire. A la veille de la deuxième guerre mondiale il y avait encore des gens dans les campagnes, avec une vie paysanne qui était réelle. Évidemment, ce n’était pas comme à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème. Quand on parle de l’histoire profonde, ceux qui faisaient des aller-retours donnaient une ouverture sur le monde, amenaient avec eux tout un ensemble d’idées. Tu parlais de 100 néo-ruraux soixante-huitards, comparés au 3000 des Cévennes ; ça paraît modeste, mais aujourd’hui on est dans une configuration complexe qu’on ne retrouve pas dans des systèmes de communautés de type Longo maï, qui ont un lien organique avec le Plateau, entre autre. Il suffit de prendre le catalogue de ce qui est appelé » entreprises d’économie sociale et solidaire » sur le Plateau, catalogue fait par le Parc, et les sites des réseaux autour des acteurs du Plateau comme de Fil en réseau, le Repas, le système Tarnac qui est quelque chose d’assez compliqué, et entre eux, il y a tout un tas d’autres éléments qui interfèrent et puis ce qui se passe comme vie dans cet ensemble. Tu parlais des personnalités locales qui ne sont pas d’extraction chiraquienne, il y a là une autonomie foncière, structurelle : Peyrol, l’ancien patron de l’agriculture corrézienne et des HLM parisiens, en parlait dans un film. Il disait que ces communes-là ne sont dans l’attraction ni d’Eymoutier, ni de Meymac, ni de Felletin et que là, comme le disait le président Mao, il faut compter sur ses propres forces. Ce qu’il faut ajouter aujourd’hui c’est cette dimension intellectuelle, internationale. Les migrants, l’ouverture, ce n’est pas vieux. Les relations avec l’Angleterre : si les coopératives ont été ici aussi fortes, ce n’est pas seulement le fait d’une transposition d’une solidarité rurale des paysans pauvres prolétarisés ; il y a aussi les proscrits du XIXème siècle qui sont allés en Angleterre, qui ont rencontré les pionniers de Rochdale (Taillandier a raconté leur histoire), les maçons, tout ça. On ne peut pas comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui sur le Plateau si on n’a pas toute cette histoire en tête et si on s’en tient à l’analyse objectivante, extérieure, si on ne prend pas en compte Augustin Berque, une dimension sensible d’un rapport avec le paysage, la culture vernaculaire. On a aujourd’hui une espèce de cocktail qui fait qu’entre Marinaleda et le Plateau il y a des liens, entre le Chiapas et le Plateau il y a des liens, des bibliothèques étonnantes. Mais il n’y a pas que Tarnac. Il faut voir l’ancien presbytère de Faux la Montagne et sa bibliothèque. Compte tenu de ce qui se passe dans le monde, on a là une » situation » très particulière.
DD :
Les liens avec le reste du monde, je n’ai pas eu le temps d’en parler. Mais c’est la mondialisation : on peut aussi l’utiliser de manière plus positive. On le voit bien par exemple pour les Nuits du 4 août avec des intervenants d’un peu partout, d’Italie, du Japon, du monde arabe. C’est-à-dire que le Plateau est relié au reste du monde ; c’est une dimension importante. Tous ces espaces où il y a ce type d’expériences ont la possibilité de se relier entre eux en utilisant les outils de la mondialisation.
Un intervenante :
Quel est le pourcentage des néo-ruraux par rapport à la population ?
DD :
Je n’ai pas de chiffre.
Un intervenant :
Entre 300 et 2000.
DD :
Les gendarmes l’ont pour certains groupes. Ambiance Bois, c’est l’arbre qui cache la forêt. Il y a des gens d’Ambiance Bois qui se sont investis dans d’autres expériences connexes. Ils irriguent complètement le tissu associatif. Par exemple, la SCOP la Navette, où vous retrouvez Michel Lulek, un ancien d’Ambiance Bois. Ambiance Bois est devenue emblématique parce qu’il y a eu la réussite de l’entreprise, ensuite parce qu’elle a bénéficié d’une page magazine au 13h de France 2. Elle a une visibilité nationale. C’est un peu l’effet Ardelaine en Ardèche, c’est-à-dire une entreprise emblématique d’une expérience et d’un territoire, et du coup on oublie un peu qu’il se passe tout un tas d’autres choses, plus modestes, moins spectaculaires. J’ai du mal, parce qu’en histoire on travaille plutôt sur ce qui s’est fait et pas sur ce qui se fait. On ne s’exprime que par rapport à un instant T et au moment où je parle cela évolue.
Un intervenant :
Il y a des outils aussi qui existent sur ce territoire comme une coopérative d’activité et d’emploi, Césamoxalis, l’importation d’une expérience conduite vers Lyon et dans différents territoires en France qui permet à des gens qui ont une idée d’activité de type économique, de se salarier en proportion de ce que l’activité rapporte et de bénéficier de services communs, de ne pas être isolés dans leur coin. Il y a des sortes de couveuses d’activités type Pivoine. On peut considérer que ce sont des outils facilitant les choses à des gens qui auraient envie de développer un projet qui serait économique. Les collectivités publiques (je pense à la Région) agissent aussi : à une époque Robert Savy, ancien président de la Région, avait lancé l’idée d’une politique d’accueil. Il y a aussi des associations comme de Fil en Réseaux qui développent des lieux tests permettant de tester une activité. Ces outils se sont développés parce que les gens qui ont essayé de créer une activité se sont rendu compte de la difficulté et ont essayé de mettre en place du service solidaire, de l’échange. Il y a une accumulation d’expériences. Il y a un autre facteur important sur ce territoire. Si on était à 30 ou 40 km de Limoges, il y aurait un effet grande banlieue. Mais si on est à Faux la Montagne, on ne peut pas se dire » Je vais travailler tous les jours à Limoges « . On vient avec un projet de vie, une activité qu’on va développer sur place. On crée son propre emploi.
DD :
La cartographie le souligne très bien. Il n’y a pas longtemps, je regardais les cartes sur Géoclip qui propose une série de cartes. Quand on regarde des cartes du Limousin, on voit très bien la démonstration de ce que tu viens de dire. On est loin des zones d’attractivité de toute grande ville. On est dans une zone interstitielle.
Les scénarios des aménageurs pour ces espaces (si on regarde les programmes scolaires, ça transparaît), ce sont des espaces récréatifs, des espèces de réserves. C’est vrai qu’on est dans des sociétés où on a besoin de se mettre au vert, mais ce n’est pas si simple de mettre en place un espace récréatif : les forêts industrielles avec les alignements de douglas, ce n’est pas très récréatif. Ensuite vous avez un » grand pôle touristique » comme le lac de Vassivière, qui est un peu passé à côté de sa vocation. Il y avait de grands projets pour Vassivière, mais sa fréquentation n’est pas exponentielle. On a des espaces montagnards avec des contraintes de climat. Un espace récréatif suppose une réflexion sur l’accueil, sur l’usage des espaces… et je ne suis pas sûr qu’on soit au point sur ce terrain.
Un intervenant :
On peut rappeler la devise de l’ancien maire Louis Longequeue : » Pour vivre heureux, vivons cachés « . Je crois que c’est quand même sous son règne que Vassivière a été fait en partie, et il y avait quelque part un désir inconscient de ne pas réussir. Il ne peut pas à la fois y avoir du public et ne pas y en avoir.
DD :
Vassivière c’est aussi l’Etat, qui en est à l’origine avec le barrage, la retenue d’eau pour EDF. Ensuite on va passer de l’Etat, avec les préfets qui vont jouer un rôle pour déléguer, aux élus locaux. Il y a peut-être eu une gestion avec un désir de ne pas trop s’investir.
Un intervenant :
On n’a pas pensé à l’aménagement du territoire, mais le Limousin est la région où il y a proportionnellement le plus de centres d’art contemporain au m2 : Meymac, Vassivière, Rochechouart, Limoges, Eymoutiers,Tulle,… On a pensé qu’on pouvait faire un cheminement. En même temps on pouvait revitaliser des structures de diffusion culturelle comme PEC, qui ont eu l’intelligence de saisir l’art contemporain pour s’y immiscer et faire un travail sur le local avec des commandes publiques, avec Marc Pataud et d’autres photographes d’une grande qualité, et ça, ça reste une des figures emblématique de l’image du Limousin qui est dans une modernité et dans une espèce d’utopie » arts plastiques » qui vient du travail artisanal, et peut-être aussi d’une question qui ressurgit actuellement au sein du ministère, localement : c’est la question de William Morris, c’est-à-dire un art qui a un rapport avec le social, de la fabrication du design avec le porcelaine, les émaux, etc.
DD :
Je voulais rebondir par rapport à » Pour vivre heureux, vivons cachés « . Quelque chose que j’avais sous-estimé, c’est le fossé entre les » natifs » et les » néo-ruraux « . On l’a vu au moment des élections municipales. Je discutais avec Jean-François Pressicaud, fin connaisseur de ce territoire, qui me disait qu’à l’occasion des municipales, il avait entendu le discours » laissez nous mourir en paix « . Michel Kiener me disait qu’il y a quarante ans, on entendait la même chose. Je trouve ça inquiétant, si c’est la seule perspective…
Une intervenante :
On ne peut pas faire le bonheur des gens malgré eux.
Un intervenant :
Pour revenir sur la question de l’isolement, de l’accueil des nouveaux, et sur quelque chose de typiquement limousin, voyez l’abbaye de Grandmont : au départ, c’est aussi un de ces lieux où l’on nie le pouvoir. Isolement dans l’habitat, dans l’espace. On a le même problème aujourd’hui avec l’habitat non ordinaire, avec les yourtes qui se font rejeter aussi à Gentioux, par exemple.
DD :
Par rapport aux yourtes, il y a tout un tas de questions qui se jouent, dont celle d’un habitat non conventionnel, mais qui suppose des modes de cohabitation qui ne sont pas du tout ceux de la modernité. Celle-ci a privatisé l’espace, mais développe un argumentaire moralisateur sur le mode de vie. Il y a aussi les questions matérielles des taxes foncières, etc.
Un intervenant :
Je voudrais simplement demander : qui décrète, qui définit ce qu’est une utopie ?
DD :
C’est une excellente question mais je n’ai pas la réponse. C’est aussi un des points du bouquin sur lesquels on peut buter : est-ce qu’une utopie qui se réalise, qui réussit, est encore une utopie ? à partir de quel moment on décrète que c’est une utopie ? Ce qui fait que dans le livre on s’est plutôt tourné vers des choses qui ont réussi. On pourrait réfléchir sur le kibboutz : ça n’a pas vraiment réussi.
Un intervenant :
Il y a deux kibboutz qui sont présentés dans le livre. Celui qui a fonctionné, c’est celui de Nazareth qui a déjà fait l’objet d’une communication, mais j’ai trouvé intéressant de présenter le deuxième qui, lui, est dans le Quercy, entre Cahors et le nord du Lot. Du fait d’un effet de seuil et de l’aridité du sol calcaire rendant la culture plus difficile, ce dernier kibboutz a tourné court. Je dis effet de seuil : c’est entre 12 et 15 personnes. Il y en a une centaine à Nazareth, la durée est de plus d’un an, ils passent l’hiver et leur projet c’est d’expérimenter dans un lieu qu’ils considèrent comme assez proche d’un climat méditerranéen. L’initiateur est quelqu’un qui a beaucoup voyagé au Maroc, en Tunisie, en Algérie. On peut considérer que c’est une réussite puisque la plupart étaient des Juifs étrangers et qu’aucun n’a été trouvé dans le mémorial de la Shoah. La plupart sont partis s’installer en Palestine.
DD :
C’est une expérience qui, à cause du contexte où elle se déroule, a dû s’arrêter. Mais ça a marché. Ca rend la lisibilité de l’utopie délicate.
Un intervenant :
On peut se poser une question. Ce qui se passe sur le Plateau, c’est peut-être ça qui n’est pas l’utopie. La fin de l’utopie aujourd’hui, c’est celle des tours qu’on voit au Quatar, l’utopie de l’hyper-capitalisme. Effectivement sur le Plateau il y a des gens qui pensent et mettent en pratique et qui ont fait le pari que la fin de l’utopie du capitalisme exige une réponse concrète de la vie.
DD :
Pourquoi ne pas le considérer comme une utopie ? On est là dans une définition négative.
Un intervenant :
J’aimerais avoir le sentiment des historiens présents dans la salle pour savoir ce que vous pensiez de
la métaphore assez forte, de la fin du phalanstère de Guise au moment de 1968 ? Pourquoi face à un mouvement social qui aurait dû la renforcer, cette utopie-là se délite complètement ? Comment ça marche, le négatif à l’œuvre ?
DD :
C’est vrai, c’est un symbole. J’ai l’impression que cette date de 1968 marque la fin d’un phalanstère mais c’était un mode de vie un peu de caserne même s’il y avait un vrai projet social derrière. On est quand même dans un contrôle très fort des individus, des ménages, et ça c’est quelque chose qui à cette époque n’est pas très bien toléré. Pour les phalanstériens il y a quand même des contraintes très fortes, mais je ne sais pas si en 1968 elles étaient aussi fortes qu’au début.
Un intervenant :
Je crois qu’il ne faut pas faire l’erreur de comparer Leroux, le Ligoure de Le Play, et Guise et ce qui se passe sur le Plateau aujourd’hui. L’ancien presbytère, les gens de Faux la Montagne l’appellent Guise. Les éditions Repas ont publié un livre sur Godin.
Un intervenant :
Tu n’as pas évoqué l’épisode des élections municipales du mois de mars où il y a eu une sorte d’affrontement entre » autochtones » et » néo » (appellation réductrice) notamment à Gentioux.
Qu’est-ce qu’on peut en dire ? Est-ce le rejet d’une greffe?
Un intervenant :
Dans son travail, Pressicaud dit que l’amalgame ne peut pas se faire sans le conflit.
DD :
Ca soulève plusieurs choses. Ces néoruraux viennent dans un lieu où tous ceux qui pouvaient avoir une activité ont déserté ; et s’ils l’ont fait, c’est qu’on leur a expliqué que là on ne pouvait plus rien faire. Donc, ils voient des gens qui arrivent et qui ne réussissent pas si mal, ce qui remet en question leur propre parcours personnel. C’est-à-dire que eux, ils sont restés sur place, ils voient arriver des gens avec des pratiques anticonformistes, donc ils se posent des questions. Et puis il y a ceux qui reviennent passer leur retraite et se retrouvent avec des espèces d’enquiquineurs. Alors ils leur disent » vous n’êtes pas du coin « , même si eux-mêmes sont partis pendant quarante ans. Il y a un phénomène, une étape en train d’être franchie, la place de l’histoire dans la légitimation de la présence des néoruraux. Il y a deux choses qui jouent : l’idée de se mettre dans l’héritage de la Résistance (pas pour ceux qui arrivent dans les années 1970/80), vous avez la plateforme sur le communisme rural parue avant les élections, c’est très intéressant, on entre aussi dans une légitimation par rapport à une histoire. Et c’est là aussi que peut naître du conflit avec les locaux parce qu’ils se disent : » On est dépossédé, la Résistance c’était nos pères, le communisme rural aussi, ils ne vont pas nous donner des leçons par rapport à ça « ! Ce phénomène de dépossession est créateur de conflit, ainsi que des modes de vie plus ou moins compréhensibles.
Un intervenant :
Par rapport aux nouveaux arrivants, j’ai eu une réflexion du maire de ma commune à côté d’Excideuil. Elle m’a dit, parce que je suis à la fois de chez moi et parti ailleurs : » C’est pas les nouveaux arrivants qui vont dicter leur loi « . Ce qui m’a troublé c’est que, dans ma famille, on parlait tous le patois et le français était une langue étrangère pour nous. Je suis le premier à ne parler que le français et ces gens-là, comme mes parents, ils se sont crus Français et ils réagissent un peu comme les Français des origines qui se sont tout de suite définis par rapport aux agressions étrangères (la Révolution française et tous les pays d’Europe contre la France) ; aujourd’hui ils sont dans ce paradoxe de se croire Français et d’être Français et de refuser des gens qui arrivent qui sont aussi Français. Je crois que c’est ce paradoxe culturel qui est profond et commun à toutes nos campagnes.
DD :
Oui, il y a un phénomène qui a pu jouer sur le Plateau, c’est l’idée qu’on veut bien accepter les » néo » à partir du moment où ils ne prennent pas en mains les affaires municipales, le pouvoir. A Faux la Montagne, ils l’ont pris : la maire, Catherine Moulin, est issue du collectif Ambiance Bois. Là, ça a marché. On vous dira, en discutant avec des gens du coin, que les gens d’Ambiance Bois ne sont pas si bien intégrés que ça dans le milieu local, sauf Catherine Moulin mais parce qu’elle n’hésite pas à aller sympathiser avec les gens au bistrot, alors que les autres ont tendance à vivre en vase clos, c’est-à-dire à ne pas faire travailler le commerce local pour le ravitaillement quotidien… c’est quelque chose auquel les habitants du pays sont sensibles : » Chabatz d’entrar « , certes, mais faut pas être fier pour s’intégrer. Les dernières municipales ont fait ressortir de l’hostilité, de la violence que je n’aurais pas imaginée. Ca s’est focalisé à Gentioux, parce qu’il y a une élue assez virulente contre les néo-ruraux, mais je pense que c’est diffus ailleurs.
Un intervenant :
Peyrol disait : » Vous verrez, les élections ça fait pchit, après les gens reprendront la vie commune « . Pressicaud le disait pour les gens de la génération 1968 : les choses ne peuvent pas se faire sans heurts, sans conflits, sans débats, sans une dialectique, mais au fond quand les » jeunes » de Tarnac se sont fait alpaguer par les robocops, tout le pays s’est solidarisé.
DD :
Mais tu as après un maire qui a été élu et qui n’était pas très favorable. Il a voulu faire fermer l’école. En fermant l’école, on ne favorise pas les implantations de » néo » ! et dans son esprit, ce n’était pas plus mal.
Compte-rendu réalisé
par Anne Vuaillat